L'édito de Philippe Bailly

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La victoire des fake news n’est pas une fatalité !

Le chiffre tranche avec les diagnostics entendus sur la fatigue informationnelle qui tendrait à gagner les Français : l’étude sur Les Français et la confiance dans l’information réalisée mi-octobre par NPA Conseil et Harris Interactive[1] indique qu’ils sont plus de sept sur dix (71 %) à s’affirmer très ou assez intéressés par l’actualité française ou internationale. Mais les résultats sont moins rassurants quand on les observe de plus près : non seulement la proportion tombe à 55 % chez les moins de 35 ans, mais jeunes et plus âgées, expriment une méfiance partagée à l’égard des médias chargés, au quotidien, de les informer.

Si l’on ajoute que plus du quart des moins de 35 ans (27 %) passent en priorité par les réseaux sociaux pour s’informer (11 % dans l’ensemble de la population), que la confiance est au plus bas s’agissant de ces derniers (27 % également, contre 73 % pour la presse et la radio, et 68 % pour la télévision), et que ce maigre capital semble en train de fondre à vue d’œil (45 % des Français indiquent qu’il a baissé ces dernières années) on peut redouter un cercle vicieux en forme de scénario catastrophe pour les jeunes générations :

  • Des plateformes qu’ils fréquentent sans même y penser, parce qu’elles ont fait partie dès l’enfance de leur environnement (celui qui a 35 ans aujourd’hui en avait par exemple 18 ans au lancement de Twitter) ;
  • Des torrents de haine de plus en plus fréquents (Covid en 2020/2021, Ukraine en 2022, Proche Orient aujourd’hui…), de plus en plus violents et que rien ne vient sérieusement combattre (du nouveau système de « certification » de Twitter qui fonctionne comme un amplificateur des Fake News, ainsi que l’a montré NewsGuard à l’invisibilisation des liens vers les articles de médias, en passant par les moyens dérisoires consacrés à la modération) ;
  • Une difficulté croissante à accéder effectivement à l’information et, finalement, le désintérêt pour une actualité dont les visages déformés transpirent la haine et génèrent le stress.

Par leurs sites et applications, les « vrais » médias et leurs rédactions contribuent à éviter cette pente glissante.  Qu’ils soient issus de la presse écrite, de la radio, de la télévision, ou qu’ils soient nés sur internet.

Par des investissements plus sélectifs, les annonceurs pourraient contribuer à leur en donner davantage les moyens, comme ils ont su le faire à l’inverse en 2015 en s’interdisant d’apporter des budgets de publicités aux sites pirates. Félicitons-nous que les États généraux de l’information en aient fait l’une de leurs dix priorités.

Mais surtout, c’est l’ensemble des Français qui se disent prêts à briser le cercle… pour peu qu’on leur en donne les moyens.

Qu’ils soient lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes, la majorité n’a pas acquis les réflexes qui aident au quotidien les professionnels de l’information à détecter le vrai du faux : vérifier la qualité de la source et du signataire d’un article (à peine un sur trois qui y pense régulièrement), recouper l’information (guère plus d’un sur deux pour le faire de temps en temps), s’assurer que l’IA n’a pas aidé à manipuler l’image ou la vidéo (moins de 40 %) …

Qu’à cela ne tienne !

Plus de 70 % (72 %) des personnes interrogées estiment, pour eux-mêmes, qu’une labellisation confirmant que l’article a été produit par des journalistes et en respectant les standards de la profession leur donnerait plus confiance vis-à-vis des médias qui en bénéficient.

Et l’engagement est encore plus fort s’agissant des adultes de demain : ils sont 82 %, sans différence notable en fonction des générations, à souhaiter une intégration effective de l’éducation aux médias pour les élèves de l’enseignement primaire et secondaire.

Le chemin est tracé.

[1] Les Français et la confiance dans l’information ; étude réalisée du 13 au 18 octobre 2023 auprès de 4184 répondants(e)s de 15 ans et plus