L'édito de Philippe Bailly

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TV/BVoD, SVoD et AVoD/FAST à l’aube de la grande bataille des catalogues

Les analystes financiers qui ont conduit les grands streamers mondiaux à fortement ralentir leurs investissements dans les contenus s’en trouveront confortés dans leurs prescriptions. Commentant les performances de ITVX, à l’approche de son premier anniversaire (8 décembre), les dirigeants du groupe ITV ont été discrets sur les scores des lancements effectués ces derniers mois en avant-première, voire à titre exclusif, sur la plateforme. Ils ont – fortement – souligné en revanche les 28 % de l’ensemble des visionnages que représentent les boxsets de séries anciennes, ou les collections de films de catalogues, auprès des moins de 45 ans particulièrement (lire dans cet Insight NPA Avec ITVX, l’audience d’ITV échappe à l’érosion). ITV y trouvera matière à justifier les achats de droits effectués pour porter le catalogue d’ITVX de 7000 à 22000 heures.

La plateforme de BVoD britannique n’est pas la seule à montrer que la nostalgie peut être payante. Au cours de l’été, l’arrivée de la série Suits sur Netflix – quatre années après la fin de sa diffusion – a été un véritable phénomène aux Etats-Unis, avec plus de 6 semaines d’affilées à la première place des programmes les plus visionnés. Et plus globalement, en France, les films et séries produits en 2023 n’ont représenté que 15 % des visionnages des plateformes de SVoD, au cours des neuf premiers mois de 2023. Autant que la part des titres produits avant 2000. Les productions des années 2010 ont pesé, elles, pour près de 45 %, et le constat vaut au-delà de l’effet long tail : 13 des vingt programmes du Top 20 ont été produits (pour la première saison au moins) avant 2020.

C’est aussi en creusant le sillon des références iconiques que l’AVoD et les FAST ont bâti ces dernières années leur développement. D’Alerte à Malibu à Starsky et Hutch, en passant par Culture Pub ou Hélène et les garçons, les 80 chaînes mono-IP disponibles dans l’hexagone puisent pour la plupart dans une mémoire déjà ancienne. Mais on a pu noter ces dernières semaines l’arrivée sur Samsung TV Plus (en Allemagne, Autriche, Suisse et Espagne) de la série Narcos (Gaumont) qui a fait les beaux jours de Netflix au milieu des années 2010. Et, au Royaume-Uni, Sky vient de lancer Sky Mix – sur Samsung TV Plus toujours. La chaîne propose notamment les premières saisons de True Detective (2014), Big Little Lies (2017), Gangs of London (2020) … L’idée semble bien, toujours, de capitaliser sur des succès établis, mais en puisant moins loin dans le temps.

En France, au moins, les producteurs ne devraient pas avoir à souffrir de cet engouement pour les titres de catalogue, puisque l’essentiel des obligations de contribution à la création des éditeurs porte sur des préachats ou des prises de parts de coproduction. Donc sur de nouveaux projets.

Mais dans des marchés moins encadrés, il pourrait conduire les éditeurs à déplacer une partie de leurs dépenses, de la production vers l’achat de droits. Afin de surfer parallèlement les vagues SVoD, AVoD/FAST et BVoD, les détenteurs de catalogues y trouveront matière à une segmentation toujours plus fine des exploitations concédées.

Si l’on y ajoute l’effet prix qu’une concurrence plus vive pourrait entrainer, ils ont toutes les chances, en tout cas, de figurer parmi les gagnants de ces prochains mois.