Open innovation, open data, coopétition… les nouvelles formes de collaboration et de compétition à l’ère numérique. Dans le cadre de la transformation numérique, comment s’organise la co-création et la coopération avec les entreprises innovantes ? Qu’est ce qui est partagé ? Sous quelles formes s’effectue ce partage ? Quels sont les objectifs et niveaux d’implication mais aussi les impacts sur l’organisation ?
Introduction – Nick Leeder
Directeur Général de Google France
Pour Nick Leeder, directeur général de Google France, la co-création s’inscrit dans un phénomène plus large qui est celui de la transformation numérique. Il propose d’en parcourir les enjeux en deux points : le panorama de la transformation digitale en France et les leviers activables pour l’accélérer.
La transformation digitale en France : une dynamique en marche qui doit accélérer.
Pour le directeur général de Google, la France doit prendre le TGV du digital qui représente une immense opportunité pour le pays, économiquement et sociétalement. Les français sont très avancés en matière de conversion numérique. 86% des français sont connectés et 60% achètent en ligne. Les entreprises, les associations, les start-up ont elles aussi réussi leur transition vers le numérique. Les start-up comme Blablacar, ou Sarenza etc. sont des exemples d’entreprises en avance. Les acteurs du CAC40, comme la FNAC ou autre sont des acteurs historiques ayant conduit une transformation digitale réussie en France.
Nick Leeder voit le rôle de Google comme fédérateur de cette transformation. C’est d’ailleurs le sens de sa première campagne institutionnelle en France intitulée « Moteur de réussites françaises » qui doit accompagner et accélérer le processus. Les entreprises sont en effet dans une situation paradoxale en France.
Malgré la forte dynamique mondiale, la France se situe seulement au 25ème rang dans l’utilisation du digital par les entreprises. Or, il s’agit bien d’opportunités non saisies. De même, seulement 11% des entreprises françaises vendent en ligne, soit quasiment la moitié des entreprises allemandes.
Selon Nick Leeder le numérique représente déjà 110 milliards d’euros, soit 5,5% du PIB en France. Si on accélère le processus de numérisation en France, cela pourrait rajouter 100 milliards de PIB sur les dix prochaines années.
Les leviers de transformation numérique en France
Parmi les différents leviers de la transformation numérique, un certain nombre est lié aux problématiques de co-création et d’open data.
Organisation du travail & collaboration. Le premier levier en termes de co-création est le bureau et l’organisation du travail. Il faut repenser le travail de collaboration au travers des outils, ce qui est notamment possible avec les outils de Google comme Google for Work qui compte plus de 1,7 millions d’entreprises utilisatrices dans le monde. En France, 80% du CAC40 utilisent au moins un service proposé par Google for Work.
Un changement de mentalité est aussi nécessaire en interne avec un meilleur partage d’informations, plus d’autonomie, de flexibilité et possiblement moins de contrôle. C’est un vecteur de transformation positive entre les gens. Selon une étude citée par Nick Leeder, réalisée par Roland Berger en 2014, le pourcentage des salariés satisfaits au travail serait 43% plus élevé chez le personnel dont l’activité est transformée par le numérique que chez ceux qui travaillent de manière traditionnelle.
Open data & innovation ouverte. Avec YouTube, Search, Chrome, Maps… Google propose des services utilisés par plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde. Tous les services ont été construits avec un prisme « utilisateur first ». Selon Nick Leeder, Search – le moteur de recherche de Google – est un bon exemple de monde ouvert puisque tous les sites et les éditeurs sont indexables s’ils le souhaitent, et tout le monde peut y trouver de la visibilité. Le système est ouvert puisqu’il ne propose de barrière à l’entrée et les règles appliquées sont les mêmes pour les petites entreprises comme pour celles du CAC40. Search ouvre un marché et une visibilité mondiale à ces produits.
En termes d’open Data et de co-création, Nick Leeder annonce le lancement de Google Transit à Marseille, qui intègre directement dans Google Maps toutes les informations sur les transports en commun de la Ville.
Sur la co-création, on peut prendre l’exemple d’un secteur-clé en France, celui de la culture. Internet est une grande opportunité pour la France pour faire rayonner son offre culturelle dans le monde. Pour les nouveaux créateurs, ils peuvent trouver une forte audience à l’étranger. YouTube est une plateforme ouverte qui permet à des chaînes et producteurs comme TF1, CANAL+, Studio Bagel de trouver une audience mondiale sans aucune barrière à l’entrée avec des coûts de production limités. Avec la technologie Content ID – outil pour protéger les droits d’auteur – Google a voulu aussi offrir un service propre et sûr pour les utilisateurs et producteurs. Nick Leeder tient aussi à souligner que la plateforme est dans la co-création mais aussi le partage de valeurs puisque 50% des revenus publicitaires sont partagés avec les producteurs de la plateforme.
En conclusion, Nick Leeder rappelle que la transformation numérique est un enjeu de taille pour la France qui doit accélérer et que la co-création, sous toutes ses formes est un levier pour aller plus vite. Pour cela, il faut créer des conditions favorables d’investissement en France et encourager la co-création. Sur ce point, il rappelle que ce sont plus de 600 collaborateurs en France qui sont engagés dans la transmission de cet esprit d’ouverture.
Pour terminer, Nick Leeder a pu répondre à 2 questions précises :
Le soutien de Google aux acteurs innovants en France
Google est présent en France dans plusieurs incubateurs comme Numa. Il propose aussi des sessions de mentoring avec des entrepreneurs avec ses équipes et met à disposition les savoir-faire de ses équipes commerciales pour apprendre aux start-up des incubateurs à aller sur le marché. En janvier, Google France a aussi lancé un programme pour les entreprises qui sont en deuxième phase de développement (scale-up) avec une équipe dédiée qui fournit le même niveau de services que d’autres entreprises engagés dans le soutien à l’innovation (SNCF & FNAC par exemple).
L’objectif pour Google est de soutenir les entrepreneurs comme Blablacar ou Sarenza qui ouvrent de nouveaux marchés sur le digital. Nick Leeder, souligne que Google en tant que partie prenante de l’écosystème numérique, a tout intérêt à voir cet écosystème se développer et donc à apporter son aide.
L’annonce de l’ouverture d’un centre R&D par Facebook à Paris.
Google possède un centre de R&D à Paris avec une centaine d’ingénieurs qui travaillent principalement autour de projets culturels. Deux équipes sont aussi basées à Paris et elles travaillent sur la version du navigateur Chrome sur mobile, et certaines fonctionnalités sur YouTube. Le directeur général souligne d’ailleurs que son entreprise a déjà un centre plus large que celui de Facebook à Paris et qu’il souhaite aller plus loin encore. Toutefois, il rappelle que l’importance de ces deux centres reste minime par rapport aux enjeux du digital en France : 300 ingénieurs pour 100mds d’euros de PIB.
LUC BRETONES
Directeur du Technocentre d’Orange & d’Orange Vallée
Orange a comme pour ambition, pour les cinq prochaines années, de fédérer autour de lui plus de 500 start-up. Technocentre & Techno Vallée, dont Luc Bretones est en charge, sont le cœur de l’innovation d’Orange et des vecteurs de la transformation digitale du groupe. L’entreprise est déjà innovante puisqu’elle produit chaque année plus de 200 nouveaux produits. Luc Bretones explique qu’il souhaite mettre par ces outils les méthodes de fonctionnement des start-ups au cœur du réacteur d’Orange.
Une approche lean start-up.
Orange Vallée développe les applications en mode lean start-up avec des interactions constantes sur toutes les phases du projet avec le client final. Du prototype jusqu’au produit fini, les équipes sont dans l’interaction constante.
Deux outils ont été développés dans ce but :
- Les lab explorers. Il s’agit d’une communauté de 40 000 clients en France qui souhaitent être testeurs des concepts et produits du Groupe. C’est une base active puisque l’année dernière 35 000 clients ont été sollicités.
- « Imagine avec Orange » : une plateforme d’idéation pour « crowdfunder » et prioriser des idées d’innovation et aider les personnes qui souhaitent les développer. Les thèmes abordés peuvent être la maison connectée, la voiture connectée, etc.
Soutien aux start-up. Par ailleurs, le groupe Orange collabore aussi directement avec les start-up et notamment au travers des Orange Fab (8 dans le Monde) qui accompagne 5 à 7 start-up par an. En France, chaque année, Orange reçoit 250 candidatures pour 30 pitches et 5 à 7 candidats retenus. Le procédé allie aussi les équipes internes puisque pour chaque projet retenu, un Business Unit doit s’engager moralement à soutenir la start-up et l’aider à arriver sur le marché.
Les chercheurs et ingénieurs d’Orange sont une force pour l’entreprise, et la société cherche à développer cette ressource. Cependant, aucun projet ne sort s’il n’est pas API-Ready (connecteur) et donc utilisable par d’autres entreprises. Orange souhaite partager ses connaissances. Les API doivent pouvoir être utilisées par un tiers en moins de 15 minutes. Et si c’est plus complexe, Orange ouvre ses labos pour aider les acteurs à les utiliser voire à collaborer avec eux sur une création.
Sur les start-up accélérées, Orange aide à la commercialisation, au lancement mais aussi aux dépôts de brevets et de propriété industrielle.
Au sujet de Datavenue, plateforme de l’Internet des objets.
Selon Laurent Bretones, en 2020, plus de 50% de la data du monde sera générée par des objets connectés. Il est possible déjà de créer avec peu de ressources un objet connecté qui génère beaucoup de données qui peuvent être parfois volumiques (vidéo).
Dans ce contexte, Orange a comme projet de sécuriser, stocker et analyser les données pour proposer des services, souvent des applis mobiles ou montres. Datavenue est une plateforme, un bac à sable, qui permet de manipuler ces données, les croiser, fabriquer ces applications. Il est destiné à la fois à des start-up mais aussi à des grands groupes. Laurent Bretones indique ainsi qu’il travaille déjà avec des mutuelles par exemple sur un projet d’accompagnement des personnes âgées. « Nous avons équipé une centaine d’appartements en France pour assister les personnes âgées pour les aider à rester à la maison et garder le lien entre la famille, la plateforme d’assistance, la mutuelle, etc. ».
Avec Datavenue, Laurent Bretones souligne qu’Orange se positionne dans un univers stratégique pour le marché européen : « Il faut qu’en Europe nous soyons en mesure d’accrocher le wagon de l’IOT et inventer des plateformes européennes pour s’allier et développer l’économie. »
Au sujet de l’impact de l’open-innovation
Sur l’open innovation, le KPI doit être pour Laurent Bretones, la progression de la culture de l’innovation interne et le culte du « not invented here ». Il faut encourager les salariés à aller chercher les briques de légo pour construire des projets chez les autres si elles existent. Ce mode de production – « on top » – permet à la fois d’économiser du temps, de l’argent mais aussi de mieux s’intégrer dans un écosystème innovant.
STEPHANE QUERE
Directeur Innovation d’Engie (ex-GDF)
Une activité qui se transforme. Pour Stéphane Quéré, Engie voit son modèle se transformer. Les services sont un levier de croissance certain que l’entreprise avait déjà su intégrer. L’activité de services aux collectivités d’Engie est leader mondial par exemple. Le modèle se transforme et notamment dans le rapport au client. L’activité d’Engie ne peut plus se limiter qu’à fournir de l’énergie. Les consommateurs, particuliers et collectivités, veulent maîtriser leur consommation, voire la produire. C’est pour cela que l’entreprise a souhaité se renforcer dans « le confort de la maison », l’énergie décentralisée, le stockage qui pallie les défauts des énergies renouvelables, et tout ce qui touche au territoire, à la ville et à la mobilité. Stéphane Quéré rappelle un objectif central : tout faire le plus vite et de la manière la plus ouverte possible.
Susciter l’idéation chez les collaborateurs. Auparavant, Engie récompensait l’innovation qui réussit, aujourd’hui, il souhaite aussi encourager les collaborateurs à avoir des idées et à les partager. Les plus intéressantes seront alors incubées dans des incubateurs professionnels en dehors d’Engie. Ainsi les collaborateurs peuvent aller chez Paris & Co, Village Crédit Agricole, etc. L’idée est de voir comment les projets qui se seraient développés en interne se développent à l’extérieur en bénéficiant de l’écosystème d’innovation et de méthodes agiles.
Un soutien financier à l’innovation. Engie a aussi créé un fond d’investissement (100M euros) qui investit dans des start-up en développement. Elle se pense plus utiles pour soutenir des entreprises qui veulent accéder au marché. En ce sens, l’énergéticien souhaite réaliser une vingtaine d’opérations avec des start-up en lien avec son activité. 4 ont déjà été initiés comme avec Sigfox par exemple.
Pour Engie les objectifs sont multiples. Au-delà de l’investissement, il y a aussi un accord de développement opérationnel. De même, l’entreprise doit bénéficier d’un retour d’expertise en liant les équipes internes avec les entrepreneurs. Tout projet financé doit être soutenu par une unité opérationnelle – BU Sponsor – dans le groupe pour s’assurer que le projet élaboré y trouve sa place. Une incubation qui a réussi pour Engie lorsqu’elle a généré du CA. Nous avons une BU d’accueil sponsor pour ce type de projet.
Statut de collaborateur ou d’entrepreneur. Sur les projets d’incubation, les collaborateurs peuvent choisir entre garder leur statut salarié de l’entreprise ou bien décider de créer leur entreprise. Dans ce dernier cas, Engie devient actionnaire (toujours minoritaire au départ). En termes de propriété intellectuelle, celui qui choisit de revenir dans le groupe n’a pas de droit sur l’innovation.
Le statut est défini au début de l’incubation, ainsi la situation est claire pour tous.
JEAN-FRANCOIS GALLOUIN
Directeur général de Paris&Co
Paris&Co le plus grand incubateur en France.
Paris&co est l’agence de développement économique et innovation de la ville de Paris. Elle compte une cinquantaine de collaborateurs et est financée à 60% par des entreprises privées et 40% par le public. Ce qui en fait une « co-création ».
L’agence a une activité d’incubation. Elle gère plusieurs incubateurs sur Paris qui représentent quelques 200 start-up : en ce sens Paris&Co est le plus gros incubateur en France et un des plus gros en Europe sur plusieurs thèmes (tourismes, sport, etc). Paris&Co est un incubateur late stage, son rôle est d’accélérer la mise en marché de projets qui sortent de Paris Télécoms, Numa, etc. En 2014, Paris&Co c’est 600 entreprises accompagnées qui totalisent 5300 personnes, 85 millions levés et 500 millions de CA.
Une connexion naturelle avec les grandes entreprises.
En phase d’amorçage, les entreprises innovantes sont en demande de connexions fortes avec les grandes entreprises, qui peuvent devenir soit des clients soit des partenaires.
Très vite, en rencontrant des directeurs d’innovation de grands comptes, Paris&Co s’est aperçu que ceux-ci entraient dans une démarche forte d’open innovation, et étaient eux aussi en recherche de contact avec des start-up.
C’est ainsi que l’agence a développé une vingtaine d’incubateurs outsourcés chez elle : Renault, Air Liquide, Amaury, etc. Les start-up sont intégrées dans un écosystème plus large pour bénéficier d’interconnections et incorporer la culture agile.
Le club « open innovation »
Paris&Co a de plus créé le club « open innovation qui comprend environ 70 grands comptes qui font du sourcing de start-up qui partagent des bonnes pratiques sur la relation grands groupes / start-up.
Face aux start-up, les groupes sont encore un peu « comme une poule devant une clé à molette », ils essaient donc de s’entraider sur la bonne façon de faire sachant que c’est tout sauf facile.
Par exemple, on observe que 4 fois sur 5, il n’y a pas de business qui se créée finalement, pas de transformation malgré les efforts des uns et des autres. Il existe bien une volonté partagée de faire des choses ensemble mais il faut aussi s’y mettre.
2 motivations principales pour grands groupes
La principale motivation pour un grand compte de travailler avec des entreprises innovantes est d’augmenter son pipe innovation mais aussi de retrouver de l’agilité ; rapatrier une partie de cette culture « start-up » tout en gardant sa capacité à industrialiser.
En effet, l’impact en termes de business est assez limité, il est de quelques dizaines de millions mais ce n’est pas disruptif dans les groupes comme SNCF, La Poste, FNAC, etc. pour qui l’échelle est plutôt en centaines de millions d’euros.
Faire entrer des « start-upers » au board des grandes entreprises ?
On peut se poser les questions dans tous les niveaux de la boite. Les RH expriment ce besoin de faire rentrer cette culture start-up, des gens avec la fibre entrepreneuriale mais tout le monde a conscience que ce serait difficile de gérer ces profils en interne.
Il faut essayer de faire bouger la culture d’entreprise pour que ces gens-là ne soit pas perdus ou rejetés, pour que la greffe prenne. L’enjeu est d’être capable d’attirer des talents entrepreneuriaux et de les garder.
Les comités exécutifs c’est un premier niveau pour activer cela. Les grands groupes ont dans leur ADN la capacité à industrialiser un processus. C’est ce que doivent devenir les start-up. En effet, start-up c’est juste un état, elle a vocation à devenir un grand groupe.
Trois mots pour que la capitalisation de savoir-faire fonctionne.
La confiance qui est primordiale dans le business en général. Il faut créer une relation de confiance avec les start-up avec du temps entre les collaborateurs pour arriver à cela.
La connaissance réciproque de l’autre, de son fonctionnement et du respect. Il faut rappeler à chacun pourquoi les grands groupes sont grands et lents : c’est parce qu’ils pèsent des milliards alors que les entreprises innovantes ce sont des poissons, ça pivote dans tous les sens, instables,… Donc, il faut dépasser les oppositions par l’entente, la connaissance et le respect.
NICOLAS FERRARY
Country Manager France – Airbnb
Airbnb est en permanence dans la co-création. L’offre elle-même est co-créée puisqu’on peut considérer selon Nicolas Ferrary, Country Manager France de l’entreprise que le million d’annonces sur le site sont celles d’un million de start-up en quelque sorte. Airbnb est là pour donner du sens et apporter une garantie avec une marque mais le cœur de l’expérience est fourni par les centaines de milliers d’hôtes dans le monde.
Pour Nicolas Ferrary, la démarche est innovante puisqu’elle consiste en la co-création avec les clients et les utilisateurs. La co-création est faite dans la manière de donner des outils. L’entreprise va d’ailleurs plus loin encore puisqu’en novembre, elle organise à paris le « Airbnb Open » au parc de la Villette où 6000 hôtes vont brainstormer autour de la notion d’hospitalité par Airbnb.
Une invention disruptive. A la question de savoir si Airbnb aurait pu être inventé par un groupe comme Accor par exemple, Nicolas Ferrary répond par la négative pour deux raisons principales.
- Une question d’univers-temps. Le temps de développement est extrêmement rapide dans une start-up. Airbnb a été créé en 2008, en 2012 les bureaux parisiens ont été ouverts alors qu’il n’y avait que 3000 annonces, aujourd’hui, il y en a plus de 100 000. La temporalité est très différente par rapport à un grand groupe donc. Les idées sont rapidement copiées et sans cette rapidité et agilité, on peut être dépassé.
- Un conservatisme logique. Dans l’univers du tourisme, il n’y a pas eu de transformation de la distribution mais pas du produit en soi. En effet, ces dernières années on a pu observer une digitalisation de la distribution pour autant l’offre en elle-même n’a pas changé : les gens continuent d’aller à Paris, en croisière ou autres. Les produits-destinations sont les mêmes mais distribués autrement. De plus, le marché était en croissance. Les acteurs leaders du secteur n’avaient donc pas de raison de disrupter leur propre modèle, il n’y avait pas d’intérêt à cannibaliser leur propre marché.
Rester dans son marché. Airbnb n’est pas dans la logique d’intégrer un nouveau marché avec son concept de mise en relation entre particuliers. Ce n’est pas la vocation de l’entreprise à aller sur d’autres activités. Il y a d’autres acteurs qui se développent et le font très bien comme Blablacar par exemple en France.
L’enjeu réglementaire. Airbnb a été souvent, comme Uber, au cœur de querelles sur des questions législatives, on l’a souvent accusé de passer au-dessus des lois. Selon son country manager, Airbnb ne cherche pas à passer au-dessus des lois. Le problème est plutôt que lorsqu’une activité nouvelle se développe, souvent, le cadre légalislatif n’existe pas. L’erreur fondamentale est alors de vouloir faire rentrer un nouveau modèle dans un cadre existant. Nicolas Ferrary souligne d’ailleurs que la France a réussi à éviter cet écueil. Avec la loi Alur ou Duflot, la France a proposé une loi équilibrée. Ainsi la location d’un logement principal est possible tandis que la location de logement secondaire interdite ou alors est possible dans le cadre d’un changement d’usage que les mairies peuvent encadrer. Ainsi, il faut bien réglementer mais d’abord comprendre l’activité pour le faire.
GAUTIER POUPEAU
Chargé de mission innovation à l’INA
Selon Gauthier Poupeau, l’INA a déjà engagé sa transformation digitale depuis un certain temps. Le premier objet de cette transformation était d’être sur le web et c’est chose réalisée : 60% des vidéos de l’INA sont désormais visionnées depuis l’étranger. Aujourd’hui le nouvel enjeu de la transformation digitale est de transformer l’entreprise.
L’INA a comme clients des producteurs et chaînes de télévision comme peut l’être France 5 par exemple avec des documentaires. C’est le métier traditionnel de l’INA, celui de vendeur d’images. Mais aujourd’hui, selon M. Poupeau, il faut passer à une seconde étape de transformation pour éviter « l’ubérisation » de l’institut. Il pointe trois éléments qui doivent aider à favoriser la création autour des contenus : le transmedia, les images et la data.
Valoriser le transmedia. Le premier axe, c’est le transmédia et penser la création d’images sur les différents écrans (télé, le web). En ce sens, l’INA a par exemple coproduit la série Anarchy sur France4. Une uchronie qui utilise les images de l’INA avec une narration adaptée sur le web et sur la TV. Très récemment, l’institut a aussi lancé un prix du transmedia qui lui permet de subventionner des projets (3 en l’occurrence, disponible à l’automne prochain). L’objectif est donc de valoriser les images détenues au travers de nouvelles initiatives.
Les contenus et images. Les images et contenus patrimoniaux ont déjà été beaucoup vus depuis des années. La question est donc maintenant de savoir si on peut les utiliser pour créer de nouvelles choses, de nouvelles œuvres. Cette réflexion sur la création pose la question des droits. L’INA possède une collection importante dont des contenus qui sont ou vont être libre de droits et que l’Institut va devoir libérer et mettre à disposition avec licence « Creative commons » (CC). L’INA doit donc conduire un travail de recherche et de référencement de ces contenus pour que des acteurs puissent créer autour de cela.
La data. C’est un enjeu de premier ordre puisque l’INA possède une immense quantité de métadonnées. Par exemple, tous les jours, l’INA documente et dépouille un journal TV de référence (sujets, nombre de citations, durée, etc.). Les données sont utilisées pour calculer la surface médiatique de personnalités et sujets et sont publiées chaque trimestre. Gautier Poupeau voit dans ces données brutes, un exemple de manne incroyable pour créer des usages et de la valeur autour.
En conclusion, Gautier Poupeau a expliqué que l’Institut est actuellement en réflexion autour d’un projet de co-création et de soutien aux start-up. L’idée serait de fédérer et partager les contenus et les datas avec des start-up pour créer un écosystème innovant autour de l’Institut. Cela pourrait prendre la forme d’un accélérateur.