Le 14 février, C’est un titre qui suggère une certaine brutalité plutôt que l’union langoureuse de deux âmes sœurs que l’Udecam a retenu pour l’une des tables rondes de ses deuxièmes Rencontres de la saison : « Vidéo : la grande bascule ? ». Victoire de l’un sur l’autre, envol vers un après qui ne doit rien à l’avant, passage du noir au blanc…
Pour effrayante qu’elle puisse paraître, la perspective aurait le mérite d’être reposante intellectuellement. Elle permettrait, une fois le choc passé, le nouveau modèle intégré et les nouveaux réflexes maîtrisés, de trouver le chemin vers une nouvelle simplicité.
Las ! et sans plus de référence à la Saint Valentin, la réalité semble préférer le gris. En cinquante nuances le cas échéant. Le Nord n’est pas (ou plus) unique dans la boussole de l’univers vidéo, et l’art du rebond et de la composition apparait alors infiniment plus secourable que la seule force brute de de la détermination.
En l’espace de 48 heures, et chacun à la mesure de son marché, Warner Bros. Discovery et le groupe M6 viennent d’en faire la démonstration en se lançant, l’un et l’autre, dans l’univers des FAST et de l’AVoD. Au premier, le tournant évite de mettre tous ses œufs dans le panier des services sur abonnement, et de se trouver prisonnier de la propension à payer du consommateur ; le second évite d’abandonner le terrain de la CTV à la horde des 500 chaînes FAST recensées par NPA Conseil et évoquées par Le Figaro ; Et, par un clin d’œil aux réalités juridiques prévalant des deux côtés de l’Atlantique, le premier consacre à cela quelques milliers d’heures puisées dans ses profusants catalogues quand le second doit s’employer à obtenir dans les accords professionnels qu’il négocie quelques semaines, mois ou années supplémentaires d’exploitation des productions indépendantes qu’il a financées.
Mais face aux FAST, à l’AVoD ou autres formes de vidéo numérique, la maîtrise de l’équilibrisme, voire du funambulisme, s’impose tout autant, ou presque, aux producteurs / distributeurs.
Quand l’hémisphère droit – celui du distributeur – est tenté de s’y lancer à corps perdu pour tirer parti de stocks de programmes déjà financés, l’hémisphère gauche est plus prudent. Les acteurs historiques sont – aujourd’hui au moins – les seuls à mêmes de financer de nouveaux projets, et s’impliquer de façon trop engagée au côté des plateformes émergentes dans la « bataille de l’attention » revient aussi, en les fragilisant, à se priver d’une partie de leur capacité contributive.
La recherche de la meilleure combinaison – du meilleur compromis ? – vaut finalement tout autant sur le front de la monétisation, et pour les agences médias chargés de gérer au mieux les investissements des marques.
TV, TV segmentée, replay, AVoD /FAST, SVoD hybride, plateforme de partage de vidéo… Pour les maîtres-sauces des équipes multiscreens la multiplication des ingrédients s’approche davantage du cauchemar que de la félicité, en l’absence, jusqu’en 2024, de la monnaie commune que doit procurer la mesure unifiée.
Reste le consommateur final, qui devrait être le seul à se féliciter de cette (sur)abondance mais se plaint régulièrement de la complexité qu’elle entraine.
Pour ses Rencontres, l’Udecam a mis un point d’interrogation à son titre. On en viendrait parfois à espérer qu’il soit rédigé à la forme affirmative. Et qu’il soit prophétique !