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Au terme d’une enquête de concurrence ouverte le 30 novembre 2010, la Commission européenne a condamné Google Inc. pour abus de position dominante. La Commission a établi que le moteur de recherche « Google » tenait une position dominante sur le marché de la recherche générale sur internet dans l’ensemble de l’Espace Economique Européen. Le fait d’avoir accordé une préférence dans l’affichage des résultats à son propre service « Google Shopping » et d’avoir rétrogradé les services concurrents de comparaison de prix en ligne est qualifié par la Commission d’abus de position dominante. Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, a déclaré que l’amende « reviendra aux citoyens européens », dont les Gouvernements verront leur contribution au budget de l’Union réduite « au prorata, en fonction de cette amende ».
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La position dominante du moteur de recherche de Google
Le fait pour un moteur de recherche de privilégier son service de comparaison de prix en ligne, ou de rétrograder les services concurrents, n’expose pas nécessairement ce moteur à des sanctions. Ce qui est reproché à Google par la Commission en l’espèce est d’avoir usé de sa position dominante pour imposer la prééminence de son service sur le marché des comparateurs de prix, restreignant ainsi la concurrence.
La Commission a donc dû qualifier la position dominante du moteur de recherche « Google » sur le marché de la recherche en ligne. A cet égard, la Commission a établi que, dans les 31 pays membres de l’Espace Economique Européen, ce moteur rassemble plus de 90% des parts de marché de la recherche depuis 2008 au moins, année du début de la période ayant fait l’objet de l’enquête. Le deuxième concurrent en lice totalise moins de 5% des parts de ce même marché.
La Commission relève également que plus un moteur regroupe de parts de marchés, plus il est attractif pour les annonceurs, ce qui lui confère les moyens de rendre son service toujours plus attractif. L’entrée sur le marché d’un nouveau concurrent est donc plus difficile à mesure qu’un acteur s’impose sur ce marché.
La rétrogradation des services concurrents
Le service « Google Shopping », d’abord nommé « Froogle » puis « Google Product Search », était présenté de façon avantageuse, au-dessus des résultats génériques d’une recherche pour un produit donné, dans un « format riche ». Ce service n’était donc pas soumis à l’algorithme du moteur, qui classe les résultats selon leur pertinence.
En revanche, les services concurrents de Google Shopping étaient, eux, bel et bien soumis à cet algorithme. Leur position sur les moteurs de recherche pouvait ainsi faire l’objet d’une dégradation. En moyenne, la Commission a relevé que le service le mieux classé parmi ces concurrents n’apparaissait qu’en quatrième page des résultats.
La Commission a conclu que, contrairement aux affirmations de Google, la position des résultats d’une recherche a une influence réelle sur les choix faits par l’utilisateur, et donc sur le trafic. Son étude révèle que 95% des clics sont faits sur les liens de la première page de résultat, le premier de ces liens recevant près de 35% du total de clics. De plus, le fait pour un lien de se retrouver rétrogradé de la première à la troisième place des résultats entraîne une baisse de trafic d’environ 50%.
Par ailleurs, le service de Google Shopping a connu un gain d’affluence perceptible, alors que les services concurrents ont vu leur trafic baisser, et ce dès la mise en œuvre des rétrogradations de ces services dans la recherche générique du moteur. Ces comparateurs ont ainsi perdu en moyenne 85 % de leur trafic au Royaume-Uni, 92 % en Allemagne et 80 % en France. De son côté, le trafic du service de comparaison de prix de Google a été multiplié par 45 au Royaume-Uni, par 35 en Allemagne, par 29 aux Pays-Bas, par 19 en France, par 17 en Espagne et par 14 en Italie.
Dès lors, le choix offert aux consommateurs européens ne dépendait plus d’une concurrence basée sur les mérites des services. La Commission n’a pour l’instant émis qu’un communiqué ; il faudra attendre la publication de sa décision officielle pour savoir si Google a volontairement rétrogradé les services de comparaison concurrents, ou si leur recul dans la liste des résultats n’a été qu’un effet de l’algorithme de pertinence du moteur de recherche.
Google a annoncé être en « respectueux désaccord » avec les conclusions de la Commission, faisant valoir que le placement de son service Google Shopping en tête des résultats du moteur de recherche sert les consommateurs, qui préfèrent les liens qui les conduisent directement aux produits à ceux qui les amènent sur des sites où ils doivent réitérer leur recherche. Par ailleurs, l’entreprise indique que les raisons du déclin de certains comparateurs de prix peuvent être trouvées dans l’essor de certains services, comme Amazon et eBay, dont la croissance considérable des dernières années a éclipsé certains comparateurs de prix concurrents. L’entreprise a également annoncé vouloir faire appel de la condamnation.
Les autres enquêtes d’abus de position dominante dont Google fait l’objet
La Commission européenne conduit par ailleurs d’autres enquêtes de concurrence sur les pratiques de Google, notamment sur son service AdSense et sur son système d’exploitation pour smartphones Android. La plateforme « AdSense for search » permet à Google de placer des publicités contextuelles, en tant qu’intermédiaire, sur des sites web tiers de détaillants en ligne, d’opérateurs de télécommunications et de journaux notamment. La Commission estime que Google est en position dominante sur ce marché, et lui reproche d’avoir conclu des accords avec des partenaires directs dans lesquels elle leur aurait imposé tantôt i) une obligation d’exclusivité qui les empêche d’afficher les publicités contextuelles de ses concurrents, tantôt ii) des obligations d’afficher ses publicités en meilleure position que les autres, tantôt iii) de soumettre à l’autorisation de Google l’ajout de publicités concurrentes.
Concernant Android, il est reproché à Google i) d’avoir obligé ou incité les fabricants de téléphones intelligents et de tablettes utilisant Android à préinstaller exclusivement des applications ou services Google, ii) d’avoir interdit à ces fabricants de développer et de commercialiser des versions modifiées et potentiellement concurrentes d’Android sur leurs téléphones et iii) d’avoir groupé certains de ses services distribués sur Android avec d’autres applications ou services lui appartenant.