En portant à quatre le nombre des clubs français qui vont disputer la phase de poules de la Ligue des Champions, un chiffre sans précédent, la qualification du LOSC acquise ce mercredi 28 août a creusé encore le paradoxe du football français : un enchaînement de performances brillantes (Mondial 2022, JO de Paris 2024) ou au moins honorables (Euro 2024 et les deux clubs français qualifiés en demies finales de Coupe d’Europe la saison dernière), à l’international ; un climat délétère autour de la Ligue 2 (programmation du Multiplex le vendredi soir au lieu du samedi), et surtout de la Ligue 1.
Qualité du spectacle audiovisuel proposé et, surtout, tarifs d’abonnement pratiqués, dire que le service proposé par DAZN a été fraichement accueilli tient de l’euphémisme. Et l’absence à peu près totale d’animation commerciale (mise en place de hard bundles avec des distributeurs, périodes d’inclusion ou, a minima, de réduction tarifaire limitées dans le temps… permettant de soutenir la conquête de nouveaux clients) ne permet pas d’adoucir le climat. Il est peu de professionnels, au-delà, pour juger tenables les objectifs communiqués par DAZN : 1 à 1,5 million d’abonnés à un horizon de six mois.
Rappeler que le Pass Ligue 1 d’Amazon n’est pas allé au-delà des 1,8 million d’abonnés[1] au cours des trois saisons pendant lesquelles il a été proposé, malgré un prix à peu près deux fois inférieur (abonnement Amazon Prime compris) à celui de l’offre DAZN Unlimited sans engagement, n’est pas fait pour accréditer les prévisions de la plateforme.
Et l’exercice de modélisation des recettes et des charges de DAZN réalisé par NPA Conseil et publié dans l’INSIGHT NPA du 29 août, laisse perplexe. A un million d’abonnés, les pertes sont estimées à près de 200 M€ par an. A 1,5 million, niveau auquel le PDG de DAZN jugeait ces dernières semaines que l’exploitation serait à l’équilibre, le déficit serait encore de 70 M€. Et il faudrait retrouver les meilleurs niveaux du Pass Ligue 1 (1,8 million) pour que les comptes passent dans le vert.
La vigilance des clubs, et de la LFP, concernant la solvabilité de la plateforme, ne pourra que s’en trouver renforcée.
Les -6 milliards d’euros de pertes cumulées au niveau mondial par DAZN entre 2019 et 2022 et les -2 milliards (2019/2023) que totalise l’autre leader du streaming sportif, l’américain Fubo TV, conduisent à s’interroger plus globalement sur le « rationnel » économique de ces plateformes.
La nécessité de déployer une lourde infrastructure – le streaming sportif est, par définition, le plus exigeant – ajoute au coût des droits et à celui du marketing, côté dépenses.
Un développement parallèle – voire concurrent – à celui des opérateurs historiques du câble, du satellite ou de l’IPTV, ne favorise pas l’optimisation de la distribution.
La concentration de la programmation sur une thématique unique tend à limiter la cible aux seuls passionnés de sport.
Et c’est par la seule valeur perçue des droits proposés que doit se justifier le prix des abonnements, sans pouvoir par exemple faire valoir un mix Sport / Cinéma / Séries permettant de justifier un tarif plus substantiel – dont l’amortissement des droits constitue une fraction – et de gagner le soutien de l’ensemble des membres du foyer. Toute référence aux « cas » Canal+ ou Sky n’est évidemment pas fortuite.
Dès la fin septembre, le Baromètre des Usages Audiovisuels permettra une première estimation du nombre de Français qui se seront abonnés à DAZN (en septembre 2021, le chiffre s’était établi à 1,4 million pour le Pass Ligue 1), et de vérifier si la réalité permet de démentir ces réserves.
Rendez-vous dans 6 semaines !
[1] Baromètre des Usages Audiovisuels NPA Conseil / Harris Interactive