Il y a 20 ans, l’ancêtre de la télévision connectée s’appelait TAK, et il devait s’accommoder de la bande passante – très – limitée offerte par le RTC ;
Il y a dix ans, les industriels de l’électronique grand public lançaient leurs premières gammes de Smart TV, dédiées au haut débit cette fois ;
Alors que le très haut débit tend à devenir la norme et efface l’écart de performance entre l’Internet « libre » et les réseaux managés, la connectivité est en passe de devenir la norme : les Smart TV pèsent désormais plus de 80 % des ventes au niveau mondial, elles représentent déjà 60 % du parc installé en Europe de l’Ouest et 50 % en France. Et études et données opérateur convergent sur le constat de leur usage croissant comme porte d’entrée vers les contenus audiovisuels.
Le rêve des industriels de l’électronique grand public semble prendre corps : n’être plus seulement un vecteur neutre situé en queue de la chaîne de valeur, mais intégrer progressivement la distribution des services (des dizaines d’applis dans les stores), l’agrégation des chaînes (65 chaînes recensées par NPA dans le bouquet français de FAST[1] de Samsung, TV plus ; plus de 40 dans celui de LG, LG Channels), et, pourquoi pas, demain, l’édition et la production…
Les opportunités de monétisation sont multiples : partage de la publicité générée par les FAST, contribution financière demandée aux éditeurs en contrepartie de la mise en avant de leurs applications (à l’exemple de la pratique de la grande distribution, s’agissant du placement en tête de gondole), perception d’une commission sur les abonnements à des services payants…
Les enjeux pour le pluralisme ne sont pas négligeables, à l’heure où gouvernement et parlement se mobilisent à nouveau sur ce sujet : parmi la demi douzaine de chaînes d’information accessibles dans l’Hexagone via LG Channels, on trouve par exemple la chaîne américaine Newsmax TV, dont L’Express disait de son fondateur Chris Ruddy qu’il était « l’homme qui murmure à l’oreille de Trump ». Le soumettre aux mêmes règles d’équilibre des temps de parole que celles qui sont appliquées aux chaînes de la TNT apparaît d’autant plus aléatoire que les FAST, à ce jour au moins, semblent largement passer sous le radar réglementaire.
Au jeu de la disruption, les opérateurs télécom apparaissent comme les plus menacés, avec le risque que la télécommande de la smart TV se substitue à celle de la box dans le quotidien des téléspectateurs.
Pour s’en prémunir, ils peuvent jouer sur la dimension locale des contenus qu’ils distribuent pour faire contrepoint à des acteurs globaux (on ne compte par exemple que deux chaînes européennes, et aucune françaises, dans les LG Channels) ; à eux également de remporter la victoire de l’expérience utilisateur, avec l’enjeu du moteur de recherche et/ou du guide de programmes universels au centre des attentes, comme le confirmait au printemps le Baromètre OTT NPA Conseil / Harris Interactive
[1] Free ad-supported streaming TV