La loi sur la communication de septembre 1986 prévoit (article 28) que les autorisation de diffusion en TNT sont attribuées pour 10 ans, avec la possibilité de deux reconductions hors appel à candidatures pour des durées de cinq ans chacune.
Après la décision de l’Arcom de reconduire TF1 et M6, il faudra donc attendre 2043 pour voir Nicolas de Tavernost et Rodolphe Belmer, ou ceux qui leur auront succédé, plancher à nouveau devant l’Autorité, ou un autre régulateur qui l’aura remplacé.
En théorie au moins.
Il est tout sauf assuré, d’abord, que la TNT vive jusque-là. Au terme des accords pris par les Etats-membres de l’Union européenne, son assurance-vie ne vaut pas au-delà de 2030. Et la Conférence Mondiale des Radiocommunications (CMR) qui se tiendra en novembre / décembre aux Emirats Arabes Unis pourrait contribuer à en boucher l’horizon au-delà, en décidant de poursuivre le mouvement de transfert des fréquences utilisées pour la diffusion hertzienne vers la téléphonie mobile.
Il est très loin d’être acquis, surtout, que les groupes audiovisuels souhaitent maintenir pendant deux décennies leur signature au bas du pacte fondateur de la régulation à la française : fréquences de diffusion gratuites en contrepartie d’engagements divers de soutien à la création… et au-delà (contribution à l’information et éducation aux médias, promotion de la parité et de la diversité, meilleure représentation du handicap…).
Lorsque le CSA de Dominique Baudis a attribué les premières autorisations de diffusion en TNT, faire partie du « club » était le seul moyen d’accéder à 100% des foyers ou presque, alors que seul un Français sur quatre était abonné aux bouquets par câble ou par satellite, et que l’IPTV était encore balbutiante.
Montée des offres triple play et des services en OTT aidant, chacun, ou presque, peut aujourd’hui accéder aux services de SVoD, AVoD, FAST… qui augmentent chaque jour un peu plus leur part du « temps vidéo disponible » au détriment des diffuseurs historiques. Et les règles fixées par la Directive SMA pour ceux – largement les plus nombreux – qui sont administrativement domiciliées dans d’autres Etats de l’Union sont loin de les mettre au niveau de celles qui s’appliquent aux éditeurs de la TNT.
Restent aujourd’hui à cette dernière une vertu, soulignée par TF1 et M6, comme par Xavier Niel, lors des auditions du 15 février : la garantie de la visibilité.
Ces règles de numérotation réservant les 30 premières places aux chaînes de la TNT gratuite – dont le 1 à TF1 et le 6 à M6 – ont assuré leurs présence à l’esprit du public, aussi longtemps que prévalait un accès via les adaptateurs dédiés ou le passage par les guides de programmes des box.
La montée des smart TV dans les usages, leurs écrans présentés façon « App store », la suppression progressive du pavé alphanumérique sur leurs télécommandes et son remplacement par quelques boutons d’accès direct – à des services de SVoD américains presque toujours – réduisent progressivement la portée de cet avantage.
Il reste un joker pour le maintenir : la « visibilité appropriée » que la loi de 1986 prévoit de réserver aux « services d’intérêt général » en application d’une disposition de la Directive SMA. Quel périmètre pour ces « SIG », au-delà des chaînes de l’audiovisuel public ? Quelles modalités de mise en avant mais, surtout, quelle capacité à en contrôler la mise en œuvre effective ?
C’est à l’Arcom qu’il appartient aujourd’hui de le dire. Et la réponse qu’elle apportera pèsera très lourd dans l’avenir de la TNT. Et dans l’intérêt de TF1 et M6 à s’y maintenir durablement.