L'édito de Philippe Bailly

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Cisco prévoit le triplement du trafic vidéo sur internet d’ici 5 ans

L’entreprise américaine Cisco a publié le 7 juin 2017 son dernier rapport annuel Visual Networking Index Forecast Update[1] qui prédit l’évolution d’internet et des usages numériques d’ici 2021. La principale leçon de ce rapport concerne la vidéo : Cisco prévoit en effet que la vidéo représentera 82% du trafic global IP[2] en 2021, cela représente 1 million de minutes de vidéos vues par seconde.

La croissance continue d’internet

De manière générale, internet va continuer de grandir. D’après ce rapport, 58% de la population mondiale sera connectée en 2021[3] (contre 47% à ce jour), le débit moyen passera de 27.5 Mbps[4] actuellement à 53 Mbps, il y aura plus de trafic sur smartphone que sur PC et nous produirons annuellement 3.3 zettabits[5] de données (contre 1.2 aujourd’hui). De plus, il y aura en 2021 trois fois plus d’appareils connectés qu’il n’y a d’habitants sur Terre, soit 27.1 milliards de terminaux connectés. Ceci sera rendu possible grâce aux connections Machine-To-Machine (M2M), qui incluent l’internet des objets (IoT).

Ce pan d’internet va voir son nombre de connexions être multiplié par 2.4 d’ici à 2021 pour atteindre 13.7 milliards d’objets concernés, soit la moitié des terminaux mondiaux, et représenter 5% du trafic IP global. Ceci correspond à 1.75 connections M2M par habitant terrestre. Les principaux domaines concernés seront la maison (46% des connections M2M totales), le travail, la santé, la ville et la voiture. Dans ce domaine, la 5G va avoir une importance primordiale[6], mais ne représentera que 0.2% des connections, soit 1.5% du trafic mobile car une connexion 5G représente 4.7 fois plus de trafic qu’une connexion 4G.

Pour soutenir ces évolutions et en l’absence de véritable explosion de la 5G, les connexions internet se feront à 37% sur un réseau câblé (fibre comme cuivre) et à 63% sur le réseau mobile et le Wi-Fi. Le nombre de hotspots Wi-Fi[7] va être multiplié par six pour atteindre 541.6 millions à travers le monde. Plus des deux tiers des opérateurs mobiles et 78% des entreprises du câble ont ainsi l’intention d’utiliser le Wi-Fi pour supporter les services liés à l’IoT, notamment dans les hôpitaux où le nombre de hotspots va tripler d’ici à 2021.

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Le point sur la 5G

Poussé par une vingtaine d’industriels, dont Ericsson, Qualcomm, AT&T et Vodafone, le 3GPP a voté le mois dernier le principe d’accélération du processus d’adoption des standards de la 5G. Les standards  pour la norme provisoire « Non Standalone New Radio 5G », essentielle pour le développement de l’IoT, pourraient ainsi voir le jour dès la mi-2018 et permettraient aux telcos de réaliser des premiers tests grandeur nature.

D’ici 2021, 0.2% des connexions mobiles globales passeront par la 5G. Cette proportion monte à 20% pour l’Amérique du nord, 10% pour l’Asie-Pacifique et 5% pour l’Europe de l’ouest.

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En ce qui concerne la France, le débit moyen passera de 25.6 à 64.5 Mbps, mais l’évolution la plus impressionnante concerne l’UHD sur le segment de la VoD qui devrait connaître un CAGR[8] de 160.9%, passant de 0.2% du trafic lié à la VoD en 2016 à 21.6% en 2021. Le trafic global de la vidéo sera multiplié par trois d’ici 2021 suivant une croissance similaire aux évolutions mondiales. Environ 24 000 minutes de vidéos seront visionnées chaque seconde. Les vidéos longs formats, correspondant aux offres OTT, ainsi que le live long format atteindront 72.1% du trafic vidéo en 2021, contre 55.6% en 2016. De manière plus globale, en termes de volume de données circulant en 2021 en France, l’équivalent en gigabit de l’ensemble des films jamais réalisés à ce jour devrait circuler sur les IP françaises toutes les heures.

L’explosion de la vidéo

Sur la période étudiée, la vidéo mobile croit de manière beaucoup plus rapide que la télévision digitale[10], avec un CAGR de 4.2%, là où la vidéo mobile connait un CAGR de 14.8%. D’après Cisco, 60% du trafic lié à la vidéo sur internet en 2016 était dédié à des vidéos longs formats (films, séries, documentaires, etc.). Il s’agit en fait de la proportion de données liées aux offres OTT. Cette masse de données sera multipliée par 3.68 en 2021, montrant bien que l’OTT a de beaux jours devant lui. La VoD IP, qui n’est qu’une partie de ceci, représentera elle 14.5% du trafic IP global en 2021.Actuellement, la vidéo[9] représente 73% du trafic IP global. En 2021, cette proportion atteindra 82% selon Cisco, le trafic global IP en vidéo sera ainsi multiplié par trois sur la période étudiée, avec un CAGR de 26%. Globalement, il y aura 1.9 milliard d’utilisateurs vidéo en 2021, hors utilisateurs mobile-only, il y en avait 1.4 milliard en 2016. Selon Cisco, 3 000 milliards de minutes de vidéos seront vues par mois en 2021.

Un des facteurs de croissance de la vidéo sera la hausse de la qualité de l’image. Portée par la hausse du débit moyen, l’UHD, qui représentait en 2016 à peine 2% du trafic vidéo, va se démocratiser et atteindra 21% du trafic vidéo en 2021, ce qui correspond à un CAGR de 91%. De plus, le rapport prévoit que 56% des télévisions à écran plat et connectées seront des télévisions 4K en 2021, contre 15% en 2016.

La vidéo live représentera 13% du trafic vidéo sur internet. Cela peut paraître faible mais le volume de données liées au live sera multiplié par 15 sur la période étudiée, représentant la plus grande opportunité pour de nouveaux entrants si on compare avec les autres domaines où les acteurs sont bien installés. Le principal facteur de croissance de la vidéo live devrait être l’internaute lui-même, à travers des services tels que Snapchat ou Facebook. Cette dernière entreprise avait par ailleurs déjà annoncé que la vidéo et le live seront ses principaux moteurs de croissance à l’avenir. Un autre facteur de croissance de la vidéo live concerne celui des chaînes télévisées, que le live soit distribué par la chaîne elle-même ou par un nouvel opérateur comme le français Molotov ou les américains Sling TV, Direct TV Now ainsi que YouTube TV. Il s’agit de nouveaux services OTT permettant à leurs utilisateurs de regarder la télévision de manière totalement délinéarisée avec des modèles mêlant le direct, le replay et pour les plus avancés le nPVR. Moyennant un abonnement, les utilisateurs de ces services ont ainsi accès à leur bouquet de chaînes depuis n’importe quel terminal supportant l’application du service. Ces nouveaux opérateurs diffusant le live d’un nombre conséquent de chaînes TV sur virtuellement n’importe quel support vont également représenter un moteur de croissance important pour le trafic vidéo en 2021.

Le trafic lié à la réalité augmentée et à la réalité virtuelle va connaître un CAGR de 82% sur la période étudiée, ce qui représente une multiplication par 20 du volume de données dédiées, et représentera 1% du volume global du trafic lié au divertissement. C’est la première fois en douze ans que Cisco analyse ces technologies dans son rapport et a tenu à préciser qu’il s’agit d’un secteur à regarder de près dans le futur.

En ce qui concerne le trafic sur mobile uniquement, la société Ericsson, qui a  publié un rapport prospectif sur les évolutions du mobile jusqu’en 2022 cette semaine, s’attend à ce que le nombre d’utilisateurs mobiles passe de 3.9 milliards à 6.8 milliards. Le volume de données liées aux réseaux sociaux connaitra une croissance annuelle de 38%. Cependant la proportion de ces données sur le trafic global passera de 13% en 2016 à 11% en 2022, du fait de l’importance grandissante de la vidéo qui elle occupera 75% du trafic mobile global. Cette croissance de la vidéo sera supportée par des terminaux avec des écrans plus grands, une meilleure qualité d’image et un débit supportant le live streaming. YouTube devrait dominer ce marché de la vidéo mobile, avec 70% des utilisateurs mobiles se servant du service de manière hebdomadaire, mais sera concurrencer par des acteurs locaux dans certains pays.

Face au succès de la vidéo, certains changements seront nécessaires pour permettre un accès de qualité des utilisateurs aux contenus, notamment en termes d’encodage[11]. Apple a déjà annoncé au dernier WWDC annuel que ses produits utiliseront désormais le codec HEVC/H.265[12], qui réduirait de 40% la taille des fichiers comparé au codec HEVC/H.264 utilisé quasi-universellement aujourd’hui depuis 2013. Apple a déjà préinstallé le codec sur un milliard de terminaux, ce qui devrait être suffisant pour lancer son adoption globale selon certains analystes. L’adoption d’une nouvelle norme pose cependant le problème de la compatibilité des set-top-box, des téléviseurs et de l’ensemble de la chaîne vidéo de manière générale. Si une simple mise à jour de logiciel peut suffire pour certains terminaux, ce ne sera pas le cas pour tous. Il est en effet possible que certains terminaux, comme les set-top-box, ne soient pas construits pour supporter un logiciel de décodage plus lourd. Ceci sera coûteux mais aussi chronophage, comme cela avait été le cas lors de l’adoption du dernier standard. Opérateurs télécoms et éditeurs de contenu vont devoir se préparer et s’organiser dans un futur proche pour faire face à l’internet à 3.3 zettabits par an en 2021.

[1] Rapport complet disponible ici.

[2] La méthodologie utilisée par Cisco pour son rapport fait la différence entre trafic IP et trafic internet. Est inclus dans le trafic IP : internet mais aussi les réseaux IP non-connecté à internet (comme un réseau d’entreprise ou les connections entre objets connectés par exemple).

[3] Il y a actuellement 3.3 milliards de personnes connectées sur 7 milliards de terriens. Cisco prévoit que 4.6 milliards seront connectés en 2021 sur une population mondiale totale de 7.93 milliards.

[4] Mégabits par seconde.

[5] Un zettabit représente 1 milliard de térabits, ou 1 000 milliards de gigabits.

[6] Voir Flash n°820 : https://flash.npaconseil.com/2017/01/10/les-operateurs-se-lancent-dans-les-premiers-tests-operationnels-de-la-5g/

[7] La méthodologie utilisée dans ce rapport englobe réseaux publics et réseaux privés (notamment domestiques) dans l’appellation « Hotspots Wi-Fi ».

[8] CAGR : Compound Annual Growth Rate (taux de croissance annuel composé).

[9] Est considéré comme de la vidéo dans ce rapport : les vidéos sur internet, la VoD IP (SVoD comprise), l’échange de fichiers vidéo, le stream de gaming-vidéo ainsi que les vidéo-conférences.

[10] Selon le vocabulaire employé par Cisco, la télévision digitale regroupe le câble, le satellite et l’IPTV.

[11] L’encodage est le moyen technique utilisé pour compresser une vidéo. Plus cet encodage est efficace, plus la volumétrie du fichier est faible, ce qui permet de réduire la bande passante nécessaire pour sa diffusion.

[12] HEVC : High Efficiency Video Coding

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