La lutte contre le piratage des œuvres culturelles sur internet illustre un paradoxe français. La France est souvent pionnière à identifier et proposer des solutions, mais finit en queue de peloton pour l’exécution et l’efficacité de leur implémentation.
Ainsi dans les années 2000, quand Napster et consorts avaient répandu le partage de fichiers musicaux de pair à pair, au détriment de l’industrie musicale, la première loi DADVSI (Droit d’auteur et droit voisin dans la société de l’information) et la création de la Hadopi, repoussoir des libertaires du Net, étaient regardées avec intérêt par nos voisins européens.
Au fil des loi DADVSI, Hadopi 1 et 2 et la dernière d’octobre 2021, relative à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique d’octobre 2021, l’arsenal juridique s’est renforcé, visant aussi le piratage des compétitions sportives.
Et de fait la pratique du piratage a reculé. Entre 2017 et 2021, la population pirate a diminué de 14,9 millions de visiteurs uniques en moyenne par mois, à 10,1 millions, selon les données Médiamétrie/ Netratings. Des centaines de sites ont été bloqués, et des services IPTV illicites bloqués, tandis que les offres légales de SVoD et d’abonnement à des services musicaux n’ont cessé de se développer.
Pour autant, en 2016 comme en 2021 selon ’ l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle au sein de l’Union européenne (EUIPO), les jeunes français de 15-24 ans sont les champions d’Europe du piratage des œuvres sur Internet (lire nos articles de 2016 et dans ce dossier). L’adhésion des jeunes français aux offres légales est en retard par rapport à nos voisins. Et la proportion de pirates volontaires chez les 15-24 ans est même en hausse depuis 2019 alors qu’elle décline dans les autres pays les plus peuplés à l’exception de l’Italie. Et même les utilisateurs d’offres payantes n’hésitent pas à recourir aussi à des pratiques illicites. Les débats virulents autour des lois de protection des droits d’auteur sur Internet ont laissé des traces. La pédagogie peine à faire effet et c’est un des échecs de 20 années de lutte pour tenter d’enrayer le piratage.
Son éradication totale est chacun le sait illusoire. A mesure que l’on dote les ayants-droits de nouveaux outils, de nouveaux modes de contournement, profitant de nouvelles technologies se développement. C’est la course permanente entre les gendarmes et les voleurs. Et le piratage n’est plus seulement s’il l’a jamais été, une simple revendication idéaliste de gratuité de la culture au bénéfice de tous. C’est aussi une affaire de gros sous et de crime organisé.
Pour le combattre, au-delà des lois, il faut sans cesse rappeler et faire comprendre que la création culturelle a une valeur et que les créateurs ont droit à rémunération. Ce n’est qu’en en persuadant les jeunes qu’on pourra le faire reculer.