L’ensemble des circuits de distribution se positionnent pour profiter de l’arrivée des objets connectés, des GSS aux boutiques des opérateurs, en passant par de nouvelles surfaces ultraspécialisées et les géants du net qui veulent éviter les intermédiaires. Chaque canal développe des stratégies différentes. À terme, les objets connectés concerneront l’ensemble des secteurs et toutes les industries, ce qui poussera certainement des enseignes jusqu’ici absentes à vendre ces produits dans leurs rayons naturels.
Pour l’heure, l’accompagnement est nĂ©cessaire et les distributeurs doivent privilĂ©gier l’expĂ©rience client et la dĂ©monstration (concept-store, experts, coachs…).Â
Les ventes d’objets connectĂ©s sont  en forte croissance et l’IDATE prĂ©voit 123 millions de wearables vendus en 2018 dont une grande majoritĂ© de montres connectĂ©es (croissance moyenne de 70% par an). Le marchĂ© est florissant, mĂŞme si aujourd’hui, pour beaucoup, les objets connectĂ©s et leurs fonctionnalitĂ©s restent encore mal connus du public. Une Ă©tude GfK[1] rapporte que pour 73 % des Français, la boutique physique reprĂ©sente un lieu incontournable Ă visiter avant d’acquĂ©rir un objet connectĂ©. Les enseignes physiques ont donc un rĂ´le majeur Ă jouer pour familiariser et guider le consommateur en proposant des espaces de dĂ©monstration et en faisant preuve de pĂ©dagogie.
Les GSS poursuivent leur transformation numérique
La Fnac qui a inaugurĂ© en 2013 des espaces objets connectĂ©s dans ses 108 magasins propose aujourd’hui quelque 200 rĂ©fĂ©rences d’objets connectĂ©s dans le domaine des montres, de la santĂ© et du bien-ĂŞtre, du sport ainsi que pour les loisirs ou la maison. Les objets connectĂ©s font partie de la stratĂ©gie de diversification de l’enseigne (8% du CA au premier trimestre 2014) qui souhaite ainsi pallier le recul des ventes sur ses marchĂ©s traditionnels (disques, vidĂ©o…) concurrencĂ©s par internet, la dĂ©matĂ©rialisation croissante et le piratage. Les rĂ©sultats de 2014 sont bons et montre que la Fnac est- sur le point de rĂ©ussir son pari. La Fnac dispose d’un atout majeur en Ă©tant parvenue en 2014 Ă jouer sur la complĂ©mentaritĂ© de son site d’e-commerce et de son rĂ©seau de magasins physiques. Les ventes omni-canales ont reprĂ©sentĂ© plus d’un tiers (35%) des ventes l’an passĂ©, contre 29% en 2013. Le 19 mars, la Fnac ouvre Ă AngoulĂŞme un concept-store, Fnac Connect,  entièrement dĂ©diĂ© aux objets connectĂ©s. Le concept devrait ensuite ĂŞtre dĂ©ployĂ©, sur 80 Ă 100 m², en shop-in-shop au sein de magasins existants ou en points de vente, en ville et dans les aĂ©roports.
Lick[2] , propose Ă travers ses 17 boutiques spĂ©cialisĂ©es, des lieux de dĂ©couverte et de vente spĂ©cifiquement conçus pour accompagner le dĂ©veloppement de chaque objet connectĂ©. Les diffĂ©rentes catĂ©gories sont reprĂ©sentĂ©s (santĂ©, domotique, loisir, textile, montre, jouets etc..). Selon le PDG fondateur StĂ©phane Bohbot, la high tech reste sous-reprĂ©sentĂ©e en termes de canaux de distribution dĂ©diĂ©s. L’objectif de Lick est d’avoir des espaces de vente de 100 Ă 200 mètres carrĂ©s dĂ©diĂ©s Ă ces nouveaux univers avec des vendeurs qui accompagnent et sont capables de faire la dĂ©monstration des produits en magasins. Le groupe a inaugurĂ© il y a peu le plus important magasin de la chaĂ®ne, dans le quartier de la DĂ©fense. Ce 1er rĂ©seau de distribution dĂ©diĂ© exclusivement Ă l’Internet des Objets va permettre aux principaux acteurs (des partenariats ont Ă©tĂ© signĂ©s avec avec Apple, Nokia, Samsung, Sony, Microsoft, LG, HTC, Huawei et Wiko) d’utiliser un nouveau canal de distribution pour mettre en avant leurs nouveaux produits mais Ă©galement leurs gammes de Smartphones qui restent le premier point d’entrĂ©e dans l’Internet des objets. Le rĂ©seau est Ă©galement important pour les startups innovantes qui peinent Ă trouver une exposition satisfaisante dans les circuits de distribution traditionnels. Lick a donc pour vocation de servir de relai commercial mais souhaite Ă©galement assumer un rĂ´le d’incubateur d’idĂ©es pour ensuite proposer certains objets inĂ©dits ou introuvables ailleurs.
Du côté des GSA, Auchan expérimente le financement participatif autour des objets connectés avec un partenariat avec la start-up Quirky pour lancer la fabrication et la commercialisation d’objets imaginés par les consommateurs et validés par un panel d’internautes.
- Forces : Les bons rĂ©sultats des grandes enseignes spĂ©cialisĂ©es sont encourageants pour le dĂ©veloppement des ventes d’objets connectĂ©s. GfK estime que leur dĂ©mocratisation passe par une distribution dans enseignes reconnues par les consommateurs. Les Ă©quipes de vente reprĂ©sentent un atout essentiel pour faire Ĺ“uvre de pĂ©dagogie auprès du public. Le très bon maillage du territoire est Ă©galement important. La Fnac dispose ainsi de 108 magasins en France.
- Défi/faiblesses : On pense plus à la pharmacie qu’à la Fnac pour acheter une balance ou un tensiomètre. De la même manière, on se dirige naturellement vers Décathlon ou Go Sport pour acheter un équipement sportif. Les objets connectés pourraient donc rapidement trouver une place naturelle dans les différentes GSS jusqu’ici très éloignées de l’univers technologique, comme les magasins de sport, les jardineries ou les pharmacies. Mais dans le cas où chaque enseigne vendrait des objets connectés liés à son secteur d’activité la question du positionnement exacte des nouvelles enseigne spécialisées ou des Corner ou rayons dédiés aux objets connectés pourrait être posée.
Le positionnement des opérateurs télécoms
Les opĂ©rateurs tĂ©lĂ©coms qui disposent d’un rĂ©seau de distribution physique Ă©tendu sur tout le territoire (1200 boutiques en France pour Orange contre environ 900 pour SFR et 650 pour Bouygues Telecom) sont aujourd’hui lĂ©gitimes sur le marchĂ© de la distribution des objets connectĂ©s, des nouveaux produits high-tech dont la majoritĂ© restent encore intimement  liĂ©s aux tĂ©lĂ©phones intelligents qui occupent les vitrines de leurs boutiques. La mise en avant de ces nouveaux objets accompagne naturellement les stratĂ©gies de diversification des opĂ©rateurs tĂ©lĂ©coms vers la maison connectĂ©e ou la e-santĂ© avec le lancement progressif de nouvelles offres pour les abonnĂ©s. StĂ©phane Richard, PDG d’Orange a annoncĂ© lors de la prĂ©sentation de la stratĂ©gie du groupe pour les 5 prochaines annĂ©es, « Essentiel 2020», que l’opĂ©rateur historique souhaitait transformer 20% de ses boutiques en « Smart store », organisĂ©s par univers (maison, travail, bien-ĂŞtre) et proposant une gamme complète d’objets connectĂ©s. Certaines boutiques seront mĂŞme requalifiĂ©es de « mĂ©gastores » avec des espaces de test de produits identiques Ă ceux proposĂ©s dans les Apple Store. Du cĂ´tĂ© de SFR-NumĂ©ricable et Bouygues Telecom, mĂŞme si le nombre de boutique a diminuĂ© ces dernières annĂ©es, le dĂ©ploiement de «corners» dĂ©diĂ©s aux objets connectĂ©s reprĂ©sente Ă©galement un axe stratĂ©gique.
- Forces : Les opérateurs sont naturellement associés aux objets connectés en raison d’une image technologique très forte et de liens intrinsèques avec le smartphone et les box, véritables hub des objets connectés. Leur légitimité repose également sur leurs nouvelles offres domotiques, Homelive pour Orange, Home pour SFR ou Smart Grid pour Bouygues Telecom qui permettent de piloter la maison connectée et intègrent de nouveaux objets reliés entre eux et pilotables à distance. De plus, les stratégies d’Open innovation et d’accompagnement des start-ups positionnent les opérateurs comme un maillon important de la nouvelle chaîne de valeur de l’Internet des Objets. Ils sont désormais positionnés pour assurer un rôle de pédagogie et d’accompagnement du public y compris dans leurs boutiques physiques.
- Défi/faiblesses : Les opérateurs ne sont pas forcément légitimes sur tous les segments de l’univers des objets connectés : si leur positionnement sur le divertissement, les wearables et la domotique sont naturels, il reste encore à convaincre le public qu’ils peuvent également être associés à la santé ou aux secteurs de la banque et de l’assurance par exemple.
 Les géants du net souhaitent eux aussi distribuer des objets connectés
Amazon (N°1 mondial de l’e-commerce) a lancé une section dédiée aux objets connectés sur son site avec plusieurs boutiques pour les différents univers : jardin, météo, lumière, santé, sport, montres. Les objets sont classés soit par thématiques soit par marque (Fitbit, Samsung). Le groupe de Seattle a également mis à disposition un learning center pour permettre aux moins expérimentés de comprendre le fonctionnement des objets connectés (le service n’est pas disponible en France). Les rumeurs d’un rachat d’une partie des boutiques de RadioShack (enseigne de hi-Tech qui a fait faillite récemment) sont par ailleurs persistantes. Une présence physique qui permettrait à Amazon d’exposer physiquement ses propres produits connectés (Kindle fire, FirePhone, FireTV) inaccessibles aujourd’hui ailleurs que sur le site internet.
Google se rapproche du consommateur en annonçant l’ouverture d’un site marchand Google Store dédié à la vente des objets connectés, smartphones et ordinateurs compatibles avec son écosystème (Chrome, Android, Android Wear, Nest) et distinct du Google Play Store qui se limite désormais aux contenus (apps, musique, vidéos…). Dans le même temps, le premier magasin physique géré par Google ouvre ses portes à Londres et deux autres sont annoncés pour 2015. Le magasin londonien est bien sûr un lieu de vente, mais aussi de démonstration et d’éducation aux nouvelles technologies même si Google cherche avant tout à valoriser les produits liés à son écosystème Android.
Apple qui réalise 90% de son CA sur le matériel physique, porte une attention particulière à son circuit de distribution. Le premier Apple Store a ouvert en France dès 2009 et on dénombre aujourd’hui 400 boutiques dans une quinzaine de pays. Avec le lancement de l’Apple Watch, les magasins sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important. Apple a en effet décidé une distribution particulière pour son nouveau produit. Après avoir progressivement retiré tous les wearables proposés par ses concurrents dans les Apple Store (bracelets Fuelband de Nike, Fitbit, Jawbone), l’Apple Watch sera vendue dans un premier temps en quasi exclusivité dans ses propres magasins. Certaines boutiques de « luxe » triées sur le volet seront associées mais il n’existe en revanche toujours aucune date pour la mise à disponibilité de l’objet chez les opérateurs télécoms et les grands distributeurs. Apple souhaite donc contrôler directement la vente de sa montre ce qui lui permettra d’assumer seul les efforts de pédagogie et de formation des consommateurs. Avec les wearables, le rapport de force est différent que dans l’univers des smartphone où les abonnements et les subventions positionnent les opérateurs comme des interlocuteurs privilégiés.
- Forces : Les géants du net veulent proposer une vitrine de leurs propres produits et profiter de leur force de frappe marketing. Le succès des Apple Store et leur maîtrise de l’expérience utilisateur représentent un véritable atout. Google, qui a dépassé la barre du milliard de smartphones vendus fonctionnant sous Android et qui domine l’écosystème wearables avec l’OS Android Wear, et qui arrive avec de fortes ambitions dans la maison connectée (acquisition de Nest) se positionne naturellement sur la distribution directe des objets connectés.
- Défi/Faiblesses : Apple restreint d’emblée la distribution à ses propres produits tandis que Google et Amazon n’ont pas de véritable présence physique et ne peuvent comme Apple s’appuyer sur des objets suffisamment emblématiques pour attirer le public dans de nouveaux espaces commerciaux.
[1] http://www.lesnumeriques.com/objet-connecte/gfk-2014-objets-connectes-nouvel-eldorado-high-tech-n39195.html