Coté cour, la presse économique souligne ce mercredi l’effondrement des ventes de l’Apple Watch, en baisse de plus de 70% au 3e trimestre 2016 par rapport à l’année précédente ; pas de titre spectaculaire coté jardin pour l’article publié le 17 octobre sur le site de la Cornell University Library, et ses 12 pages austères sans fioriture ni illustration signés par une équipe de recherche de Microsoft. A elles deux, ces deux informations offrent pourtant une illustration frappante du grand écart entre le nouvel âge de la Révolution numérique vers lequel l’intelligence artificielle a commencé de nous entrainer, mais aussi les réalités de bon sens contre lesquelles viennent se fracasser certaines innovations et que le volontarisme ne suffit pas à surmonter.
Un rapide coup d’œil aux statistiques de l’industrie horlogère aurait ainsi – presque – suffi à prévoir le reflux auquel sont confrontées les montres connectées : en France, il s’est vendu 13,3 millions de montres en 2015. Ce chiffre est resté stable à 100 ou 200 000 unités au cours des dix dernières années, et la part des modèles commercialisés à plus de 300 € n’en représente de façon à peu près invariante que 3%. L’analyste en déduira qu’il s’agit d’un marché très peu élastique ; l’observateur pragmatique notera qu’il est effectivement rare de porter plus d’une montre à son poignet ;
Le consommateur pourra y ajouter une réflexion sur la valeur d’usage qui lui est apportée. Il a été amplement souligné que la multiplication des écrans était une des caractéristiques clé de l’ère ATAWAD. Mais à l’accumulation progressive des téléviseurs, ordinateurs, mobiles et tablettes (jusqu’à totaliser bientôt 7 appareils par foyer) correspondent autant de nouveaux usages et de situations de connexions supplémentaires avec, comme caractéristique partagée, l’augmentation continue de la taille des écrans (de la TV cathodique aux flat panels, du smartphone à la phablette, de l’iPad à l’iPad pro…). La montre connectée ne connaît pas de telles possibilités (sauf à ne plus pouvoir s’ajuster au poignet) et se trouve donc plutôt cantonnée au rang d’interface avec les autres périphériques (le smartphone principalement).
C’est cette dernière fonction que les équipes de Microsoft pourraient radicalement transformer en annonçant avoir atteint une performance équivalente à celle de l’être humain en termes de reconnaissance vocale, en anglais, espagnol et mandarin (soit un taux d’erreur de 5,9%). Dans la foulée d’Amazon (Echo) ou Google (Google Home), les analystes attendent que le groupe annonce ce mercredi soir le lancement de son propre terminal à reconnaissance vocale utilisant sa technologie Cortana.
Nous allons vers la fin des interfaces graphiques, prédisait ce mardi le président du CTA Gary Shapiro lors du CES Unveiled ; mais le bouleversement devrait aller bien au-delà de ses seuls aspects formels.
En fonctionnant à partir des instructions ou interrogations de leurs utilisateurs, les assistants vocaux vont contribuer à renforcer la concentration des usages et de la consommation vers les services et les marques top of mind. S’agissant de biens culturels, par exemple, ils devraient ainsi renforcer le poids des blockbusters appuyés par de substantielles campagnes de marketing, au détriment de l’effet de longue traine.
En se combinant avec des moteurs de recommandation, ils devraient aussi, et peut être surtout, réduire drastiquement sous couvert d’efficience l’étendue des options proposées au consommateur, donc accroître à due proportion le pouvoir de prescription de ceux qui les auront déployés. Cela pourrait conduire à un nouvel âge de la convergence, à la puissance démultipliée par rapport au seul rapprochement des « tuyaux » et des contenus.