Tension en perspective lors de la présentation des ressources allouées aux sociétés de l’audiovisuel public dans le cadre du projet de Loi de Finances : « le gouvernement demande d’importantes économies supplémentaires », titrait Le Monde dans son édition de ce mardi, précisant que « les économies demandées pour 2018 (seraient) de l’ordre de 80 millions d’euros, au total. Soit autour de 50 millions d’euros pour France Télévisions, 20 millions environ pour Radio France, 5 millions pour Arte et quelques millions d’euros pour France Médias Monde ». Les présidents de France Télévisions, Delphine Ernotte, d’ARTE Véronique Cayla, de Radio France Marie-Christine Saragosse et de Radio France Mathieu Gallet auraient appris cette décision le 7 septembre, à l’occasion de rendez-vous avec la ministre de la Culture Françoise Nyssen.
Le montant total des financements publics prévus au bénéfice de France Télévisions, ARTE, France Media Monde et ARTE au titre du Projet de loi de finances 2017 approchait les 3,7 Mds€. Le « coup de rabot » révélé par Le Monde n’en représente donc guère plus de 2%. Mais son annonce tardive – en rupture brutale avec les 1,6% d’augmentation décidée l’an dernier par le gouvernement Hollande – la rend plus délicate à absorber, à un moment où les processus budgétaires sont déjà largement engagés. A défaut de pouvoir le répercuter du jour au lendemain sur les dépenses de structures (charges de personnel particulièrement) ni de pouvoir remettre en cause les engagements pris en terme de contribution à la création, il risque de toucher principalement les dépenses variables (communication, notamment, dans un univers numérique d’hyper abondance où la capacité à émerger est de plus en plus stratégique) et les projets de développements (les quotidiens ont notamment pointé le projet de plateforme de SVoD attendu chez France Télévisions pour la fin de l’année).
Les décisions annoncées par Le Monde – si elles sont confirmées – marquent aussi une regrettable incapacité des majorités successives à respecter la parole donnée au nom de l’Etat par leurs prédécesseurs. Depuis leur instauration au début des années 2000, il n’est quasiment pas un Contrat d’Objectif et de Moyens – supposé donner de la visibilité aux dirigeants des groupes publics en fixant une trajectoire budgétaire pluriannuelle – qui soit allé tel quel à son terme. La tradition sera donc respectée, 20 mois après la conclusion du COM de Radio France, quatorze mois après la signature de celui de France Télévisions… et même moins de 10 mois après qu’ait été adopté celui de France Médias Monde.
Les réactions inquiètes qu’ont déjà exprimées sociétés d’auteur et syndicats de producteurs étaient prévisibles. En relisant l’étude sur L’économie de la télévision publiée début 2016 par le CNC, on doute que les groupes privés s’en réjouissent davantage. Comparant l’évolution des différentes sources de financement de la télévision entre 2005 et 2014, cette dernière établit que la hausse globale des recettes du secteur (un peu moins de 10% en euros courants sur l’ensemble de la période) a été à presqu’exclusivement portée par les financements publics : +767 M€, contre +44 M€ pour le total publicité et abonnements. Et l’atonie dont a fait preuve depuis la première (3254 M€ de recettes en 2016), comme les difficultés du secteur de la télévision payante – Canal+ en tête – ne permet pas de parier sur un retournement de tendance au cours des toutes dernières années.
Au final, c’est bien l’équilibre économique d’ensemble du secteur audiovisuel qui pourrait se trouver fragilisé. Au moment même où les géants du numériques surenchérissent à coups de centaines de millions de dollar concernant les montants qu’ils entendent investir dans les contenus….