Le 10 avril 2002, le CSA annonçait avoir retenu 66 candidats recevables pour l’attribution des premières fréquences de la TNT. A défaut de parier sur le nombre de réponses que l’Arcom recevra à l’appel à candidatures lancé ce 28 février, gageons que les dossiers ne manqueront pas, et iront bien au-delà des dossiers des chaînes sortantes désireuses de gagner leur reconduction.
S’il apparait aujourd’hui difficile de caresser un projet de développement ambitieux dans les médias sans y intégrer une composante vidéo significative, postuler à une autorisation de diffusion par voie hertzienne peut paraître, à première vue, daté, voire contre-intuitif, alors que le déploiement vers les environnements connectés fait figure de priorité numéro un dans les stratégies des groupes audiovisuels. Le lancement de TF1+, début de janvier, ou la présentation attendue de M6+, le 6 mars, en témoignent.
Mais la TNT, telle une poupée russe, présente une triple garantie d’accès au public qui la rend incontournable.
L’antenne râteau est d’abord le seul moyen d’atteindre près d’un Français sur cinq, pour lesquels elle représente le seul moyen de réception de la télévision. Après avoir fortement décru entre 2013 et 2018 (-10 points, de 33,3 % à 23,5 %), la population des « exclusifs TNT » fait preuve depuis d’une résilience notable et le rythme de cette érosion a été divisé par deux (lire dans l’INSIGHT NPA La CMR-23 a conforté la TNT jusqu’en 2031 ; plus de 40 % des Français utilisent encore l’antenne-râteau).
Au-delà, disposer d’une « fréquence TNT » représente une presque garantie d’être distribué par les réseaux satellite (plus de 13 % des Français utilisent une parabole) et IPTV (plus de 70 % disposent d’une box), puisque tout distributeur doit « faire droit, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux demandes des éditeurs » de la TNT gratuite d’accéder à son parc de décodeurs (article 34-4 de la loi de 1986). Et, alors que la visibilité fait plus que jamais figure de variable-clé de succès dans un univers de surabondance des offres, les dispositions applicables aux distributeurs en matière de numérotation garantissent aux chaînes de la TNT d’apparaître dans les guides de programmes aux rangs 1 à 30 ou, à défaut, toutes regroupées dans un début de centaine (101 à 130, 201 à 230…).
Le troisième étage de la fusée fait figure de garantie pour l’avenir. Avec le projet de délibération, dite « SIG » adopté le 8 février par l’Arcom, l’ensemble des chaînes gratuites de la TNT sont garanties d’être regroupées dans une application commune, positionnée sur la page d’accueil des écrans connectés, et notamment des smart TV. Ces dernières représentent déjà le mode d’accès privilégié aux programmes pour plus de 20 % des Français[1] et leur usage est en forte progression (lire sur la plateforme INSIGHT NPA SIG : dès 2025, la TNT fera application commune dans les smart TV et autres équipements OTT). Au côté des plateformes jugées les plus attractives et/ou s’étant assurées, moyennant finances, de figurer à cet emplacement optimal.
Si elle a été peu médiatisée, une information venue de Dubaï, est venue conforter ce dispositif : en décembre 2023, la Conférence Mondiale des Radiocommunications (CMR-23) a repoussé à 2031 la discussion des scénarios intégrant la réaffectation, même partielle, des bandes de fréquences aujourd’hui affectées à la TNT.
Les candidats qui auront été retenus au cours de l’été par l’Arcom disposent donc d’une dizaine d’années, pendant lesquelles ils sont assurés d’accéder au public dans des conditions optimales. Ils seront alors à peine à mi-chemin du bail que leur aura garanti l’Arcom, puisque les autorisations qui seront délivrées à l’automne le seront pour 10 ans, et pourront être prolongées de deux fois cinq ans sans nouvel appel à candidatures. Au final, les cartes qui auront été distribuées dessineront le paysage audiovisuel pour… 20 ans.
Comme un clin d’œil, les résultats agrégés 16 chaînes privées de la TNT ont affiché en 2022 un bénéfice net, après avoir progressé année après année depuis 2018. Neuf d’entre elles étaient dans le vert sur cet exercice, et six affichent un résultat cumulé positif sur l’ensemble de la période 2008 / 2022 (lire sur la plateforme INSIGHT NPA Plus du tiers du chiffre d’affaires de la télévision gratuite pour les 16 chaînes de la TNT privée).
Ces résultats pourraient stimuler les ardeurs de certains candidats… jusqu’à nourrir la crainte que la poursuite dans la trace de reconduction des sortants ouverte par TF1 et M6 laisse peu de place aux nouveaux entrants.
« Le jeu est totalement ouvert. Nous repartons d’une feuille blanche », a assuré à plusieurs reprises le président de l’Arcom Roch-Olivier Maistre.
A défaut de se lancer dans l’évaluation des chances de chacune des chaînes existantes de prolonger son bail, un simple coup d’œil à l’équilibre d’ensemble des chaînes soumises à renouvellement incite à se confirmer qu’il existe bien des marges de manœuvres pour accueillir de nouveaux entrants : une sur trois, soit cinq au total, diffuse aujourd’hui en TNT payante, et l’Arcom a toute latitude pour faire évoluer cette proportion.
De quoi ouvrir des perspectives… Rendez-vous le 15 mai !
[1] Baromètre des Usages Audiovisuels NPA Conseil / Harris Interactive
