Les boursiers ont coutume de dire que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Au vu des données du 5e Baromètre NPA Conseil / Harris Interactive, et des résultats du Baromètre SVoD Médiamétrie / Harris Interactive, les professionnels de la SVoD vont peut-être devoir se familialiser avec cet adage. Alors que les statistiques n’avaient cessé de monter au cours des dernières années, l’ensemble des voyants sont aujourd’hui au rouge :
- sur le niveau global de pénétration des plateformes, revenu à fin juin 2021 à son niveau de septembre 2020 (49,8%), après un plus haut à 52,8% en fin de premier trimestre 2021,
- mais aussi sur le nombre de Svodistes quotidiens, en baisse de 2,1% en juillet/août 2021 vs la même période de 2020,
- et, plus encore, sur le nombre de programmes qu’ils visionnent : -14,6%, soit 2,5 programme par jour et par streamer en moyenne, contre 2,9 un an plus tôt.
On peut rechercher à ces évolutions une explication conjoncturelle, liée à la crise sanitaire. Mais les mesures restreignant les déplacements et/ou usages culturels des Français étaient relativement proches d’une année sur l’autre et, sur les mêmes périodes, l’audience de la télévision est restée stable, ou presque (-0,4%).
On peut explorer des pistes plus structurelles, tenant à l’appétence historiquement limitée des Français pour les services payants (hors forfaits 3P). Mais, s’agissant du leader du secteur, Netflix, les résultats annoncés fin juin, traduisaient un même fléchissement aux Etats-Unis et au Canada.
Restent un constat, et deux questions.
L’évolution est loin d’être uniforme d’un service à l’autre, d’abord.
- Pénétration en baisse par rapport à la fin mars 2021 pour Netflix (-1,8 point), et consommation sur la plateforme qui recule de 26,2%,
- Evolution dans le vert pour Amazon, en nombre d’utilisateurs (+1,3 point), et stabilité du volume de streams servis,
- Augmentation du nombre d’utilisateurs de Disney+ (+0,4 point), et surtout explosion du nombre de programmes visionnés (+77%).
Crise de croissance de la SVoD ou essoufflement (durable ?) de Netflix. L’interrogation apparait alors incontournable.
Parmi les leaders mondiaux du streaming, Netflix est le seul pure player. L’activité et les revenus de Disney se nourrissent aussi de la production cinéma, de la vente de droits TV, des parcs d’attraction, du merchandising… Et ceux d’Amazon sont évidemment portés par le e-commerce et par le cloud.
Et les rapprochements qui se sont engagés (WarnerMedia / Discovery, ViacomCBS/Sky…) réduisent de plus en plus sa puissance relative… et peut-être sa capacité à continuer à investir chaque année davantage dans la production de films et de séries.
On s’interroge alors sur le sens à donner à la diversification vers le jeu vidéo annoncée cet été.
On peut y voir une cohérence dans la pensée de Reed Hastings. Celui-ci a indiqué de longue date que la concurrence de Netflix se jouait d’abord en termes de budget temps : chaque minute passée à jouer à Fortnite par exemple, est une minute perdue dans une disponibilité quotidienne – 24 heures – qui ne présente aucune élasticité.
On peut en déduire que le mouvement est offensif : s’affirmer comme un « one stop shopping » des différents loisirs numériques.
On peut aussi se demander si le mouvement n’est pas surtout défensif, et ne traduit pas la limite que Netflix perçoit en termes de capacité d’investissement, tant les coûts de production d’une série (jusqu’à 15 M€ par épisode pour the Crown) sont sans commune mesure avec ceux d’un jeu pour smartphone ou tablette.
Nul doute, en tout cas, que l’annonce des résultats du 3e trimestre sera scrutée de près par les professionnels, autant que par les analystes financiers et les investisseurs.