Sixième du nom, le Digital News Report 2017 publié ces derniers jours par le Reuters Institute est riche d’enseignement sur les évolutions constatées au niveau mondial dans la consommation de l’information et la disponibilité à payer pour y accéder. Il est aussi l’occasion de recadrer quelques affirmations largement diffusées ces derniers mois.
S’agissant par exemple de l’impact des fake news sur une année politique troublée (attentats, élections aux Etats-Unis, en France, en Grande Bretagne…), d’abord, le rapport (réalisé dans 36 pays au travers de 70 000 interviewes) note que « le Web et les réseaux sociaux ont pu contribuer à exacerber la perte de confiance dans les médias, mais que celles-ci se sont nourries dans de nombreux pays de fondements préexistants et qui s’étaient progressivement enracinés ».
Sur la capacité des algorithmes à créer des effets de « bulle » et d’enfermement, de la même manière, Reuters Institute affirme « qu’en moyenne, les utilisateurs des réseaux sociaux, des agrégateurs d’information et/ou des moteurs de recherche consomment une information plus diversifiée que les autres, dans ses sources comme dans ces contenus ».
Concernant les usages, l’étude relève la montée en puissance des messageries instantanées (WhatsApp, Messenger…) comme outils de partage de l’information (23% des personnes interrogées, tous marchés confondus, indiquent les avoir intégrées à leur pratique régulière) et l’utilisation croissante des alertes et autres notifications push par les éditeurs. Cette dernière contribue à renforcer encore le poids du mobile, en redirigeant du trafic vers le Web (plus de 50% de l’audience pour les sites de news français) comme en augmentant l’utilisation des applis.
L’édition 2017 relève encore l’apparition des assistants vocaux (Google Home, Echo…) dans les pratiques de consommation de l’information, dans les pays où ils sont déjà disponibles (USA, Royaume-Uni, Allemagne principalement). L’utilisation des services – audio – spécifiques créés par CNN, la BBC, ou encore le Spiegel y dépasse déjà celle – modeste il est vrai – des montres connectées pour s’informer. Ce développement pourrait « contribuer à faire d’Amazon la 4e grande plateforme de diffusion de news », note Reuters Institute.
Sur le front économique, enfin, les conclusions sont contrastées :
- La stagnation dans le taux d’utilisation des ad-blockers (21% en moyenne, mais 31% en France, et 7% sur les smartphones) y figure en positif.
- Mais la propension à payer pour l’info reste faible : 13% des interviewés affirment payer pour de l’info, au global, et seulement 10% en France (22e sur ce critère). A titre de comparaison, les proportions sont de 23% pour la vidéo et 16% pour la musique.
Deux questions supplémentaires posées par Reuters Institute permettent d’éclairer ce dernier point… et peut-être d’ouvrir des perspectives de meilleures monétisation directe de l’info :
- Concernant les éléments qui pourraient faire augmenter la propension à payer, les réponses les plus citées sont « la possibilité de consulter le service depuis mon smartphone ou ma tablette» (30%), « la possibilité d’accéder à une large gamme de sources » (29%) et l’intégration du service à « une offre couplée print et numérique » (21%). Les éditeurs qui participent à un kiosque digital sortiront renforcés du 2e item ; ceux qui privilégient la maîtrise de leur base client (tels Les Echos, Le Monde ou Le Point) seront plus sensibles au 3e. Pas de salut hors du mobile pour les uns comme pour les autres en tout cas !
- Inversement, et presque comme un truisme, la possibilité d’accéder gratuitement à l’information est, de loin, la principale motivation pour ne pas souscrire à une offre payante : « je peux avoir accès gratuitement à l’information en ligne» (54%), « mes sources préférées ne font pas payer pour leur contenu » (29%)…
La réflexion sur une diminution du nombre d’articles offerts par les paywalls devrait s’en trouver alimentée… tout comme celle sur les moyens de renforcer la préférence de marque éditeur par un traitement plus spécifique de l’information. Afin de ne plus être considérée comme une source indifférenciée et de créer une valeur d’exclusivité. C’est aussi ce dernier élément qui fait aujourd’hui une grande part de la valeur de Canal+ ou de Netflix (via leurs créations originales), ou qui pousse jusqu’à des sommets les enchères sur les droits sportifs…