Le 15 avril 2021 marquait la 1000e parution de la note de veille INSIGHT NPA. Pour l’occasion 22 contributeurs exceptionnels partagent leur vision des enjeux clés de l’Horizon 2030.
Se réformer sans se résigner, ni se renier
Dans quelques temps, l’exception culturelle, née dans les affres de la bataille commerciale du GATT, soufflera sa trentième bougie. Elle revient de loin car elle a été souvent enterrée, combattue et parfois incomprise.
Son message est pourtant simple, et moderne : donner le droit à chaque Etat de défendre, d’adopter et de mettre en œuvre des politiques de soutien à la création locale. Ni plus, ni moins.
A l’heure d’une mutation sans précédent du paysage audiovisuel, la diversité culturelle doit rester plus que jamais notre boussole pour redessiner les contours de nos régulations, nationale et européenne.
A côté des enjeux industriels qui auront des conséquences sur la diversité culturelle en Europe, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur nos politiques de soutien à la création locale.
Se réformer sans se résigner, ni se renier. Tel pourrait être le chemin, évidemment étroit, à tracer. A cet égard, l’avenir ne pourra pas s’annoncer heureux si le soutien à la langue française n’est plus à l’horizon. Disons-le, l’Europe n’est clairement pas à la hauteur de sa responsabilité ni du pas qu’elle nous a fait franchir avec la directive SMA quand elle en vient à pointer du doigt la France qui entend soutenir la création d’expression originale française. La langue est un marqueur fort de la diversité culturelle que chaque Etat doit pouvoir défendre.
L’avenir doit aussi savoir s’inscrire dans des ruptures. L’Europe, qui nous fait avancer mais qui est aussi souvent le gardien très scrupuleux du temple des traités sur le marché intérieur, doit se saisir de l’enjeu de la protection des catalogues audiovisuels et cinématographiques. Ce patrimoine européen que nous avons en commun est un actif stratégique qui mérite des règles protectrices, sans doute dérogatoires au libre marché.
La France aussi doit faire son aggiornamento : on pourrait naturellement évoquer cette chronologie des médias anachronique qui fait courir des risques aux films les plus fragiles mais n’oublions pas non plus que notre politique audiovisuelle s’est trop longtemps réduite à réguler les seuls rapports diffuseurs/producteurs et à défendre la production indépendante en laissant les auteurs dans l’angle mort de l’action publique.
Tourner cette page est l’enjeu des prochaines années pour faire progresser la création française : construire des protections collectives pour les auteurs dans leurs relations avec les producteurs pour renforcer la qualité du travail créatif, mieux rémunérer les auteurs et mieux les associer aux succès de leurs œuvres.
Nous avons là les éléments d’un scénario gagnant pour la création française.