Le mardi 23 mai dernier, Amazon a lancé via l’application Prime Vidéo son offre Amazon Channels au Royaume-Uni, en Allemagne et en Autriche. L’offre composée d’une quarantaine de chaînes linéaires comprend des chaînes comme Eurosport du groupe Discovery ou encore le britannique ITV.
Le déploiement d’Amazon Channels dans trois pays européens
Amazon vient de lancer son offre Amazon Channels au Royaume-Uni[1] , en Allemagne[2] ainsi qu’en Autriche. Ce nouveau service est disponible pour tous les abonnés Amazon Prime[3] et leur propose de concevoir leur bouquet à la carte en choisissant une par une les chaînes auxquelles ils souhaitent s’abonner mensuellement via l’application Prime Vidéo. L’abonnement est sans engagement. Au Royaume Uni, le service permettra de s’abonner à une quarantaine de chaînes, y compris celles du groupe Discovery (notamment Eurosport) et celles du groupe NBC-Universal (dont son service à la demande Hayu). En outre, Amazon Channels inclura ITV Hub+, le service de TVR d’ITV. En Allemagne, les abonnés Prime pourront s’abonner à 25 chaînes payantes du groupe NBC Universal et du groupe RTL. Les tarifs sont compris entre £1.99 et £9.99 par chaîne au Royaume-Uni et entre 1.99€ et 7.99€ en Allemagne et en Autriche.
L’application Prime Vidéo est disponible sur SmartTV, iOS, les terminaux mobiles Android, Amazon Fire TV, Fire TV Stick, Fire Tablets, certaines consoles et sur le web. Chaque chaîne sera disponible directement sur l’application, ce qui facilite leur accès, via notamment un centre de recherche centralisé. En incluant des chaînes linéaires en plus des services SVoD, Amazon entend développer ses premières offres de TV payante en OTT en Europe. Les abonnés Prime pourront ainsi par exemple visionner indifférement depuis l’application Roland-Garros en live ou encore les jeux olympiques d’hiver de 2018 (via un abonnement supplémentaire à Eurosport) ainsi que les creations originales d’Amazon Studios comme American Gods ou The Man in the High Castle.
Un déploiement dans le cadre du Streaming Partner Program
Cette annonce s’inscrit dans une stratégie vidéo qu’Amazon a lancé depuis plus d’un an maintenant avec le Streaming Partner Program[4] qui permet au géant du web de distribuer au sein de Prime Vidéo des services de vidéos édités par des tiers. Ceci permet aux utilisateurs de s’abonner directement à de nouveaux services au sein de Prime Vidéo. L’utilisateur peut ainsi retrouver tous ses services OTT sur une plateforme centralisée, sous un seul abonnment, avec un moteur de recherche transversal et un moteur de recommandation cross-contenu.
Ce programme permet aussi aux éditeurs de contenus d’accéder aux abonnés Prime d’Amazon[5] sans avoir à conclure un accord d’exclusivité ni à assumer le marketing, le recrutement, les abonnements, la gestion de la plateforme de paiement ou encore l’infrastructure technologique puisqu’Amazon se charge de tout moyennant un partage des revenus variable en fonction du modèle économique du service distribué[6].
Du côté de la société de Seattle, ce programme lui permet de développer un bouquet de chaînes avec du contenu très spécialisé sans avoir à se positionner comme acquéreur de droits. De plus, cela permet de recruter plus d’utilisateurs vers l’abonnement Prime, ce qui constitue l’objectif principal d’Amazon. En effet, sa stratégie consiste à faire de la SVoD et de l’OTT en général un produit d’appel vers son activité de e-commerce, via l’abonnement Prime, car un abonné Prime dépense plus qu’un non-abonné[7].
Un déploiement test pour le marché européen
Cette annonce d’Amazon semble faire directement concurrrence à Sky, présent au Royaume-Uni et en Allemagne, ainsi qu’aux chaînes du câble allemand Virgin Media et Kabel Deutschland au vu du large choix de chaînes proposées. Pourtant, même si une certaine dose de sport pourra être visionnée sur Prime Vidéo, il n’en reste pas moins qu’Amazon reste loin du catalogue de Sky, ou de la pay-tv en général, en terme de droits sportifs de premier plan (notamment pour le football) ou de films en première diffusion. De plus, aucune des chaînes proposées sur Amazon Channels n’est présente en exclusivité. Même si l’arrivée de cette offre est un développement OTT important pour le marché, Sky a récemment annoncé que seulement 2% des abonnés à son offre de pay-tv sont passés vers leur option OTT NOW TV (qui permet d’accéder aux contenus à la demande de Sky) et qu’Amazon ne cherche ici qu’à construire de la valeur autour de Prime. Il semble donc que Sky ne soit pas inquiet par l’arrivée d’Amazon Channels, considérant que les clients de la pay-tv y sont fidèles et n’ont pas tendance à basculer vers l’OTT.
Du côté des utilisateurs, il n’est pas sûr que l’offre d’Amazon rencontre un réel succès. Même si elle permet d’avoir accès à un certain nombre de chaînes de niche et que toutes ces chaînes sont accessibles sur une seule plateforme, l’argument tarifaire risque de jouer en la défaveur d’Amazon Channels. Tout d’abord, il est très probable que les utilisateurs de l’offre aient à s’aquitter d’une licence TV au Royaume-Uni, l’équivalent de notre redevance. Or celle-ci s’élève à £147 (environ 170€). De plus, Jonathan Broughton, analyste senior pour IHS Market, a calculé que pour obtenir l’équivalent d’un bouquet de chaînes basique en pay-tv, l’utilisateur Amazon devrait débourser £30 (environ 35€), ce qui est à additionner au coût d’un abonnement Prime. Ceci équivaut au final à un coût total de £256 (environ 295€).
Enfin, dernier écueil à la rencontre du succès auprès du public, le fait que Prime Vidéo ne soit présent sur aucune des set top box présentes sur les marchés concernés risque de poser problème, malgré le nombre non négligeable de terminaux sur lesquels l’application Prime Vidéo est disponible. En effet, ne pas être présent sur les set top box freine la visibilité de Prime Vidéo auprès du public. Cela sous-entend de plus qu’en l’absence de Smart TV, l’utilisateur qui souhaite accéder au service sur sa télévision doit le faire via un outil supplémentaire, quel qu’il soit, ce qui rajoute un dose de difficulté.
Amazon cherche par ce lancement à tester en Europe, sur les marchés les plus mûrs que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne, une offre ayant réussi aux Etats-Unis avant d’opérer un lancement plus global. La poursuite du Streaming Partner Program en Europe, et donc en France, est vraisemblablement lié à son succès sur ces deux marchés. Cette annonce cependant permet de clarifier la stratégie d’Amazon sur le long terme en ce qui concerne la vidéo. Là où l’objectif de Netflix est de déconstruire la notion de chaîne, en priorisant le contenu, Amazon se place ici comme le premier vrai grand service à dimension mondiale proposant via Prime Video une application jouant le rôle d’agrégateur des contenus et services auxquels l’utilisateur est abonné. Dans cet agrégateur, l’utilisateur a accès à l’ensemble de ses contenus de manière centralisée sur une seule plateforme en ne payant qu’une facture finale.
[1] Liste complète des chaînes disponibles au Royaume-Uni et leurs prix : http://www.broadbandtvnews.com/2017/05/23/amazon-channels-uk-full-list-of-available-services/
[2] Liste complète des chaînes disponibles en Allemagne et leurs prix : http://www.broadbandtvnews.com/2017/05/23/amazon-channels-germany-full-list-of-available-services/
[3] L’abonnement Amazon Prime coûte 69€ par an en Allemagne et en Autriche et £79 par an au Royaume-Uni
[4] Flash 778, « Avec Prime Video, Amazon se positionne comme un agrégateur de bouquets OTT » http://flash.npaconseil.com/2015/12/16/avec-prime-video-amazon-se-positionne-comme-un-agregateur-de-bouquets-ott-4/
[5] Amazon comptabiliserait plus de 2,5 millions d’abonnés Prime sur le marché allemand et autour de 7 millions au Royaume-Uni. Amazon revendique 80 millions d’abonnés Prime aux Etats-Unis en avril 2017.
[6] La partage des revenus dépend de négociations entre Amazon et les éditeurs et est donc propre à chaque partenariat. https://digiday.com/media/amazons-video-bundle-helping-niche-publishers-grow-subscribers/
[7] Le panier moyen annuel des abonnés Prime serait près de deux fois plus élevé que celui des non-abonnés avec 1 100$ de dépenses en moyenne à l’année contre 600$ (chiffres de 2015)