« TF1 devient le premier agrégateur gratuit en France », proclamait le groupe le 10 juillet, tandis qu’il annonçait l’arrivée dans TF1+ des contenus vidéo de la chaîne L’Equipe, de Figaro TV et de Deezer ; france.tv va accueillir « le meilleur de l’offre d’ARTE, les offres de la Chaîne parlementaire [LCP-AN] et de Public Sénat, ainsi qu’un florilège incroyable de l’INA », et deviendra ainsi « la destination de référence et la plus grande bibliothèque vidéo gratuite et en libre accès à l’actualité, la culture et la création française », a annoncé la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte ce mercredi 4, lors de la conférence de rentrée du groupe public.
Se limiter à regarder ces deux initiatives sous le prime de la concurrence entre les deux acteurs principaux du paysage audiovisuel hexagonal passerait à côté de l’essentiel, d’autant que chacun est bien resté dans son « couloir » concernant les stratégies qu’ils ont esquissé : à groupe privé partenaires privés ; à opérateur public partenaires publics !
Pour les leaders, le « rationnel » de ce mouvement de rassemblement semble imparable. Avec une offre élargie, il augmente la probabilité de satisfaire les visiteurs, quel que soit leur profil, et leur donne davantage de raisons de prolonger leur séjour sur la plateforme. La garantie pour France Télévisions de poursuivre la mission consistant à s’adresser à l’ensemble des publics ; la possibilité dans une logique de monétisation, pour un acteur privé, d’accroître son reach en même temps que la fréquence et la durée des visites, le volume global visionné, et finalement l’inventaire à commercialiser.
La logique de « méta-plateforme » semble également imparable du point de vue des coûts – l’élargissement du catalogue se fait sans investissement technologique incrémental –, elle permet de concentrer les dépenses de marketing sur un nombre plus limité de marques, et elle répond aux enjeux de découvrabilité, en réduisant la fragmentation de l’offre. Et elle garantit encore au public une expérience homogène. Qu’il regarde des séries ou des programmes sportifs pour TF1+ ; qu’il apprécie les émissions d’ARTE ou celles de France 2, concernant france.tv.
A leur manière, les annonces de TF1 et de France Télévisions ne sont pas sans évoquer une initiative récente du groupe Disney : la fermeture de plusieurs de ses applications de vidéo à la demande de « second rang » (DisneyNOW, Freeform, FXNow, Nat Geo TV…), le rapatriement de leurs contenus vers les environnements phares du groupe (Hulu et Disney+) et l’invitation parallèle à leurs abonnés d’utiliser ces dernières.
Cette décision permettra à Disney une économie correspondant aux coûts de maintenance de ces applications. L’enjeu pourrait sembler dérisoire à l’échelle du groupe Disney, et de ses 90 Mds$ de dollars de chiffre d’affaires annuel ; l’apparition ininterrompue de nouveaux OS dans l’univers de l’électronique grand public – ces derniers jours encore, à l’initiative de l’adtech The Trade Desk – avec leur cortège de mises à jour et de nécessaires actualisations des applications compatibles, finit par faire flamber les dépenses techniques, au détriment de la capacité d’investissement dans les programmes. Jusqu’à conduire les groupes à revisiter les stratégies d’hyperdistribution qui ont été les leurs ces dernières années ?
A court terme, au moins, l’affirmation de France Télévisions ou de TF1 comme super agrégateurs des contenus gratuits permet de focaliser cette réflexion.
Avec, à la clé, la question des limites – possibles – à la logique de rassemblement. Peut-on par exemple imaginer que M6 renonce un jour à M6+ pour se porter vers TF1+, dans une logique qui reprendrait – pour partie – la logique de rapprochement entreprise par les groupes allemands RTL et Prosiebensat1 ?
Un tel mouvement conduirait certainement à des termes de négociation spécifiques, sur lesquels ne manquerait pas de se pencher l’Autorité de la concurrence ? L’occasion du match retour après l’épisode de 2021/2022 ?