Le géant du e-commerce a depuis plusieurs années développé une politique d’investissement dans les contenus pour enrichir sa plateforme de streaming Prime Video et générer des abonnements à Amazon Prime, le service de livraison premium du groupe. Après avoir investi l’univers des séries télévisées et des longs-métrages, le site de commerce en ligne s’attaque au monde du sport en multipliant les accords avec les ligues professionnelles. Une stratégie qui pourrait faire entrer Amazon dans une toute autre dimension à la fin de l’année puisqu’Ed Woodward, le vice-président de Manchester United, lui prête l’intention de vouloir se positionner sur les droits de la Premier League qui seront renégociés à cette échéance.
Une ambition commune aux géants du net
La vidéo est au cœur de la bataille que se livrent les géants du web, et le sport constitue mécaniquement un levier de développement puissant. Il est un outil de distinction unique, permettant de rassembler une audience massive, de générer des interactions et de monétiser le trafic. Alors que les avancées technologiques permettent une diffusion sur appareils mobiles en haute définition, les acteurs du net se montrent de plus en plus actifs sur le marché des droits sportifs. Amazon, Facebook, Snapchat, Twitter, Yahoo, YouTube… les grands groupes de la tech ne cessent désormais de faire l’actualité économique du sport.
Autrefois conclus à titre expérimental, les partenariats entre géants du web et détenteurs de droits ont pris de l’épaisseur au cours de ces dernières années. Limité dans un premier temps aux États-Unis, le mouvement investit progressivement les marchés européens. En parallèle de son expansion géographique, il monte en gamme et ne se borne plus aux compétitions « mineures ». NFL, NBA, MLB, MLS, Ligue des Champions, Circuit ATP, Tournoi des 6 Nations… les acteurs du web n’hésitent plus à se positionner et empiètent progressivement sur le territoire des diffuseurs traditionnels.
Pour les détenteurs de droits sportifs, l’arrivée des leaders mondiaux de l’internet représente une opportunité de valorisation de leurs évènements avec une nouvelle fenêtre de revenus. Ces plateformes constituent en outre une formidable vitrine d’exposition, leur permettant d’atteindre des audiences massives mais aussi d’internationaliser et de rajeunir leur public. Avec l’offensive des acteurs du web dans le domaine sportif, c’est une révolution qui s’amorce et qui pourrait à terme rebattre les cartes dans l’attribution des droits audiovisuels.
2017, année de la montée en puissance d’Amazon sur les droits sportifs
Il y a tout juste un an, Bloomberg révélait que le leader mondial du e-commerce s’apprêtait à acheter des droits sportifs pour valoriser Amazon Prime (son offre de livraison premium agrémentée de services tels que Prime Video, Prime Music, Prime Reading, Amazon Drive, Twitch Prime…), et ainsi fidéliser sa clientèle et attirer de nouveaux abonnés. Dans un premier temps, la firme de Seattle souhaitait mettre la main sur des droits susceptibles de séduire un public international : tennis, golf, rugby, football, sports mécaniques. Le rapport de Bloomberg faisait également état de l’intérêt d’Amazon à l’époque pour l’acquisition de droits portant sur les disciplines les plus populaires aux États-Unis : baseball, basketball, football américain.
Depuis la publication de ce rapport, Amazon a effectué une première incursion dans l’univers des droits sportifs US en s’octroyant une partie des droits de diffusion en ligne de la NFL. La ligue nationale de football américain et Amazon ont en effet conclu un accord pour la diffusion de l’affiche du jeudi soir (« Thursday Night Football ») sur la plateforme de streaming d’Amazon pour la saison 2017-2018. Le géant du commerce en ligne succède ainsi à Twitter qui diffusait gratuitement ces mêmes rencontres sur son réseau social durant la saison 2016-2017. Dans le cas d’Amazon, l’accès au direct de ces rencontres sera réservé aux membres premium d’Amazon (85 millions d’abonnés rien qu’aux États-Unis selon Consumer Intelligence Research Partners). L’accord est estimé aux alentours de 50 millions de dollars soit un montant multiplié par 5 par rapport à la somme déboursée par Twitter un an plus tôt. Selon une source proche de ce dossier, Facebook, Twitter et YouTube étaient également en course pour l’obtention de ces droits.
Pour les 10 rencontres concernées par cet accord, Amazon reprendra le flux des diffuseurs TV, à savoir CBS et NBC, qui eux paient 225 M$ chacun par an, pour diffuser 5 matchs. La chaîne NFL Network diffusera également ces rencontres. La première d’entre elles aura lieu ce jeudi 28 septembre et opposera les Chicago Bears aux Green Bay Packers. Elle sera retransmise en trois langues (anglais, espagnol, portugais) et visera une audience internationale avec une diffusion dans plus de 200 pays.
En dehors des États-Unis, Amazon a également signé un premier accord d’envergure au Royaume-Uni où le groupe a obtenu début août les droits de diffusion en direct du circuit ATP (principaux tournois de tennis masculin à l’exception des tournois du Grand Chelem) au détriment de Sky. Le site de commerce en ligne aurait dépensé jusqu’à 10 millions de livres par an pour obtenir ces droits d’après The Guardian. Sky, dont le contrat court jusqu’en 2018, payait jusqu’alors 8 M£ par an pour ces mêmes droits.
Amazon lorgnerait sur les droits du championnat de football anglais
Au moment de l’obtention des droits du circuit ATP, les analystes britanniques estimaient qu’il était de plus en plus envisageable qu’Amazon se positionne sur les prochains droits de diffusion de la Premier League. Près de deux mois plus tard, cette hypothèse vient de prendre de l’épaisseur après qu’Ed Woodward, le vice-président de Manchester United, ait lui aussi évoqué cette éventualité lors d’une conférence téléphonique avec des investisseurs : « je pense qu’ils [Amazon et Facebook] vont entrer dans la danse ». Le dirigeant mancunien s’attend à ce que les deux géants du net se joignent à la table et viennent concurrencer les chaînes BT et Sky, détentrices des droits domestiques de la Premier League sur la période 2016-2019 pour un total de 5,136 milliards de livres (auxquels s’ajoutent 3,1 Mds £ de droits internationaux).
Cette indiscrétion confirme l’intérêt des géants d’internet pour les compétitions sportives de premier plan. Un intérêt qui n’est pas nouveau puisque le patron de Manchester United a révélé qu’Amazon et Facebook s’étaient déjà montrés fortement intéressés lors du précédent cycle d’appel d’offres. L’arrivée de ces nouveaux concurrents, qu’ils parviennent à remporter un lot ou non, ne pourra qu’être bénéfique pour le championnat anglais qui confortera son statut de ligue de football la plus chère au monde. En effet, selon les premiers calculs des analystes, la chaîne Sky, qui avait déboursé à elle seule 4,2 Mds £ pour diffuser la Premier League sur trois saisons, devrait augmenter son offre d’au moins 45% pour conserver ses droits, soit près de 2 Mds £ supplémentaires. D’après les médias britanniques, les négociations devraient débuter dans les prochains mois et se conclure en février 2018.