La société d’exploitation de salles de cinéma Kinepolis vient d’être récompensée lors de l’édition 2017 de CineEurope et se voit attribuer le titre d’exploitant de salle de l’année. Le groupe belge qui fête ses 20 ans cette année est récompensé pour avoir créé « un des réseaux de salles les plus innovants d’Europe » et constitue un exemple intéressant des évolutions actuelles.
Kinepolis, un des leaders européens de la salle de cinéma
Kinepolis est un réseau belge de salles de cinéma né il y a 20 ans de la fusion du groupe Bert et du groupe Claeys et qui s’est depuis très fortement étendu dans le reste de l’Europe. La croissance s’est accélérée au cours des dix dernières années et le nombre de multiplexes du groupe est passé de 23 en 2007 à 49 aujourd’hui pour 528 écrans[1] dans 6 pays. Cette croissance s’est effectuée notamment grâce au rachat du groupe Wolf Bioscopen présent aux Pays-Bas et en Espagne et celui du groupe Utopolis implanté aux Pays-Bas, au Luxembourg et en France. Le groupe est désormais plus européen que purement belge puisqu’en 2016 Kinepolis a généré seulement 35% de ses ventes de tickets en Belgique et a réalisé pour la première fois moins de la moitié (48%) de son chiffre d’affaires dans le plat pays. La France est désormais le deuxième marché du groupe qui y réalise 22% de son chiffre d’affaires[2].
Le groupe Kinepolis en chiffres (fin 2016)
Source : NPA Conseil sur données financières Kinepolis
Le groupe et son PDG Eddy Duquenne viennent d’être récompensés du titre d’exploitant de salle international de l’année lors de la convention CineEurope. Ce prix a été décerné au groupe pour sa capacité à « se positionner à l’avant-garde des innovations récente des salles de cinéma européennes en terme d’expérience du grand-écran » et à « définir les nouveaux standards» de l’industrie.
De fait, le développement du groupe au cours des 10 dernières années s’est effectué autour d’une stratégie ambitieuse fondée sur trois axes : l’investissement dans l’innovation, la recherche d’« une expérience utilisateur incomparable » et le marketing digital.
L’innovation au cœur de l’organisation du groupe pour améliorer l’expérience spectateur
Pour le PDG du groupe Eddy Duquenne, une des raisons principales de la réussite tient dans son organisation du processus d’innovation en interne. Kinepolis a mis en place à partir de 2012 un processus de « self-learning » impliquant environ 10% des employés du groupe qui au sein de structures dédiées partageaient leurs expériences afin de réfléchir ensemble aux moyens d’améliorer les performances du groupe. Kinepolis a poursuivi l’expérience en créant un « Innovation Lab » qui incite tous les employés du groupe à participer à l’élaboration de nouveaux concepts selon une logique entrepreneuriale. Chaque trimestre, les meilleures idées sont sélectionnées, testées puis mise en œuvre par des équipes dédiées ; pour favoriser l’implication du personnel le groupe remet chaque année un prix de l’innovation qui s’accompagne d’une prime.
L’objectif premier de cet Innovation Lab est d’optimiser l’expérience des spectateurs. Il ne s’agit pas de révolutionner l’expérience mais plutôt d’innovations incrémentales qui permettent d’enrichir les services proposés au spectateur. Kinepolis a par exemple mis en place une offre de siège premiums (« cosy seating ») avec table et porte manteau, des comptoirs de ventes de sushis ou encore un système de billetterie entièrement géré par une application mobile.
Une expérience premium grâce à la projection laser
L’autre pilier de l’effort d’amélioration de l’expérience des spectateurs du groupe réside dans l’investissement dans les nouvelles technologies de projection. Après avoir réalisé de façon précoce sa transition vers le numérique, le groupe investit désormais lourdement dans les projecteurs lasers[3]. Cette technologie utilise des lasers pour la projection ce qui permet une image en 4K à 60fps et une plus grande luminosité en 3D. L’objectif du groupe est de proposer grâce à ces nouveaux équipement une expérience encore plus immersive dans des salles « premiums » appelées « Laser Ultra » et équipées de projecteurs laser Barco RGB ainsi que d’un système sonore Dolby Atmos. Chaque multiplexe du groupe a vocation à disposer d’au moins une salle très grand-écran « Laser Ultra ». En outre, depuis 2016 toutes les nouvelles salles construites sont désormais équipées de ces projecteurs et le groupe a déjà construit quatre multiplexes entièrement équipés dont un en France à Fenouillet dans la banlieue de Toulouse.
La projection au laser permet en outre au groupe de réduire ses coûts d’exploitation. En effet, la technologie permet une plus la longue durée de vie du système de projection, une consommation électrique réduite de 30% et la disparition des frais de remplacement des ampoules à Xénon.
Investissement dans le marketing digital comme outil de recommandation et de programmation
Dans le domaine du marketing digital, Kinepolis a lancé dès 2008 un programme de marketing direct visant à récolter des données clients pour interagir plus facilement avec eux. Le projet a progressivement évolué et le groupe a désormais pour objectif de cartographier précisément la clientèle de chacun de ses multiplexes. Le groupe disposerait aujourd’hui d’un profil très complet pour plus de la moitié de ses clients[4].
Cette base de données a permis au groupe de mettre au point un système de programmation dynamique pour s’adapter précisément aux différents types de publics de chacun de ses cinémas. L’objectif est là encore d’améliorer l’expérience du spectateur en maximisant les chances de lui proposer un film susceptible de lui plaire. Dans ce cadre, Kinepolis a développé des cycles de programmation adaptées à une audience et à un horaire précise comme Ciné K pour les cinéphiles en journée ou Nuits Obscures autour du film d’horreur en soirée. Ces programmations alternatives sont en général testées au niveau local avant d’être étendues à d’autres multiplexes. En outre, le groupe développe des outils de marketing direct permettant de proposer à chaque spectateur des recommandations personnalisées. L’objectif est de lui faire découvrir des films vers lesquels il ne serait sans-doute pas tourné sans une invitation.
La programmation alternative
Enfin, le groupe explore également la programmation de contenus alternatifs. Kinepolis est ainsi un partenaire de longue date du Metropolitan Opera dont il diffuse les spectacles régulièrement dans ses salles[5]. Le groupe veut aller plus loin en proposant de plus en plus régulièrement du sport, du jeu vidéo et des concerts de musique contemporaine dont Kinepolis estime le potentiel commercial très supérieur à celui de l’opéra. En outre, le groupe a également ouvert une activité évènementiel B2B qui propose l’utilisation de ses salles et de ses équipements de projection pour d’autres types d’activités comme par exemple des démonstrations de cuisine où les spectateurs peuvent voir un chef préparer des plats directement sur grand écran. Cette activité est loin d’être négligeable puisque selon Eddy Duquenne, elle constitue désormais une part importante du chiffre d’affaires de Kinepolis[6]. Le groupe cherche actuellement à faire émerger de nouvelles expériences de ce type afin de proposer une gamme d’activités plus riche et adaptées à un public plus large.
[1] A titre de comparaison, UGC dispose de 450 écrans en France et en Belgique pour 34 millions de spectateurs tandis que le leader européen Pathé-Gaumont dispose quant à lui de 108 multiplexes et 1 076 écrans pour 67 millions de spectateurs en France, au Pays-Bas, en Suisse et en Belgique.
[2] En France, le groupe est surtout présent dans le Nord et l’Est du pays mais il tente de s’étendre et a ouvert au cours des dernières années trois multiplexes dans le Sud-Ouest.
[3] Nouvelle technologie de projection numérique dont les premiers équipements ont été commercialisés par NEC à partir de 2014.
[4] Et des coordonnées électroniques de près de 80% de ses clients.
[5] Pour plus d’informations sur la diffusion de spectacles vivants dans les salles de cinéma se référer au Flash n°811 : La Comédie Française en direct au cinéma illustre l’importance croissante du « hors film » dans les salles
[6] Plus précisément l’activité B2B représente 14,6% du chiffre d’affaires du groupe dont « une très grande part est réalisé grâce à l’évènementiel ».