En mai 2008, Libération titrait que « l’affichage publicitaire est une pollution visuelle ». En 2010, la loi d’engagement national pour l’environnement adoptée dans la foulée du Grenelle de l’environnement interdisait les « pré-enseignes » sur pied dans les communes de moins de 10 000 habitants, et nombre de municipalités s’employaient parallèlement à réduire le nombre des « 4 par 3 » sur leur territoire. C’est aussi début de décennie que l’affichage connaissait ses plus basses eaux commerciales : en 2013, ses recettes étaient tombées à 1,152 Md€ et à moins de 9% de l’ensemble des investissements publicitaires (source IREP).
Quatre ans plus tard, le tableau est sensiblement plus souriant : sans retrouver les sommets du début des années 2000 (12,8% des investissements en 2001), l’évolution du chiffre d’affaires est revenue dans le vert, et l’affichage a regagné plus d’un point en termes de part de marché (10% en 2017, après 10,5% en 2016), faisant donc mieux que résister à la montée des grandes plateformes numériques. Et la tendance vaut bien au-delà des frontières de l’hexagone : « selon le cabinet Warc, la croissance annuelle du marché mondial devrait atteindre 10 % entre 2019 et 2021 », indiquait Le Figaro ce mercredi 18 novembre.
Et précisément, c’est bien le numérique ou, plus exactement, le Digital out of home (DOOH) qui porte cette remontada. Le cas est suffisamment rare dans les médias pour être souligné : « le marché de l’affichage digital est attendu cette année à 14,6 milliards de dollars (12,8 milliards d’euros), soit 37,3 % du marché total de l’affichage, contre 20% il y a cinq ans », indique la même étude.
Outre qu’elle peut plus facilement se déployer dans les centres urbains (gares, centres commerciaux…), la nouvelle génération de panneaux présente de nombreux avantages :
- de flexibilité dans la gestion du réseau, donc dans sa commercialisation. Quand le déploiement d’une campagne de « 4 par 3 » est dépendante de l’organisation de tournées physiques des colleurs d’affiche, donc se prête mal au sur mesure et privilégie des blocs de panneaux prédéfinis, la granularité d’une campagne digitale descend sans difficulté à l’écran individuel, ouvrant la porte de ce média à des annonceurs locaux, dont le périmètre de rayonnement sont sans commune mesure avec ceux des groupes nationaux ou des marques mondiales
- de finesse du ciblage et de comptabilisation de l’audience : elle est le prolongement naturel du point précédent, à travers l’exploitation fine du géomarketing. Qui a effectué, comme job d’étudiant par exemple, des mesures de flux (entendre : comptage des voitures et/ou de pétons) dans de grandes artères, a pu apprécier la rusticité de ces modes de dénombrement. L’intégration de capteurs dans la structure des panneaux mettra demain l’affichage au niveau des méthodes de mesure passive explorées pour la télévision et la radio.
- de coût d’accès : aux frais de création, l’affichage traditionnel ajoute les coûts d’impression des affiches, et ceux afférant à leur pose et dépose. Le numérique représente donc des perspectives d’économies majeures sur les coûts d’exploitation… et partant sur le prix du contact.
- De rapidité de mise en œuvre et de capacité qui en découle à s’intégrer à des dispositifs tactiques destinés à surfer sur un élément d’actualité, dès lors qu’il n’est plus besoin de prévoir de longs délais de fabrication et de mise en place des affiches.
- Et finalement de « supplément d’âme » par l’accès au statut de média de contenu éditorial, et plus de simple support publicitaire, à l’exemple de l’expérience conduite à Rennes par Clear Channel, en partenariat avec Rennes Métropole et Brut. Dans le cadre de cet accord, le pure player vidéo produit depuis le printemps des mini-clips de 30 secondes, fidèles dans leur forme à sa marque de fabrique (sous titrage, tournage en vertical…) mais traitant de sujet de l’actualité locale. Objectif : améliorer l’impact des campagnes, mais également leur couverture. « On voit ce support comme un nouveau maillon, qui ouvre des perspectives pour prolonger l’expérience print ou web dans l’espace physique», expliquait mi-septembre le responsable du service information de Rennes Métropole, Benjamin Teitgen.