L'édito de Philippe Bailly

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Mesurer, fédérer, hybrider

De mon passage dans l’univers de la technologie, j’ai gardé une certaine méfiance à l’égard des mots qui « claquent » et font juste « moderne » : si nous employons de plus en plus le terme d’« hybridation » des mesures d’audience, ce n’est pas pour enjoliver le propos. C’est parce que, à Médiamétrie, nous sommes convaincus de pouvoir bâtir avec d’autres, les données qui soutiendront l’écosystème média et publicité dans sa réponse à une triple évolution.

Celle de la fragmentation des usages d’abord. La diffusion d’un même contenu est démultipliée sur de nouvelles plateformes digitales complémentaires de celle d’un flux linéaire qui restera massive et puissante mais de moins en moins exclusive. C’est vrai autant en radio qu’en télévision. L’audience devient la somme de tous ces contacts de nature et de temporalité différentes.

En corollaire, l’inventaire publicitaire potentiel devient ainsi très large, et la partie qui sera réellement exploitée sera celle dont les audiences répondront au mieux aux objectifs quantitatifs et qualitatifs de l’annonceur. Il faudra bien comptabiliser toutes ces audiences publicitaires, là où elles seront, et en faire la somme pour donner une vue globale de la performance. Le tout, de plus en plus vite, avec de plus en plus de granularité et de finesse. Enfin de nouvelles formes de pure players seront à prendre en compte, Netflix, Disney+, Salto, Deezer, Spotify ou Realplayer, pour compléter un paysage très complexe.

Cette fragmentation, combinée à un grand nombre d’acteurs médias de tailles différentes, donne naissance à la seconde évolution, celle des stratégies très diversifiées au sein d’une même famille média. Priorité au linéaire, investissement dans la diffusion digitale, hyper-diffusion, contenus originaux… : chaque acteur a ses propres besoins de données d’audience avec des niveaux de finesse variable. Satisfaire le marché c’est aussi répondre à cet éventail des demandes.

Enfin troisième évolution, la performance publicitaire sera de plus en plus basée sur des ciblages data précis, et des bilans de campagnes qui doivent combiner audience et ROI. Les mesures d’audience devront pour cela aisément s’imbriquer dans les stratégies data de tous les acteurs, et être connectées en temps réel à l’écosystème de l’AdTech.

Pour fournir les mesures d’audiences du 21ème siècle, il faut donc restituer une granularité des comportements mesurés et des profils qualifiés bien plus grande que tout ce qui n’a jamais été fait. Et nous ne décuplerons pas la taille des panels et des échantillons pour cela. Il devient donc important de pouvoir combiner les sources de données entre elles, et notamment nos panels avec des données voies de retour d’où qu’elles proviennent, pour que les mesures soient au niveau des attentes. L’hybridation des sources est donc une nécessité.

Mais au fait, faut-il garder les panels ? Certains s’évertueraient ici, dans un intérêt bien compris, à évincer les panels du paysage au profit de leurs seules données, pour une solution 100 % « big data ». Les grands acteurs de la mesure et les plateformes digitales mondiales, richement dotées de ces « big data », se réfèrent pourtant aux panels en les désignant comme « source of truth ». Car les panels d’audience sont indispensables pour reconstituer la population cible et ses comportements de manière équilibrée et représentative. Et c’est cette base qui sert ensuite à de nombreux travaux statistiques pour profiter du détail et de la profondeur de données tierces, sans jamais corrompre la représentativité du tout. C’est cela l’hybridation : prendre le meilleur de la donnée panel et de la donnée massive. Il faut un acteur compétent et tiers de confiance pour cela, capable de rapprocher des données diverses dans un esprit de rigueur méthodologique, de respect de la protection des données personnelles et de la valeur stratégique de données appartenant à des tiers. C’est en mettant nos compétences techniques et notre éthique au service de tous que Médiamétrie entend jouer ce rôle.

L’hybridation n’a toutefois rien de nouveau. C’est même la norme pour les audiences digitales. Ce sera sûrement la norme pour certaines parties de l’audience TV et la publicité segmentée, et la radio y viendra aussi très probablement.

Mais bien plus qu’un défi technique, l’hybridation sera aussi un vrai test pour le marché, et donc pour Médiamétrie. Pour hybrider, il faut d’abord partager. Partager un objectif et un intérêt de marché, partager des données, partager des méthodes… Il faut bien sûr développer des méthodes complexes, faire un réseau de neurones, fusionner des data et crypter des données confidentielles. Mais tout cela est bien plus simple que de fédérer les acteurs des médias, de la diffusion des médias et de la publicité autour d’une vision partagée.

Mesurer, fédérer, hybrider. Le marché réagi jusque-là positivement à ce projet de créer un écosystème data performant pour le marché français. Ne laissons donc pas passer cette occasion.


Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie

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