L’annonce a été discrète et son intitulé des plus sobres. Mais le « projet de délibération relatif aux mesures de visibilité appropriée des services d’intérêt général » que l’Arcom a mis en consultation pourrait s’avérer tout aussi structurant demain que l’instauration des quotas de diffusion l’a été hier avec à la base un triple constat.
Le déplacement des usages vers les services dont on parcourt le catalogue, par rapport aux chaînes entre lesquelles on zappe.
La montée en puissance des smart TV et autres équipements OTT, qui permettent de court-circuiter les box, et les schémas de navigation traditionnelle qu’elles proposent (plan de service, guide de programme électronique…).
Faisant le lien entre les deux dimensions, un jeu entre puissances mondiales, susceptible de rendre invisibles ou presque les acteurs locaux, les fabricants des seconds installant des boutons d’accès direct aux premiers sur les télécommandes des produits qu’ils distribuent dans tous les pays, et rendant inopérantes les règles de numérotation qu’Arcom et autres régulateurs nationaux ont pu instaurer.
Le risque est loin d’être théorique, comme un rapide coup d’œil aux gammes de téléviseurs proposés par les spécialistes de l’électronique grand public suffit à s’en persuader.
Il n’est pas totalement nouveau non plus et, hommage leur en soit rendu, les rédacteurs de la Directive SMA l’avaient identifié dès 2018, en y autorisant les Etats-membres à « prendre des mesures afin d’assurer une visibilité appropriée pour les services de médias audiovisuels d’intérêt général ».
Une procédure de transposition, une notification à la Commission européenne et un décret – notamment – plus tard, la consultation lancée par l’Arcom marque l’entrée dans la phase de travaux pratiques.
Elle pourrait être l’occasion pour la dynamique européenne de se montrer une deuxième fois vertueuse : soucieux de conserver un contrôle total sur leur télécommande (et la source de revenus que la vente de boutons direct est devenue), Samsung, LG, Sony et autres TCL ou Hisense arguent que leur organisation mondiale ne leur permet pas d’adapter leur production aux spécificités nationales, et ironisent sur la difficulté pratique qu’il y aurait à prévoir, par exemple, un bouton pour chacune des chaînes de la TNT française.
L’Arcom suggère dans son projet un bouton unique permettant d’afficher sur l’écran du téléviseur la liste de « services d’intérêt général » défini nationalement, et de pouvoir alors y accéder en un clic. A l’avantage du pragmatisme, la solution ajoute celui d’une parfaite cohérence avec les positions prises dans d’autres pays européens, Italie notamment.
Pour peu que l’ensemble des régulateurs de l’Union suggèrent une forme commune – pourquoi pas un bouton aux couleurs du drapeau européen ? – les industriels se trouveraient privés de leurs arguments sur la complexité excessive du dispositif SIG.
La taille du marché concerné – les 450 millions d’habitants de l’Union – achèverait sans doute de les aider à s’y rallier.
Après le petit clic qui vaut mieux qu’un grand choc, le petit bouton qui vaut victoire – symbolique mais bien au-delà – sur le terrain de la souveraineté culturelle !