Comme définition de Deux ex Machina, le dictionnaire Larousse propose notamment « personnage ou événement inattendu venant opportunément dénouer une situation dramatique ». Et si l’expression renvoie au théâtre classique bien plus qu’au cinéma du XXIème siècle, elle n’est pas sans évoquer le blitzkrieg par lequel le nouveau ministre de la Culture a fait aboutir les négociations sur la reconduction des accords entre Canal+ et le cinéma, et ouvert la porte à la réunion de la profession autour de l’évolution de la chronologie des médias.
C’est la lettre Satellifax qui, la première, a annoncé ce mardi 6 novembre, en début d’après-midi, que le Président du Directoire de Canal+ Maxime Saada et les représentants des organisations professionnelles du cinéma ARP, BLIC et BLOC seraient réunis « à 17 heures 15 » rue de Valois autour du ministre ; il n’aura pas fallu attendre le dîner pour qu’un projet d’accord soit bouclé, dont Satellifax (à nouveau !), publiait en fin de soirée les principaux termes. Sa signature ce jeudi 8, dans le cadre des Rencontres cinématographiques de Dijon, conclura la séquence en forme de happy-end, contrastant avec la mise sous tension – salutaire ? – qu’avait provoquée le 19 octobre l’annonce, par Canal+, de son retrait des négociations.
S’agissant du fond, le maintien du principe d’un minimum garanti par mois et par abonné comme base de calcul de la contribution de Canal+ au financement de la production représente une assurance pour le cinéma, jusqu’au terme de l’accord fin 2022 au moins (d’après les données du CNC, cette participation s’élevait à 154 M€ en 2017, et 175 M€ en y ajoutant les chaînes Cine+). L’accord conserve la référence en vigueur de 3,61€ HT par mois et par abonné pour la contribution à la production européenne (dont 2,73€, au moins, pour les films EOF). Mais la multiplication des formules commerciales désormais proposées par Canal+, par rapport à l’ancien tarif monolithique de 40€, se retrouve dans la complexité des termes destinés à évaluer le « prorata » à appliquer en fonction du type d’abonnement souscrit (tout ou partie des chaînes Canal+…), et dans l’intégration d’un MG « plancher » de 2,41 € HT.
L’assurance que Canal+ sera candidat au maintien de sa diffusion en TNT, après l’arrivée à échéance le 5 décembre 2020 de l’autorisation en cours, confirme par ailleurs qu’elle restera dans le régime le plus encadré par la loi de septembre 1986, celui des chaînes hertziennes et constitue donc pour le cinéma une autre garantie.
Mais Canal+ a aussi obtenu l’introduction d’un plafond fixé à 180 millions d’euros par an pour le montant de son obligation d’investissement dans le cinéma.
Et la capacité à mieux maîtriser les droits des œuvres dont le groupe a fait ces derniers mois une priorité se retrouvera dans la capacité – certes encadrée à 4 films français par an sur le territoire français – de sa filiale Studio Canal d’intervenir en tant que producteur délégué ou co-délégué.
Le CSA, enfin, trouvera certainement dans le « rôle de tiers de confiance » que lui confère l’accord sur « la mise en œuvre des obligations d’investissement » une application opportune de la conception nouvelle de la régulation défendue dans les 20 propositions qu’il a présenté début septembre.
Reste pour parachever le dispositif à obtenir la conclusion d’un nouvel accord sur la chronologie des médias.
Françoise Nyssen en avait fait l’une de ses priorités, mais n’était pas parvenue à faire converger les positions, Canal+ et d’OCS faisant de la reconduction de leurs accords avec le cinéma un préalable à leur signature.
La réunion de ce mardi a permis de répondre à l’attente du premier. Une issue identique devrait intervenir rapidement s’agissant du second… et le cinéma pourrait donc s’offrir un nouvel accord interprofessionnel en guise de cadeau de Noël.
Selon toute vraisemblance, l’arrêté du 9 juillet 2009 qui avait établi la chronologie encore en vigueur, ne fêtera pas son 10ème anniversaire !