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Donald Trump avait annoncé, dès le début de sa présidence, sa volonté de revenir sur le principe de neutralité du Net. Ce principe a vocation, au nom d’un internet libre et ouvert, à proscrire toute intervention des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) sur l’acheminement des flux. Il exclut de facto qu’un opérateur puisse bloquer ou ralentir certains échanges d’informations sur son réseau ou, à l’inverse, en priorise d’autres, par exemple en favorisant l’acheminement de certains contenus partenaires.
Ce principe fait l’objet depuis longtemps d’un vif débat aux Etats-Unis entre Républicains, qui y sont pour la plupart peu favorables, et démocrates, qui estiment que ce principe est nécessaire pour la protection des consommateurs et pour empêcher des dérives des opérateurs télécoms. Le plan du président de la FCC dévoilé la semaine dernière pour renverser la protection de la neutralité du net aux Etats-Unis annulerait presque deux décennies d’accords entre la gauche et la droite américaine.
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L’abandon de mesures prises sous l’administration Obama
Mise en place sous l’administration Obama, la neutralité du Net a longtemps été une règle « non-écrite ». Dès 2007, Barack Obama, alors sénateur, avait promis de protéger ce principe, favorable à un « internet libre ». En 2010, la Federal Communications Commission (FCC), avait introduit des premières mesures en ce sens, enjoignant les fournisseurs d’accès à Internet à ne pas bloquer les sites web ou imposer des limites aux utilisateurs. A la suite de l’adoption de ces règles, Verizon communications, l’un des principaux fournisseurs d’accès américain, avait déposé une plainte fédérale conduisant à une annulation de l’ordonnance. Après une nouvelle proposition de réglementation en 2014, la FCC, poussée par l’administration Obama, votait, le 26 février 2015, en faveur de règles strictes de neutralité du net.
L’administration Trump, engagée depuis un an dans une large campagne de dérégulation, a fait part de son intention de revenir sur ces mesures. En janvier 2017, Donald Trump nommait le républicain Ajit Pai président de la FCC, lequel a présenté la semaine dernière, après plusieurs mois de travaux, les grandes lignes d’un projet visant à remettre en cause le principe de neutralité du net. Dans une tribune publiée par le Wall Street Journal, M. Pai indique vouloir « empêcher le gouvernement de micromanager Internet » et mettre fin à la gestion des fournisseurs d’accès « comme s’ils étaient des entreprises des années 1930 ». Le rôle de la FCC doit se limiter, dans l’esprit de M. Pai, à « forcer les fournisseurs d’accès à être transparents pour que les consommateurs puissent choisir les offres qui leur conviennent le mieux ».
La décision déclaratoire de la FCC propose de revenir à la classification des services de fourniture d’accès à internet comme des « services d’information » ; le fait pour les FAI de se voir à nouveau appliquer ce régime les affranchirait de leurs obligations spécifiques relatives à la neutralité du net.
Associations de défense des droits sur internet vs opérateurs
Les propositions de la FCC feront l’objet d’un vote des commissaires le 14 décembre prochain. Verizon, Comcast et AT&T, les trois principaux fournisseurs d’accès américains, soutiennent largement ces mesures, invoquant l’argument d’un besoin de financement pour la modernisation des réseaux. L’Internet association, qui regroupe notamment les géants numériques de la Silicon Valley, les a de son côté vivement critiquées, en déclarant que les FAI « ne devraient pas avoir le droit d’utiliser leur position de garde-barrière pour être en position de discriminer des sites ou des applications ».
L’association de défense des consommateurs Consumer Union estime quant à elle que la facture des abonnés ne peut faire qu’augmenter avec l’abandon de principe. Enfin, 200 entreprises dont notamment Airbnb, Reddit, Twitter et Vimeo ont publié cette semaine une lettre afin d’alerter la FCC des dangers économiques liés à la mise en péril de la neutralité du Net. Les signataires de la lettre soulignent que « la croissance économique est possible grâce à un Internet libre et ouvert. La neutralité du Net soutient l’innovation et met toutes les entreprises à égalité face aux consommateurs ». La dérégulation sera cependant difficile à contrer puisque les républicains, nommés par Donald Trump, constituent la majorité des membres de la commission qui sera chargée du vote à la mi-décembre.