« La baraka fait partie de la bonne gestion ». On doit la formule à Nicolas Sarkozy, mais Emmanuel Macron pourrait être tenté de la faire sienne tant les bonnes fées qui ont favorisé son élection (retrait de François Hollande, désignation de Benoit Hamon plutôt que Manuel Valls comme candidat du PS, Penelope’s gate…) semblent accompagner les premiers pas du président élu.
Sur le terrain électoral, d’abord : l’absence d’accord entre la France Insoumise et le PCF, et la confirmation du PS qu’il serait présent les 11 et 18 juin dans la presque totalité des circonscriptions vont contribuer à fragmenter les voix sur sa gauche ; à sa droite, la difficulté à tracer un cap, entre ouverture (Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Edouard Philippe, Bruno le Maire…) et opposition frontale (François Baroin, Eric Ciotti….) ne semblent pas jouer en faveur de la remobilisation de l’électorat LR ; à l’extrême droite, enfin, l’annonce du retrait de Marion Maréchal le Pen fait entrer le Front National dans une zone de turbulence, qui pourrait l’empêcher de capitaliser sur sa progression des élections présidentielles. Autant d’éléments qui pourraient conforter les sondages créditant déjà La République en Marche de la pole position lors des prochaines élections législatives.
Le terrain économique semble lui aussi sourire au nouveau Président : alors que François Hollande avait entamé son quinquennat sur une année à croissance zéro, Les Echos pointent ce mercredi que « la Banque de France vient de relever à 0,5% la croissance attendue au deuxième trimestre », citant par ailleurs le chef économiste de la Banque Barclays « qui table sur une progression du PIB de 1,5 % cette année et 1,8 % l’an prochain ». D’après Les Echos, toujours, « la Commission européenne pourrait ce jeudi revoir ses prévisions de croissance dans la zone Euro à la hausse par rapport aux 1,4 % et 1,7 % retenus jusqu’ici pour 2017 et 2018 ».
Les TMT ne sont pas en reste. S’agissant de la production audiovisuelle, le CNC saluait début avril « le montant de soutien à la production audiovisuelle le plus élevé de son histoire avec plus de 275 M€ (et la) forte progression de la fiction française qui voit son volume aidé atteindre son plus haut niveau depuis 2008 ». Dynamique proche pour le cinéma, avec une hausse de 13,4% des investissements dans la production (1,4 Md€) en 2016 et une fréquentation qui se maintient à fin avril au-dessus du seuil des 212 millions d’entrées en année glissante.
Concernant les « champions nationaux » des médias, TF1 a enregistré 2,5% de croissance de son chiffre d’affaire au 1er trimestre, et 3,5% pour l’ensemble de son activité contre, respectivement, -1,9% et +1,4% un an plus tôt. Même rebond pour M6 (+5,7% du recettes publicitaires et +3,8% de croissance globale, contre +3,7% et +1,4%). Et Vincent Bolloré assurait lors de la dernière assemblée générale de Vivendi que « les résultats de Canal+ remonteraient sensiblement à partir du 3e trimestre », après les 399 M€ de pertes et le départ de 492 000 abonnés enregistrés en 2016.
Du coté des télécoms, enfin, le président de l’ARCEP soulignait fin mars que « le revenu global des services mobiles (a cru en 2016) de 1,8 %, après six ans de baisse, (et que) la machine à investissement est en train de repartir » « Tous ces signes sont déjà des marqueurs forts vers la reprise du marché », estimait Sébastien Soriano… Au risque de paraître exagérément optimiste : au cours des 5 années à venir, les opérateurs devront assurer le développement du très haut débit fixe, à propos desquels la Cour des Comptes a souligné que l’objectif de couverture à 100% à l’horizon 2022 aurait du mal à être tenu, du point de vue du calendrier comme des coûts prévus, et se préparer au lancement de la 5G. Mais guerre des prix aidant, les revenus du secteur restent 20% inférieurs à ce qu’ils étaient avant 2012 (et l’arrivée d’un 4e opérateur), limitant d’autant ses capacité d’investissement. Considérer que la consolidation du secteur n’est plus un enjeu apparaît un peu hâtif.
Les enjeux à traiter par la nouvelle équipe gouvernementale ne sont pas moins significatifs du côté des médias :
- Déplacement du marché publicitaire vers les plateformes numériques, qui rend hasardeux toute prévision de retour à des croissances significatives et durables pour les médias classiques, en l’état du droit au moins ;
- Disparition progressive des frontières, dont les réseaux digitaux sont intrinsèquement porteurs et que le projet de Marché unique numérique européen tend à accélérer ; avec le risque de voir demain les droits premiums captés par des plateformes paneuropéennes, accompagnant et renforçant ainsi la pénétration des services OTT ;
- Structuration de la filière, capacité à faire émerger des champions nationaux capables de lutter à armes plus égales avec les géants mondiaux, et partage du financement comme de la valeur créée, entre producteurs et diffuseurs ;
- Chronologie des médias, s’agissant du cinéma, que le quinquennat qui s’achève n’aura pas permis de faire progresser…
Ce ne sont là que quelques exemples, et les tensions récentes entre les distributeurs Canal+, Orange, Bouygues Télécom, SFR et Free, d’une part, TF1 et M6, de l’autre autour de la rémunération du signal des chaînes de ces derniers, confirment la tendance d’une filière qui se sent fragilisée à se cristalliser sur le partage du gâteau existant plutôt que de rechercher ensemble la possibilité de faire émerger de nouveaux gisements de valeur.
Raison de plus pour espérer que, dans les TMT aussi, des réformes déterminées confortent le retour du printemps.
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