Les vacances sont bien finies… Les 5 et 6 septembre, l’audition des patrons des groupes Bouygues et RTL Group s’annonce comme déterminante pour l’issue du projet de rapprochement entre TF1 et M6 ; le 29 septembre au plus tard[1], la publication du projet de loi de Finances pour 2023 permettra d’en connaître un peu plus sur la trajectoire de l’audiovisuel public (une « fraction » du produit de la TVA, certes, mais fraction certes, mais à quelle hauteur ? Avec quelle visibilité ? Dans quel périmètre et pour quel projet ?). Avant la fin septembre, c’est une grande partie de l’avenir de l’audiovisuel français, public comme privé qui se sera joué.
S’agissant des groupes privés, l’actualité fournira matière à TF1 et M6 pour illustrer la pression qu’elles subissent et à laquelle leur rapprochement doit aider à résister. Après l’arrivée sur le marché de la publicité vidéo des plateformes spécialisées comme YouTube, des réseaux sociaux et, plus récemment, des services d’AVoD ou de FAST[2], ce sont Netflix et Disney+ qui s’invitent à la table. Et à lire Le Figaro, selon lequel « Netflix pourrait récolter 5,5 milliards de dollars en publicité télé d’ici à 2027 » ils ne semblent pas décidés à y faire de la figuration.
D’autres vents vont nourrir la tempête, bien au-delà des frontières françaises et bien au-delà des prochaines semaines.
Les premiers viennent de l’est – si l’on situe leur origine dans la guerre en Ukraine – avec pour nom inflation, pénurie et récession. Parce qu’elles dégradent les perspectives commerciales des entreprises, ces dernières les poussent à réduire leurs investissements et à réviser à la baisse leurs budgets de publicité ; parce qu’elles sont sources d’inquiétude pour les ménages, elles les poussent à privilégier l’épargne et à diminuer leur consommation. Dès le 1er trimestre, les Britanniques mettaient en avant leurs craintes sur l’évolution du pouvoir d’achat pour justifier du niveau croissant des résiliations d’abonnements à la SVoD ; au 2e trimestre, en France, NPA Conseil et Harris Interactive ont noté un léger retournement du budget mensuel dépensé par les Français pour accéder à ces services. Qu’en sera-t-il en 2023 ?
La tempête pourrait aussi venir de l’ouest. De la bourse américaine et des sièges des groupes d’entertainment situés en Californie particulièrement. A la clôture des marchés, le 31 août, l’action Netflix avait plongé de 63% depuis le 1er janvier. Mais au-delà : Comcast, Lions Gate ou Walt Disney chutaient de plus de 20% par rapport à la même date, Paramount était à -21% et Warner Bros. Discovery[3] à -29%… En plus de la tendance baissière générale, les leaders mondiaux font face au scepticisme croissant des investisseurs sur l’économie du streaming… en l’état de la concurrence et de l’éclatement de l’offre en tout cas. En même temps qu’ils massacrent ces valeurs, ils font baisser leur prix et ouvrent la voie à un nème mouvement de consolidation, après les rapprochements Comcast / Universal, Disney / Fox, Viacom / CBS, AT&T / Warner, puis Warner / Discovery… de ces dernières années. Entre intervention des autorités de la concurrence, recomposition des équipes de management et remise à plat de la stratégie, ce genre de période se solde généralement par douze à vingt-quatre mois d’immobilisme.
L’origine du troisième souffle est plus inattendue. Elle se situe à Paris, au cœur du 8e arrondissement, avec les déclarations du Président de la République sur « la fin de l’abondance », « la fin de l’évidence » et « fin de l’insouciance ». Emmanuel Macron a confirmé le goût pour les postures martiales que la crise sanitaire lui avait permis d’afficher. Il a marqué aussi les limites de sa réflexion sur les prédictions auto-réalisatrices, l’impact de ses mots sur les décisions des ménages, ou celles de entrepreneurs / annonceurs, et finalement l’effet d’amplification de la crise dans laquelle l’économie mondiale est entrée.
Cette tempête n’est sans doute pas la moindre. Il y a des choses, décidément, qu’un président ne devrait pas dire.
[1] Le projet de loi de Finances doit être examiné en Conseil des ministres dans des délais permettant sa transmission au Parlement avant le premier mardi d’octobre
[2] Ce 31 août, Samsung indiquait que les 1 600 chaînes disponibles dans son service Samsung TV Plus avait généré 3 milliards d’heures de visionnage au cours des 12 derniers mois (https://www.digitaltveurope.com/2022/08/31/samsung-tv-plus-gets-new-look-expanded-content-offering-and-renewed-commitment-to-future-of-fast/)
[3] par rapport au 28 février pour Paramount Global, et à la fin mai pour Warner Bros. Discovery. Ces titres n’étaient pas cotés au 1er janvier