L'édito de Philippe Bailly

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Streaming et CTV : la tentation du all-in pour 2025/2026

En France, mais plus largement, le secteur audiovisuel semble bien parti pour éprouver la maxime selon laquelle la difficulté stimule la créativité. Rationalisation, consolidation, concentration… mais aussi nouvelles alliances et nouveaux schémas de collaboration sont au cœur du dossier INSIGHT NPA que NPA Conseil consacre à la transition vers la nouvelle saison.  

A sa façon, la Ligue 1 a d’ailleurs déjà montré le chemin. Sortant d’une saison chaotique, LFP Media a su mettre en place dans des délais records un produit éditorial solide techniquement et éditorialement, avec des clubs qui semblent enfin disposés à permettre aux caméras de ne pas se limiter au seul spectacle sportif, sa stratégie d’hyperdistribution est allée bien au-delà du simple multi-référencement, avec des offres travaillées, de la part de la Ligue comme de ses partenaires (Amazon en particulier), et l’opération d’échantillonnage du premier dimanche de la saison (diffusion en clair de l’avant-match et de la rencontre Nantes PSG) a attiré près d’un million de téléspectateurs. Au terme de la première journée, cette combinaison a permis à Nicolas de Tavernost d’annoncer que Ligue 1+ avait déjà engrangé plus de 600 000 abonnements ; les résultats du Baromètre des Usages Audiovisuels que NPA Conseil s’apprête à présenter confirment que l’objectif du million de souscripteurs que le directeur général de LFP Media devrait être très rapidement largement battu, sans que l’absence de Canal+ parmi les distributeurs constitue un handicap déterminant. A défaut de résoudre la crise de financement du football français, ce démarrage permet au moins de retrouver une dynamique positive et de renouer un lien positif avec son public.

S’agissant du secteur pris dans son ensemble, l’incertitude prévaut pour chacune de ses trois ressources principales. Que la Proposition de loi Lafon soit définitivement adoptée et la holding France Médias constituée au 1er janvier 2026, ou pas, l’audiovisuel public, d’abord, s’apprête à toucher la limite du financement par affectation d’une fraction du produit de la TVA mis en place après la suppression de la redevance. Rien ne garantit en effet le niveau de ce pourcentage, et les budgets de France Télévisions, Radio France ou France Médias Monde semblent promis à de nouvelles coupes dans le projet de loi de Finances qui sera présenté fin septembre.

Concernant les recettes d’abonnements à des offres payantes, Canal+ a annoncé fin juillet – pour un périmètre Europe qui dépasse l’hexagone, certes – un chiffre d’affaires pour le premier semestre de 2,29 Mds€ en baisse de 4,3%. Du côté des plateformes de SVoD, la pénétration moyenne était proche de 57% au 1er semestre 2024, et de 58% un an plus tard, avec un nombre moyen de services par foyer abonné stable à 2,1. Si l’on ajoute que l’augmentation du poids des abonnés aux forfaits avec publicité – commercialisés à des tarifs très sensiblement inférieurs – dans les bases d’abonnés, il apparait peu probable que les dépenses des Français en vidéo et en abonnements pay TV et SVoD  connaissent une croissance significative en 2025, après les 3% de progression relevés en 2024 par le CNC pour l’ensemble Pay TV, SVoD, Vidéo physique, VoD/EST(6,4 Mds€).

Enfin, la dynamique n’apparaît guère plus stimulante du côté de la publicité TV, au sens strict du terme au moins : la programmation de spots dans le flux linéaire. Dans l’attente des chiffres consolidés pour l’ensemble des éditeurs qui seront présentés dans l’étude BUMP le 10 septembre, on peut situer le recul du chiffre d’affaires de publicité TV de TF1 et M6 au premier semestre aux alentours de -6%. Sensiblement mieux que les -5,1% d’AtresMedia, les -6,9% de RTL Group, les -7,3% d’ITV ou les -12% de ProsiebenSat1, et avec un effet de base plus favorable sur le 2e semestre. Mais si l’on intègre que France TV Publicité ne bénéficiera pas cette année de l’effet JO, et si l’on prend en compte que la Banque de France a abaissé de 0,7% à 0,6% ses prévisions de croissance pour 2025, il apparaît illusoire de penser que le marché de la publicité TV termine l’année dans le vert.

Reste la publicité CTV… Au 1er semestre, le marché a été de 318 M€ d’après l’Observatoire de l’ePub réalisé par Oliver Wyman pour le SRI et l’Udecam, en hausse de 34% sur un an, et de 80% par rapport à 2023. Les groupes audiovisuels se sont partagés près de 200 M€ de recettes de BVoD, qui ont notamment permis de ramener les baisses globales de revenus publicitaires de TF1 et M6 à environ 2,5%. Netflix, Prime Video, Disney et HBO Max ont cumulé 67 M€ de revenus, plus du double de 2024, avec l’espoir pour les plateformes que la publicité constitue un nouveau levier de croissance et la nécessité, a minima, qu’elle compense l’écart entre revenu par abonné avec et sans publicité.

C’est à l’aune de ces tendances qu’on peut lire les mouvements analysés ce 25 août par l’Insight NPA :

  • Une sorte de all-in sur la CTV, avec les nouvelles alliances entre Broadcaster et Plateformes qui visent à l’optimisation de la couverture et de l’engagement, avec les alliances (TF1 / Netflix, France Télévisions / Amazon, Channel 4 et ITV / YouTube, ITV / Disney…). Elles prolongent les schémas d’agrégation broadcasters / broadcasters qui ont animé le marché en 2024/2025, autour de TF1 et France Télévisions surtout,
  • Recherche de l’effet d’échelle, pour mieux amortir les investissements technologiques, les dépenses de marketing, les mises en productions et achats de droit (Canal+ / Multichoice, MFE / ProsiebenSat1, RTL Group / Sky Deutschland,         Charter / Cox Communication…)  
  • Rationalisation des dépenses ayant permis aux activités de streaming des quatre studios américains d’atteindre pour la première fois la rentabilité sur une année entière (mi-2024 à mi-2025), en améliorant le résultat de plus de 5 Mds$,
  • Jusqu’à conduire NBCUniversal et WBD à avoir engagé leur scission – streaming et studios, d’une part ; chaînes thématiques de l’autre – en espérant que cela jouera positivement sur leur valorisation par les marchés financiers.