L'édito de Philippe Bailly

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Audiovisuel : faut-il vraiment fêter l’anniversaire de la Loi Léotard ?

30 septembre 1986 / 30 septembre 2016. La « Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « Loi Léotard » aura 30 ans et structurera donc le PAF depuis une génération et demi.

léotard

Faire le décompte du nombre de ses modifications serait tâche ardue, que celles-ci soient liées à la transposition de Directives européennes (Directive télévision sans frontière, Directive SMA, Directive sur le commerce électronique…), à la préparation des grandes mutations technologiques (passage à la TNT ou au tout HD, lancement de la RNT ou encore mise en orbite avortée de la TMP) ou aux inflexions consécutives à des changements de majorité politique (remplacement de la CNCL par le CSA, allers et retours entre CSA et exécutif sur le pouvoir de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public…).

Pour autant, le socle du texte a traversé le temps, et avec lui les principaux principes qui ont prévalu à sa rédaction :

  • L’attribution gratuite des autorisations de diffusion hertziennes… en contrepartie de l’acceptation d’un ensemble de règles destinées à promouvoir « l’exception culturelle ».
  • Le pointillisme législatif (et réglementaire). Très loin d’un cadre simple et souple à l’intérieur duquel les acteurs du secteur auraient pu se mouvoir pour s’adapter à la nouvelle donne numérique, la loi dite Léotard s’emploie à canaliser à l’extrême leurs conditions d’exploitation (à l’exemple des dispositions sur la diffusion qui multiplient les quotas par genre et sous genre et le volume minimum de productions inédites mises à l’antenne en prime time ou de celles qui délèguent au CSA le pouvoir d’organiser la mise en image de la diversité et de la parité…),
  • Le principe du Small is beautiful qui restreint (au travers des règles anti-concentration et des règles liées à l’indépendance) le développement horizontal des groupes (limitation du nombre de chaînes hertziennes contrôlées par un même acteur), leur intégration verticale (le rachat de sociétés de production par un éditeur de chaînes… ou l’inverse) et même leur expansion transversale (la possibilité de réunir sous une même ombrelle activités de télévision, de radio et de presse écrite).
  • Le systématisme dans le « plus disant». Lorsque la loi Léotard est entrée en application à l’automne 1986, l’Europe de l’audiovisuel était encore un projet et la Directive télévisions sans frontière un projet (le texte est datée du 3 octobre 1989). La France se démarque déjà des dispositions supposées constituées le socle commun… et l’écart ne fera que grandir au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux services. Le décret SMAD en est une bonne illustration.

 

Qu’elles aient été justifiées par la volonté de simplifier la lecture du cadre légal ou par celle d’adapter le droit français aux réalités nouvelles issues de la révolution numérique, les différentes tentatives de refondre la Loi de 1986 se sont toutes heurtées à des échecs.

Et avec elles la volonté de remédier aux effets pervers apparus avec le temps, des difficultés du secteur audiovisuel à défendre son parc de fréquences face à la volonté expansionniste des opérateurs télécoms auxquels l’Etat sait pouvoir vendre la ressource, à des dispositions anticoncentration qui ignorent le numérique, en passant par l’application du principe du pays d’origine qui permet de diffuser vers la France depuis un Etat voisin en s’exonérant du cadre réglementaire hexagonal.

L’incapacité à faire émerger des champions nationaux en est une autre conséquence, plus tangible et immédiate celle-là : quand les leaders français TF1 et M6 valent aujourd’hui moins de 2 Mds€, leur homologue allemand ProsiebenSat1 Group flirte avec les 8 Mds€.

Alors fêter les 30 ans de la loi Léotard ? Pourquoi pas… à condition d’admettre qu’à un aussi long bail doit succéder une remise à plat. Souhaitons que la mandature nouvelle qui s’ouvrira au printemps 2017 puisse en offrir l’occasion.