Il est rare, peut-être même sans précédent, qu’un directeur technique soit l’intervenant principal d’une prise de parole de groupe audiovisuel. On est habitué aux cocktails de bandes annonces survitaminés, lors des conférences des chaînes de télévision, et c’est aussi à ses prochains programmes-phares que Netflix a consacré l’intégralité de son Tudum 2025, le 31 mai au soir ; ce 11 juin, c’est le CTO du groupe Stéphane Baumier qui était sur scène – avec la Directrice Marketing Global de la PayTV Eglantine Leclabart – pour présenter « la nouvelle expérience Canal+ App ».
Et c’est bien sur la valorisation de la « Tech [en tant que] pilier stratégique pour Canal+ » et condition de la qualité de l’expérience offerte aux abonnés, que le groupe a d’abord mis l’accent. Le défi consistant à diffuser plus de 2 000 chaînes, 50 000 heures de contenu live par an et près d’1 million de programmes à la demande au niveau mondial, ou la capacité, les soirs de matches de Coupe d’Europe, à assurer un accès fluide au « premier multiplex de l’histoire avec 18 chaînes live en simultané, et l’équivalent d’un Stade de France – 70 000 accès – qui se connecte chaque minute à partir de 20 heures 50 », d’une part ; les « 2 000 experts déployés dans le monde et un arsenal technologique composé, entre autres, de 15 000 serveurs, 9 000 machines clientes et 10 positions orbitales assurant la diffusion par satellite », de l’autre ; et finalement un engagement d’un milliard d’euros par an, représentant le 2e poste d’investissement du groupe.
Fort de cette maîtrise de l’environnement technologique, Canal+ s’emploie en continu à améliorer la qualité de l’expérience proposée à ses abonnés. En plus d’une refonte graphique assurant une meilleure lisibilité à l’interface, la nouvelle version de l’appli Canal+ permettra une navigation « plus fluide et plus intuitive », intégrant des codes inspirés des réseaux sociaux comme la possibilité de swipper pour changer de chaîne. Elle sera successivement déployée à partir de la mi-juin, vers les terminaux iOS, les devices Android et les autres équipements connectés, dans 40 pays à date et, progressivement, sur l’ensemble de l’empreinte couverte par le groupe.
Dans le troisième temps de sa présentation, Canal+ a valorisé sa capacité à « multiplier les points de contacts avec nos abonnés », selon l’expression d’Eglantine Leclabart, en se déployant dans de nouveaux environnements :
- Le in-flight entertainment sur l’ensemble des vols logs courrier d’Air France depuis le 1er mai, avec une sélection d’une centaine de programmes ;
- L’univers automobile, avec les écrans connectés présents dans les nouvelles R4 et R5 équipées de l’OpenR Link depuis octobre 2024, les voitures Alpine, dont l’A390 commercialisée en fin d’année et, très prochainement, les véhicules BMW et MINI dotés du BMW Operating System 9 ;
- Les lunettes de réalité virtuelle et/ou de réalité augmentée. L’application Canal+ est déjà présente dans les casques Apple Vision Pro, et Canal+ a réalisé à l’occasion du dernier Grand Prix de France moto la « toute première production en Apple Immersive Video », ayant mobilisé d’après Stéphane Baumier 4 des 12 caméras compatibles existant au niveau mondial.
Aux trois temps de la présentation, on peut finalement faire correspondre trois niveaux de lecture du statut de « leader du divertissement et de la tech » revendiqué par Canal+.
Pour le grand public, les abonnés particulièrement, la seconde ne s’entend que comme un moyen d’optimiser le premier.
S’agissant des éditeurs de chaînes et/ou de plateformes, la démonstration de force peut aussi valoir invitation. Comme Stéphane Baumier l’a souligné, Canal+, dans sa position de super-agrégateur, assure une qualité d’accès homogène aux programmes des éditeurs qu’il réunit. En France, mais plus encore à l’international, cette stratégie pourrait conduire à de nouvelles alliances, à l’exemple de l’accord annoncé pour la distribution de Netflix dans 24 pays d’Afrique subsaharienne.
Restent finalement « les marchés », analystes financiers ou traders, qui valorisent mieux les valeurs techs, dont les actifs leur apparaissent plus tangibles.
Le 16 juin, Canal+ fêtera les six mois de son arrivée sur la bourse londonienne. A 228,3 pence ce 12 juin à 12 h 30, l’action reste loin de sa valeur d’introduction (290 pence). Mais elle a progressé de 2,15 % le 11 et elle gagne 0,77 % en fin de matinée. A défaut de pouvoir affirmer que la valorisation de sa dimension tech justifie à elle seule cette progression, on est sûr au moins qu’elle ne l’a pas freinée.