Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console. Si la paternité de la formule fait débat – Talleyrand ? Montaigne ? Ou simplement la vox populi québécoise – les dirigeants de France Télévisions comme ceux du football français pourraient être tentés de se l’approprier.
Pour les premiers, d’abord, l’exercice pourrait aider à sortir de la séquence « Père gardez-vous à gauche ! (Le rapport de la Cour des Comptes sur la situation profondément dégradée des finances du groupe), Père gardez-vous à droite ! (Un montage tronqué d’images volées comme élément à charge d’un procès en partialité des rédactions de l’audiovisuel public) ».
L’exercice de comparaison qu’a conduit Pierre Bosson dans l’Insight NPA du 16 octobre confirme d’abord que l’audiovisuel public français n’est pas privilégié par rapport à ses voisins : la charge du combo France Télévisions / Radio France (les autres groupes européens associant TV et radio) est de 47 € par habitant en France, contre 55€ en Belgique (RTBF & VRT), 66 € en Grande Bretagne (BBC) et surtout plus de 97 € en Allemagne (ARD & ZDF). Il n’est que l’Espagne pour se situer très en deçà (12 €) parce que le financement de la RTVE y repose pour plus de 40 % sur une taxe prélevée sur les opérateurs de télécommunication… et les recettes de publicité des chaînes privées.
En assurant 38 % du financement de la production originale française en 2024, d’après une étude de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, la contribution de France Télévisions et ARTE n’en figure pas moins dans le haut de la fourchette des marchés étudiés, seulement devancée par l’Allemagne (52 %) et la Belgique (59 %), et assurant ainsi pleinement sa double fonction de défense de la souveraineté culturelle et de soutien à la filière de production nationale. (lire sur la plateforme Insight NPA : Audiovisuel public : les contribuables allemands contribuent deux fois plus que les Français)
Avec 32 % de part d’audience cumulée en 2024, France Télévisions et ARTE se situent loin du couple ARD/ZDF (50,4 %), mais à un niveau supérieur à celui de la BBC (30,1 %) et proche, au final, de la moyenne des pays étudiés (34 %).
Mais c’est surtout de leurs développements dans le streaming que les champions français pourront tirer satisfaction. Avec 46,6 millions de visiteurs, France.tv a touché plus de deux Français sur trois en septembre ; les 2,7 milliards de vidéos vues cumulées par Arte.tv en 2024, ont traduit une augmentation de 20 % par rapport à 2023, et Arte.tv était fin juin la plateforme de BVoD la mieux notée par les Français dans le Baromètre des Usages Audiovisuels NPA Conseil Harris Interactive, avec une note de 7,5/10. A titre de comparaison, les taux de couverture mensuels respectifs de RTVE Play, de RaiPlay ou de VRT Max ne sont, respectivement, que de 23 % en Espagne, 18 % en Italie ou 25% en Belgique flamande. (lire sur la plateforme Insight NPA : Groupes publics européens : France TV dans la moyenne pour la part d’audience et fortement surperformant sur le streaming).
S’agissant de l’information, enfin, les médias audiovisuels publics européens affichent les meilleurs scores de confiance dans leurs pays respectifs, qu’il s’agisse du Digital News Report 2025 du Reuters Institute ou de l’étude EuroBaromètre réalisée à l’automne 2023 pour la Commission européenne. Mais au-delà, France et Belgique sont les deux pays dans lesquels l’écart au bénéfice de l’audiovisuel public est le plus important par rapport au score moyen de confiance dans les médias d’après Reuters Institute. (lire sur la plateforme Insight NPA : Audiovisuel public : une source d’information plus fiable, mais pas de mesure de satisfaction régulièrement publiée).
Paraphrasant Georges Marchais, on pourrait être tenté de voir un « bilan globalement positif » dans ce tour d’horizon ; c’est plutôt à un tour de vis supplémentaire que l’audiovisuel public – et singulièrement France Télévisions – semble promis dans le projet de Loi de Finances rendu public ce 14 octobre. Avec le risque d’effet domino sur le secteur de la production, que les coupes qui se sont enchaînées de façon à peu près systématique depuis la « trajectoire Darmanin » de 2017, finissent par rendre inéluctables.
Se tourner vers le public pourrait renforcer la légitimité de France Télévisions dans la défense de son dossier budgétaire. Dans le cadre d’un exercice sans précédent, la BBC a obtenu 872 701 réponses à son questionnaire Our BBC, Our Future. Sans aller aussi loin, le groupe français gagnerait sans doute à partager une partie au moins des résultats du baromètre Qualimat TV qu’Harris Interactive réalise pour lui quotidiennement depuis plus de deux décennies.
Quant au football, c’est à Gilles Pezet que l’Insight NPA doit de pouvoir tordre le cou à la conviction – souvent – partagée que regarder du football serait beaucoup plus cher en France que dans les pays voisins. Grâce en soit rendu à Nicolas de Tavernost et aux équipes de Ligue 1+, c’est dans l’hexagone que suivre cette saison le championnat national est le plus abordable : 360 € pour les neuf matches (et seulement 180 € si on fait l’impasse sur l’affiche du samedi 17 heures diffusée par beIN Sports), soit deux fois moins qu’en Allemagne, presque trois fois moins qu’au Royaume-Uni, et quatre fois moins qu’en Espagne…
Et le constat est proche si l’on considère que la Ligue des Champions est le complément indispensable d’un vrai fan de football : à presque 700 € pour le cumul Coupe européenne et championnat national, l’addition dépasse de 50 € le montant à payer en Italie… mais est inférieure de plus de 100€ aux tarifs allemands, 200 € à la réalité britannique, et surtout moitié moindre que ce que doivent débourser les Espagnols. (lire sur la plateforme Insight NPA : : Avec Ligue 1+, la France est le pays européen le plus abordable pour suivre le championnat, et à la 2e place en intégrant la Ligue des Champions).
Dans cet inventaire des bonnes nouvelles, les chiffres montrent que la réalité peut savoir se mettre au diapason. Mi-septembre, Nicolas de Tavernost indiquait que Ligue 1+ avait passé en moins d’un mois le cap du million d’abonnés. Et d’après les prévisions de NPA Conseil, adossées à son baromètre trimestriel, la barre des 1,5 millions sera franchie avant la fin de l’année 2025. Un tarif attractif, un championnat ouvert, dans lequel le PSG domine sans écraser, des débuts prometteurs pour la presque totalité des équipes engagées dans des compétitions européennes… Le bonheur, ça peut être simple comme un bon produit, proposé au bon prix !

