Les médias ne seront pas au centre de la campagne à l’élection présidentielle. Pas en tant que secteur économique en tout cas. Ils ne le sont jamais. Raison de plus pour renoncer à développer une liste détaillée de propositions et se concentrer sur quelques réflexions clé à l’usage de ceux qui auront à gérer le prochain quinquennat.
Prendre la pleine dimension de la disparition des frontières, telle que nous la vivons dans le monde numérique, en constitue la pierre angulaire. Si la période électorale est propice aux déclarations guerrières à l’encontre des GAFA, le sens des réalités rend dubitatif sur la capacité effective à les soumettre aux mêmes dispositifs que ceux qui s’appliquent aux acteurs nationaux. Et les débats en cours devant les instances communautaires autour du marché unique numérique européen ne font que renforcer ce scepticisme. Plutôt que de chercher à dégrader la compétitivité des groupes transnationaux, la question est d’abord de savoir comment améliorer la situation des opérateurs locaux.
Revenir aux bases, en clarifiant les priorités des politiques publiques, représenterait une première étape précieuse, et sans doute même indispensable. Défense de la langue française, valorisation de la French Touch ou priorité donnée à la dimension économique et au développement des industries culturelles nationales ? Impossible aujourd’hui de savoir ce qui prime. Quand les quotas radio privilégient la première, les conditions d’éligibilité au compte de soutien pour la production de film jouent plutôt sur la seconde, et les crédits d’impôt mis en place pour le cinéma, l’audiovisuel et le jeu vidéo visent clairement la 3e. Savoir hiérarchiser les objectifs apporterait une première grille pour renforcer l’efficacité du cadre législatif et règlementaire, et notamment pour le simplifier.
La dynamique d’allègement doit certainement aller au-delà. La loi Léotard a fêté ses 30 ans en septembre dernier. Au fil des décennies, ses dispositions sont devenues de plus en plus complexes. On a segmenté les quotas de diffusion pour distinguer les heures de grande écoute, on a ajouté aux obligations d’investissement des sous-quotas pour les œuvres patrimoniales, on a compliqué les quotas radio pour limiter la concentration de la programmation… et on est même allé bien au-delà : règles sur l’accessibilité des programmes, sur le reflet de la parité et de la diversité, sur l’encadrement de la publicité pendant les programmes pour enfants… la société tend à se défausser sur les médias – ceux sur lesquels elle exerce sa juridiction au moins – des défis sociétaux qu’elle ne parvient pas par ailleurs à relever… quitte à leur faire supporter un double handicap : perte de compétitivité par rapport aux acteurs non régulés, mais aussi complexité croissante de la gestion de la programmation, perte d’agilité pour ceux qui en ont la charge et coût de traitement des multiples rapports ou observatoires associés à ces contraintes nouvelles.
« Vous proposerez (…) une remise à plat des dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent au secteur de l’audiovisuel. (…) L’objectif doit être de supprimer les incohérences croissantes de la législation actuelle et de permettre l’émergence de groupes de communication audiovisuelle français de premier plan ». Dix années ont passé depuis ces mots, extraits de la lettre de mission de Nicolas Sarkozy à sa ministre de la Culture Christine Albanel. Dix années mais une actualité totale. Rendez-vous le 7 mai !