Annoncé il y a un an, presque jour pour jour, par la ministre de la Culture, le projet de Festival International des Séries vire à la – mauvaise – farce, et à la démonstration du génie français à s’inventer des guerres Picrocholines.
La cause semblait pourtant simple et le dossier « plié » : surfer sur l’engouement non démenti pour les séries et sur la cote croissante dont bénéficient les productions nationales (deux places sur trois dans le Top 30 des meilleures audiences du genre en 2016) afin d’offrir à ces dernières une vitrine favorisant la conquête des marchés étrangers, pour les objectifs ; une organisation « à Paris et en région parisienne » précisait Audrey Azoulay, s’inscrivant dans les sillons tracés par Séries Mania au Forum des Images, depuis 2009, et par Série Séries, à Fontainebleau, depuis 2012. L’affaire semblait d’autant plus entendue que l’annonce intervenait lors de la remise d’un rapport sur l’opportunité d’une telle manifestation, justement confié à la directrice du Forum des Images et initiatrice de Séries Mania Laurence Hertzberg.
Las. C’est sur une édifiante démonstration de la capacité du secteur à s’éparpiller façon puzzle que la ministre restera au moment de quitter la rue de Valois: bénéficiant de la mobilisation transpartisane de la Maire de Lille Martine Aubry et du Président de la Région des Hauts-de-France Xavier Bertrand, c’est Lille qui est sortie vainqueur de la procédure d’appel d’offres lancée par le ministère… mais la métropole nordiste devra faire compter avec une double concurrence :
- Celle de Séries Mania, d’abord, qui ne semble pas prêt à rendre les armes à quelques jours de sa 8e édition (du 13 au 23 avril) et vient même d’annoncer le lancement à Melbourne de sa première déclinaison internationale.
- Et le projet développé à Cannes par Reed Midem (organisateur du MIP et du MIP TV), soutenu par le maire de la ville David Lisnard et dont la présidence sera assurée par… la précédente ministre de la culture, Fleur Pellerin.
Abondance de biens ne nuit pas, dit-on. Mais les professionnels britanniques ou allemands ne manqueront pas de savourer ce paradoxe à la française : déplorer régulièrement que les volumes de fiction produite dans notre pays stagne autour des 750 heures par an, très loin des chiffres enregistrés outre Rhin ou de l’autre côté de la Manche, mais diviser ses forces à l’heure d’en faire la promotion.
Et peut-être s’amuseront ils aussi d’autres initiatives de nos responsables politiques, dans leur manière étrange de soutenir l’exception culturelle et les entreprises qui la font vivre.
La consultation lancée par la ministre de la Culture en vue de durcir le régime des heures de grande écoute auquel sont les chaînes françaises, d’abord. Façon singulière d’adapter le PAF à la montée en puissance de la consommation à laquelle la fin du quinquennat devrait heureusement mettre un terme.
Ou, mieux encore, la volonté affirmée par le candidat Benoit Hamon, s’il était élu, de renforcer la législation anticoncentration en plafonnant à 40% la participation qu’un groupe pourrait détenir dans une chaîne, et en interdisant la constitution de groupes multi antennes… le tout après avoir déploré que les opérateurs nationaux soient exposés à la concurrence d’acteurs surpuissants. Pour rendre plus équitable la lutte entre les nains et les géants, il est clair que la meilleure solution est de diminuer encore la taille des premiers. Même Rabelais n’y avait pas pensé !