L'édito de Philippe Bailly

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Paysage audiovisuel français : le risque de l’œil du cyclone

D’après le site Wikipédia, l’œil d’un cyclone tropical est « une zone de vents calmes et de temps clément siégeant en général au centre de la circulation cyclonique ».

A lire dans l’Insight NPA de ce 18 décembre l’analyse de Gilles Pezet sur les multiples consolidations annoncées ou finalisées en 2025, le parallèle est tentant. Avec la France, où la reprise de Chérie 25 par CMA Médias a constitué l’opération la plus marquante, d’un côté, RTL Groupe et Sky Deutschland en Allemagne, Sky et ITV au Royaume-Uni, Media for Europe et ProSiebenSat1 en Allemagne, Media for Europe et Impresa au Portugal ou encore, si l’on dépasse les frontières européennes, Canal+ et Multichoice et la compétition que se livrent Netflix et Paramount pour le rachat de Warner Bros. Discovery, de l’autre.

Comme le pointe Gilles Pezet, il n’est pas possible de trouver de grille de lecture immédiate, au tamis de laquelle passer ces différentes opérations. La lecture en concentrations verticales ou horizontales ne convient pas, et en tout cas pas complètement. Reste la possibilité de s’inventer sa propre terminologie – concentrations obliques ou diagonales. Reste surtout le constat commun de la course à la taille critique, avec l’espoir de mieux résister à la concurrence des plateformes mondiales grâce aux synergies attendues dans les mises en production ou acquisitions de droits, la monétisation des audiences ou encore le développement d’infrastructures technologiques chaque jour un peu plus exigeantes.

Depuis que l’Autorité de la concurrence a eu raison du projet de rapprochement entre TF1 et M6 en septembre 2022, la France n’a plus connu de mouvement d’envergure. Et le cycle de renouvellement des autorisations de diffusion en TNT risque de reporter à 2032 toute nouvelle possibilité de consolidation du paysage audiovisuel hexagonal. Aussi longtemps que la loi de 1986 restera inchangée concernant l’interdiction de céder une chaîne dans les 5 ans suivant l’obtention de sa licence en tout cas.

Mais être tenu à l’écart de la dynamique de rapprochements ne signifie pas être préservé de la montée de la concurrence, le numérique ayant aboli de longue date les frontières. Le bilan des appels d’offres pour l’attribution des droits des coupes européennes de football masculin que dresse Pierre Bosson en apporte une première illustration, avec deux pays piliers du ballon rond – l’Allemagne et le Royaume-Uni – dans lesquels les acteurs nationaux joueront pendant quatre ans les utilités, pendant que l’essentiel des compétitions sera diffusé par Paramount+ et Prime Video.

L’étude de la répartition du temps vidéo que propose également l’Insight NPA en offre un éclairage plus structurant. Au mois de novembre, et tous écrans confondus, les cinq principales plateformes globales (Disney+, Netflix, Prime Video, TikTok, et YouTube) totalisaient à elles seules près de 40 % du temps d’attention des Britanniques (38,8 %). Avec, à la clé, une part croissante des recettes d’abonnements et des revenus de publicité…

Les dynamiques qui valent outre-Manche épargnent d’autant moins la France que les freins à la consolidation perdurent et qu’aucune réforme législative ou réglementaire ne vient réduire les asymétries réglementaires. Les alliances conclues par France Télévisions avec Prime Video ou TF1 avec Netflix préserveront les champions nationaux du risque d’invisibilisation, aux yeux d’un public streaming first qui gagne en effectifs. Tactiquement opportun donc, mais consacrant le statut de maillon fort des plateformes leaders.

Alors que l’époque des voeux approche, ce qui précède pousse à se tourner vers les responsables politiques. A espérer qu’ils mettent entre parenthèses esprit de polémiques et arrières pensées idéologiques pour concentrer leur réflexion sur la qualité de l’information et des contenus auxquels les Français ont accès, sur la façon de conforter l’économie de ceux qui les produisent, et finalement sur les modifications du cadre juridique qui aideront à atteindre cet objectif. En assumant la naïveté de cette lettre au Père Noël.

PS : Toute l’équipe de NPA Conseil se joint à moi pour vous souhaiter d’excellentes Fêtes de fin d’année, et se réjouit de vous retrouver dès les premiers jours de 2026.