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Le 28 septembre dernier le Conseil d’Etat a publié son étude annuelle, intitulée « Autorités publiques et plateformes numériques : soutien de l’”uberisation” ». Au centre du phénomène d’« uberisation » se trouvent les plateformes numériques et l’écosystème technologique dans lequel elles évoluent. Dans son étude, le Conseil d’Etat identifie les forces et les faiblesses des règles juridiques en vigueur. Il invite l’Union européenne à réglementer l’intelligence artificielle et ses éventuelles dérives, afin d’affirmer la primauté de l’humain sur la machine. Il propose également la mise en place d’une responsabilité étendue dans l’utilisation des algorithmes à l’échelle européenne, inspirée de la responsabilité du fait des choses du droit civil français.
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Après deux études consacrées au numérique, la première en 1997, « internet et les réseaux numériques », la deuxième en 2014, « le numérique et les droits fondamentaux », le Conseil d’Etat s’interroge aujourd’hui sur l’activité des plateformes numériques et les normes juridiques existantes. Il avait déjà insisté sur l’impact juridique du développement des technologies numériques en 2014. Le Conseil d’Etat cible son étude sur la notion de plateforme, « figure de proue » de l’« uberisation », afin d’identifier la meilleure façon d’adapter le droit à ce phénomène.
Les problématiques à résoudre sont nombreuses : développement de l’intelligence artificielle, traitement, utilisation et portabilité des données personnelles, et enfin, responsabilité et loyauté des algorithmes. Le développement des objets connectés soulève notamment la question du consentement des personnes au traitement de leurs données personnelles. En outre, l’essor de l’intelligence artificielle impose une réflexion sur la place à réserver aux robots, tant physiques que virtuels. En effet, les effets parfois pervers et imprévus des algorithmes et de l’intelligence artificielle conduisent à s’interroger sur la responsabilité pour les dommages qui pourraient résulter de leur utilisation.
Les 21 propositions de l’étude n’invitent pas à établir un droit spécifique pour la nouvelle économie des plateformes mais plutôt à « harmoniser » le droit, c’est-à-dire repenser la pertinence des normes existantes face aux plateformes. Le rapport propose que toute régulation des plateformes parte du constat que « les entreprises qui réussissent à obtenir un leadership technologique suffisant dans ce domaine subiront peu de concurrence des nouveaux entrants à venir ».
Le Conseil préconise donc d’assouplir la règlementation du secteur qui agit comme un obstacle à l’entrée de nouveaux acteurs et protège la position dominante des acteurs en place, comme c’est le cas sur le marché hôtelier et sur le marché des VTC.
Concernant l’intelligence artificielle et les algorithmes, le Conseil d’Etat propose de s’inspirer du droit français sur le fonctionnement de la responsabilité du fait des choses. Il avance également l’idée de mettre en place, pour toute intelligence artificielle, un « bouton Asimov » et une « porte Asimov », le premier permettant de geler son fonctionnement ou de l’annihiler, et le second d’autoriser dans des hypothèses limitées l’accès des services de sécurité et de renseignement au système et aux informations qui y sont traitées.
Le Conseil d’Etat insiste enfin sur le fait que la réponse à l’« uberisation » ne peut être efficace qu’à l’échelle européenne, sinon internationale, ce qu’il avait déjà constaté dans son étude de 2014. Le Conseil d‘Etat suggère la mise en place de dispositifs fondés sur l’autorégulation des opérateurs, à travers la mise en conformité (compliance) et la responsabilisation (accountability), sous le contrôle du régulateur et des juges de l’Union. La régulation s’opérerait alors sur la base des concepts de loyauté et d’équité.