Trouble-fête, trublion… Les qualificatifs qui ont longtemps accompagné la montée en puissance de Xavier Niel dans les télécoms ont refleuri. A propos d’audiovisuel cette fois et, plus précisément, de sa candidature à l’attribution de la fréquence de M6. Et, fidèle à sa réputation, il est sorti du scénario que beaucoup – professionnels comme institutionnels – anticipaient : celui d’un « tour de chauffe » au printemps 2023, mais plutôt déterminé, en fait, à conquérir l’une au moins des fréquences de la « TNT 2005 » (C8, CStar, W9, TFX, NRJ12…) qui seront mises en compétition après celles de TF1 et M6.
« NJJ n’envisage pas de renouveler son intérêt en 2025 lors d’autres appels aux candidatures sauf pour compléter son portefeuille de chaînes en cas de succès lors de la procédure en cours ». Il a suffi d’une phrase à Xavier Niel pour faire tapis, et pour écarter toute idée de candidature de témoignage.
Mais en même temps qu’elle fait taire les spéculations, la clarification rend plus aigües les questions.
Sur le projet, d’abord. De ce point de vue, on a du mal à en voir les aspérités par rapport à l’antenne que propose aujourd’hui M6. Être un « partenaire de la création musicale dans toute sa diversité » ? La musique est inscrite depuis 25 ans dans l’ADN de M6 depuis qu’elle a succédée à l’éphémère TV6, et depuis plus de quinze ans dans celui de sa filiale W9 ; offrir une « programmation est riche en création patrimoniale de première partie de soirée » ? L’accord que M6 vient de renouveler avec les organisations professionnelles aboutira, déjà, à accroître ses engagements dans la fiction, le documentaire, et l’animation ; garantir « structurellement » l’indépendance de l’information ? C’est l’objectif des chartes d’éthique et comités d’indépendance institués par la loi Bloche de 2016, en complément de l’action de l’Arcom.
A ce stade, on peine à voir en quoi SIX se distingue fondamentalement de M6.
Les membres de l’Arcom pourront y revenir lors de l’audition prévue le 15 février.
Ils s’attacheront certainement également à mieux comprendre l’organisation de la « galaxie Niel » : ce que recouvrent ses multiples « NJJ … », les relations organiques entre l’éventuelle futur SIX, le groupe Le Monde, le Groupe Nice Matin ou encore L’Informé, coté information, ou, s’agissant de l’approvisionnement en programmes, entre la même et Mediawan.
Comme la loi le leur prescrit, ils devraient également s’assurer de la viabilité économique du projet, donc des financements que Xavier Niel est disposé à y consacrer, au-delà des 1000 € qui constituent aujourd’hui le capital social de la structure qui le porte juridiquement.
Ils devraient enfin s’assurer de la capacité de la SIX à prendre dès les premiers jours de mai le relai de l’actuelle M6. Donc de mettre en place en moins de trois mois les installations techniques permettant de fabriquer les programmes et de les diffuser, de recruter les journalistes, techniciens, programmateurs, conseillers artistiques… capables de les concevoir et de les animer, de constituer la régie publicitaire capable de les commercialiser…
Des différents scénarios qui ont circulé ces dernières semaines, l’un au moins semble juridiquement impraticable : celui qui verrait Xavier Niel racheter à Bertelsmann les bâtiments qui hébergent aujourd’hui M6 et y réembaucher les équipes qui y travaillent : impossible de démêler, dans un temps aussi bref, surtout, le temps pendant lequel elles travaillent pour la chaîne M6 et celui qu’elles consacrent à W9, 6ter, Gulli, Paris Première… dont les fréquences resteront aux mains de Bertelsmann au-delà du mois de mai.
Raison de plus pour attendre avec impatience le 15 février.