Les deux annonces ont été simultanées ou presque. L’une n’échappera pas au soupçon du « coup de comm » ; l’autre pourrait peser beaucoup plus lourd dans le mouvement engagé vers le Web piloté par la voix.
Ce mercredi 28 septembre, les Américains ont pu découvrir dans une dizaine de boutiques le blouson en jean connecté commercialisé par Levi’s, et technologiquement powered by Google. Par un jeu de pressions sur l’étoffe, le vêtement permet de prendre des appels, écouter des messages, ajuster le volume de la musique ou suivre les instructions d’un GPS sans sortir son téléphone de sa poche. Particulièrement utile quand on circule à vélo, soulignaient les deux groupes en présentant le produit. Mais « il n’y a pas à ce stade de projet de développement ultérieur », indique le site Techcrunch… qui relève par ailleurs que ce blouson fonctionne sous iOS (Apple) comme sous Android (Google).
L’autre rapprochement entre les deux géants de la Tech apparait plus significatif : Google traite depuis ce mercredi, l’essentiel des requêtes vocales effectuées sur Mac, iPhone ou iPad en utilisant Siri : Bing (Microsoft), qui fournissait jusque-là l’ensemble du service, ne gèrera plus que les recherches portant sur les images ; les liens vers des sites ou des vidéos seront eux suggérés par Google… avec une orientation par défaut vers YouTube s’agissant des secondes.
Le changement annoncé cette semaine prolonge celui qui s’était produit il y a trois ans, quand Google avait déjà remplacé Bing comme moteur de recherche associé au navigateur Safari d’Apple. Pour y parvenir, le groupe aurait alors accepté de verser 1 Md$ par an à Apple, d’après CNBC, et les enchères seraient montées à 3 Mds$ lors du renouvellement de cet accord, en août dernier.
Ces chiffres suffisent à démontrer, s’il était besoin, le caractère doublement stratégique des moteurs de recherche. Si on les rapproche des positions des différents acteurs de ce marché plus encore. D’après l’institut StatCounter, Google représente 92% du search à l’échelle mondiale (90% en France et 87,1% aux Etats-Unis), contre 2,5% pour son suivant Bing.
Maintenir ce leadership est essentiel pour protéger la formidable cash machine que représente le search sponsorisé : au 1er semestre 2017, celui-ci représentait 955 M€ d’après le SRI, en hausse de 7% sur 2016, avec une part de marché de Google qu’on peut supposer à la mesure de sa part des usages.
Prendre pied aujourd’hui sur Siri est aussi le moyen de préparer l’avenir. « Voice is the new search », prévenait il y a déjà plus d’un an le CEO de Google Sundar Pichai. « Les requêtes vocales représentaient dès mai 2016, 20% des recherches effectuées via l’appli Google sur Android aux US, et 25% des requêtes traitées par Bing via Windows 10 », précisait au début de l’été une étude consacrée par NPA Conseil aux conséquences de l’intelligence artificielle et de la reconnaissance vocale sur les industries culturelles : « l’arrivée massive de ces nouvelles technologies impacte les acteurs du contenu et du divertissement à plusieurs niveaux. La création, par l’intégration et la capacité de traitement toujours plus impressionnante de données, et les systèmes de « création » automatisés qu’elles permettent de développer. Mais également l’accès au contenu, par le retournement de logique qu’elles induisent : à la logique push du catalogue, potentiellement optimisée par l’utilisation d’algorithmes de recommandation, se substitue la démarche pull, dans laquelle le choix revient au seul spectateur, avec les conséquences que l’on peut imaginer au profit des programmes bénéficiant du soutien marketing le plus puissant ».
Moins médiatique que le lancement du dernier iPhone, mais sensiblement davantage porteur de conséquence.