Les auditions tenues par l’Arcom pour la réattribution des fréquences de TF1 et M6 avaient montré la voie, et le PDG de TF1 Rodolphe Belmer a enfoncé le clou ce jeudi 24 mars, lors de son intervention au festival Séries Mania, en affirmant l’ambition de son groupe à « devenir la première destination de divertissement gratuit pour le public français, sur le linéaire aujourd’hui et sur le digital demain ». Dix-huit ans après son lancement, la TNT reste un socle, mais elle est surtout un tremplin.
Un socle, d’abord, parce qu’elle demeure pour un Français sur cinq le seul moyen d’accès à la télévision, d’après les chiffres publiés par l’Arcom début mars, qu’elle contribue fortement à ce que la télévision conserve plus de 70 % du temps passé sur le téléviseur, et que ses chaînes demeurent dans l’esprit du public les « marques » de référence de l’offre audiovisuelle. Il est frappant de constater que dans un paysage à une trentaine de chaînes de la TNT et pléthore d’offres digitales, les sept meilleures audiences TV de 2022 ont rassemblé davantage de téléspectateurs que leurs équivalentes de 2005.
Un socle pour le financement de la création puisque les diffuseurs ont contribué pour 340 M€ au financement du cinéma français en 2021, et que leurs apports représentaient la même année 60 % de celui de la production audiovisuelle.
Un socle – en voie d’effritement – pour la communication des marques : incontesté – à hauteur de 75 % à 80 % des budgets engagés – dès lors que la campagne souhaite se déployer pour tout ou partie sur le téléviseur ; fragilisé par les crises économiques et/ou sanitaires des deux dernières décennies et par les multiples chemins de traverse qu’ont ouvert les plateformes digitales. Avec, à la clé, des recettes qui sont à peine supérieures en 2022 à ce qu’elles étaient en 2005.
Mais puisque le réseau utilisé n’est plus la question et que l’IPTV a supplanté l’hertzien depuis 2016, la question est de savoir transformer le socle en tremplin.
L’Arcom aura l’occasion d’y apporter sa contribution dès ce printemps, avec la liste des Services d’intérêt général qu’elle doit arrêter et, surtout, les modalités de mise en avant qu’elle imposera aux fabricants de smart TV et autres équipements connectés.
Le ministère de la Culture pourrait aussi y apporter sa pierre, en réexaminant l’ordre des priorités qui a été le sien au cours des dernières décennies.
Aller jusqu’au bout de la suppression des « secteurs interdits » en autorisant les distributeurs à déployer leurs campagnes en télévision apporterait un peu de dynamisme au chiffre d’affaires des chaînes et aiderait à compenser les effets d’une conjoncture économique morose.
Rééquilibrer surtout les règles de partage des droits entre chaînes et producteurs, alors que le curseur posé par les « décrets prod » s’est déplacé depuis vingt ans dans un sens toujours plus favorable aux seconds, aiderait les éditeurs à remplir l’une des conditions clé de succès des stratégies de « plateformisation » vers lesquels ils sont tous orientés : la capacité à mettre à la disposition du public de larges catalogues. Un moyen terme est certainement envisageable entre la captation totale et sans limite de temps qui fait figure de chiffon rouge pour les producteurs, et les quelques mois d’exploitation exclusive sans, ou si peu, de droits secondaires, tels que les prévoient le décret Bachelot de 2021. D’autant que les +19 % de chiffre d’affaires et +20 % d’EBITDA enregistrés en 2022 par le trio Banijay, Fremantle, ITV Studios suffisent à rassurer sur la bonne santé des groupes de production.
La TNT fêtera ses 18 ans le 31 mars. Il reste quelques jours aux pouvoirs publics pour décider de célébrer avec force cet anniversaire !