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5ans après avoir imposé une série d’injonctions à Vivendi et au Groupe Canal Plus (GCP) dans le cadre des rachats de TPS puis Direct 8 et Direct Star, l’Autorité de la concurrence a modifié le dispositif de mesures pour « tenir compte de l’évolution du marché », tout en maintenant certaines contraintes pour « préserver la dynamique concurrentielle ». La concurrence d’Altice principalement, mais également de Netflix et Amazon, a mené l’Autorité à assouplir l’encadrement des activités de Canal + en matière d’acquisition et de diffusion de films et séries américain(e)s, de distribution de chaînes exclusives, ainsi que sur la cession de droits sportifs en clair. Les injonctions maintenues ou adaptées seront applicables jusqu’au 31 décembre 2019.
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Altice, Netflix, Amazon : une concurrence « de plus en plus vive » pour Canal+
Les derniers 18 mois auront fortement influencé la décision de l’Autorité de la concurrence. Si le Groupe Canal Plus est toujours en position de quasi-monopsone (d’acheteur unique) en matière d’acquisition de droits de films EOF, reste le seul éditeur d’une chaîne premium mixte sur le marché (la chaîne Canal +) et demeure un acteur « incontournable » sur le marché aval de la distribution de chaînes, le régulateur relève qu’il est « de plus en plus contesté » sur l’ensemble des marchés sur lesquels il opère. La construction de la stratégie « offensive » de convergence d’Altice, matérialisée fin 2015 par l’acquisition des droits de la Premier League de football anglaise pour 120 millions d’euros par an jusqu’en 2019, constitue la première « évolution majeure » du marché justifiant ce constat. Stratégie qui s’est confirmée par la suite avec l’acquisition récente des droits de la Ligue des Champions et de la Ligue Europa de football par SFR pour un montant de 350 millions d’euros par an de 2018 à 2021, puis sur le marché du cinéma et séries, avec la conclusion de l’accord-cadre avec NBCUniversal, précédemment détenu par Canal. Grâce à SFR Sport et, à court terme, SFR Studio (chaîne consacrée au cinéma et aux séries qui devrait être lancée pour l’été 2017), Altice dispose désormais des moyens de diffuser ces droits premium.
Sur le marché de la distribution, l’Autorité constate qu’Altice est monté en puissance grâce à la conclusion de contrats de distribution exclusive pour toutes ses plateformes des chaînes des groupes Discovery (Discovery Science, Discovery Channel, Discovery Investigation et Discovery Family) et NBCUniversal (Syfy, 13ème Rue et E!), auparavant distribuées en exclusivité par GCP. L’opérateur a également « renforcé » son offre non-linéaire SFR Play, et devrait disposer, dans le cadre de sa prise de contrôle du groupe NextRadioTV (sous réserve de la procédure en cours devant le CSA), de la chaîne Numéro 23 sur la TNT gratuite.
La concurrence revêt aussi une dimension internationale, avec le développement en France depuis 2012 des offres de Netflix puis Amazon en vidéo-à-la-demande à l’acte et par abonnement. Selon l’Autorité, ces nouveaux services « concurrencent fortement GCP sur les marchés des services non-linéaires, en particulier en matière de contenus américains ».
Un assouplissement réel sur les acquisitions de contenus US et relatif sur les français
Au regard de la concurrence opérée par Altice, Netflix et Amazon sur le marché des contenus américains, l’Autorité a décidé de lever l’encadrement des comportements d’achats de droits cinématographiques américains par GCP, auparavant limités à des contrats-cadres de trois ans maximum avec une obligation de conclure des contrats distincts pour chaque type de droit cédé.
GCP s’était également engagé à limiter à un seul le nombre de majors avec lesquelles il pouvait conclure un accord-cadre couplant l’acquisition de droits de diffusion pour le payant et pour le clair.
L’Autorité a jugé que la proposition de Canal de relever cette limite à deux majors est « en phase avec les conclusions de l’analyse concurrentielle ».
Sur le marché des acquisitions de films EOF, GCP a « maintenu sa position » et l’Autorité considère nécessaire de maintenir l’interdiction de conclure des accords-cadres avec les ayants-droits français. Elle prévoit toutefois un tempérament à cette interdiction, qui sera automatiquement levée si un autre éditeur de pay-TV venait à conclure un accord-cadre avec un des cinq principaux producteurs cinématographiques français.
Si l’Autorité a assoupli l’encadrement des achats couplés pour le payant et le clair s’agissant des films US, elle considère que GCP, sur le marché français, reste en mesure « de faire jouer un effet de levier entre ses activités de télévision payante et gratuite, au détriment de ses concurrents ». Comme l’a proposé GCP à l’Autorité, l’engagement à ne pas réaliser d’achat couplé pour plus de 20 films EOF par an est maintenu. Toutefois, Canal+ pourra désormais négocier des clauses de priorité et/ou de préemption alternées sur des fenêtres de diffusion lors de l’achat des droits de films français récents. Enfin, C8 et CStar, dont les acquisitions de films français de catalogue auprès de StudioCanal étaient limitées à 36 % du nombre total et 41 % de la valeur totale des acquisitions annuelles pour chaque chaîne, voient ces plafonds rehaussés à 50 %, le catalogue de StudioCanal étant « moins incontournable » aujourd’hui pour les chaînes de la TNT non adossées.
L’encadrement des activités de GCP sur le non-linéaire est également allégé, le groupe étant désormais autorisé à conclure, avec les studios américains, des achats de droits couplés pour la VOD/SVOD et pour une diffusion en télévision linéaire payante sur une base exclusive.
Canal autorisé à reprendre une chaîne premium en exclusivité, sous condition
En matière de distribution, GCP reste obligé de reprendre une proportion minimale de chaînes indépendantes (55 % des chaînes distribuées), ainsi que « toute chaîne premium », dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires, et d’élaborer une offre de référence pour la reprise de toute chaîne indépendante. La position de dépendance des éditeurs vis-à-vis de GCP « reste d’actualité », d’après le régulateur, notamment depuis le lancement en octobre 2016 des offres « by Canal » proposées par Free et Orange. Néanmoins, au regard de l’accord de distribution exclusive entre Altice et les groupes NBC Universal et Discovery, l’Autorité autorise GCP à reprendre exclusivement des chaînes premium, sous condition : pour toute chaîne premium distribuée exclusivement, Canal aura l’obligation de conclure un contrat d’autodistribution de cette chaîne au sein des offres de tout opérateur qui en ferait la demande. Cet amé28nagement « permet aux consommateurs d’avoir accès à ces chaînes quel que soit son distributeur » tout en laissant la facturation de la chaîne à GCP.
Au regard de l’attractivité grandissante d’OCS et du lancement prochain de SFR Studio, l’Autorité considère justifiée la levée pure et simple de l’obligation de mise à disposition des distributeurs tiers des chaînes Ciné+. Cet assouplissement pourrait avoir un impact majeur pour certains distributeurs comme le pure-player Molotov, pour qui les 6 chaînes Ciné+ constituent l’essentiel de son offre payante à 9.99€/mois.
Enfin, l’Autorité considère qu’en raison de la concurrence de Netflix et Amazon, GCP doit être en mesure de diffuser en exclusivité sur ses plateformes CanalVOD et CanalPlay, les séries qu’il préfinance.