La Norvège est le premier pays au monde à avoir éteint la bande FM. Le Parlement norvégien avait acté en 2011 la suppression de la diffusion de la radio en FM à l’échelle nationale en 2017. Ce vote entérinait un long processus marqué par un consensus entre les pouvoirs publics, la radio de service public, les principaux groupes privés pour basculer vers la radio numérique terrestre. L’extinction de l’analogique a ainsi pu se dérouler sans encombre. L’audience de la radio a baissé pour retrouver en 2019 le niveau de 2016 mais éparpillé sur de nombreuses stations. Le marché publicitaire de la radio est en baisse.
Mi-décembre 2017, la Norvège était le premier pays à avoir achevé son passage à la radio numérique terrestre et à éteindre la FM. La Suisse suivra en 2022 pour les radios publiques et 2023 pour les privées.
C’est la collaboration entre toutes les parties prenantes qui a permis le succès de la transition vers le DAB+ et l’extinction de la FM en Norvège. L’extinction qui s’est échelonnée par région, au cours de l’année 2017 a été soigneusement planifiée et s’est accompagnée d’un effort important d’information, région par région afin de préparer les auditeurs et les différentes industries concernées à la transition. Le ministère de la Culture a formalisé un plan de transition vers le DAB+, dont le pilotage a été confié aux acteurs eux-mêmes avec un objectif d’accompagnement du public et de l’ensemble de l’industrie
Un processus de transition efficace engageant tous les acteurs
Digitalradio Norge AS, société à responsabilité limitée créée en 2010 et qui regroupe les trois plus grands acteurs de l’industrie de la radio norvégienne, la NRK publique, P4 Radio et Bauer Media Norge a joué un rôle essentiel dans la transition. Une des initiatives la plus marquante reste la campagne Norgesturne (le tour de la Norvège) organisée à partir de l’automne 2016 pendant une année entière. Une caravane Radio.no, la marque grand public lancée par Digitalradio Norge, a sillonné tout le pays, partant à la rencontre des habitants, y compris dans les zones les plus reculées afin d’informer et de sensibiliser à la fois sur les avantages de la RNT et sur le calendrier de l’extinction de la FM.
L’Autorité nationale des communications (Nkom) et l’Autorité norvégienne des médias (Medietilsynet) ont été en charge du suivi et de la vérification du bon déroulement du plan de transition décidé par le Parlement et formalisé par le ministère de la Culture.
La transition a donc été organisée par les autorités et pilotée par les acteurs de la radio eux-mêmes. Ce sont par exemple les radiodiffuseurs qui ont décidé que la NRK devrait éteindre son signal FM en premier afin de protéger les opérateurs commerciaux d’une chute brutale de l’audience et donc de leurs revenus publicitaires.
D’un point de vue financier, plusieurs aides publiques ont été consenties pour les acteurs les plus vulnérables à commencer par les radios locales aux moyens économiques limités. Les autorités ont ainsi mis en place un programme spécial d’assistance à la numérisation de la radio locale, qui a permis d’aider plusieurs acteurs. En 2018, l’Autorité des médias a alloué environ 10 millions de couronnes norvégiennes NOK (1 M€) au titre de l’aide à l’investissement pour la numérisation de la radio locale.
La radio numérique est rentrée dans les mœurs
La totalité de la population norvégienne est aujourd’hui couverte par le réseau DAB+ de la NRK et presque 93 % par le réseau DAB+ des stations commerciales. Dès 2018, 98 % des autoroutes, soit 7 500 km étaient également couvertes.
Depuis la décision du Parlement en 2011 de mettre fin à la diffusion FM en 2017, les Norvégiens se sont équipés à un rythme moyen de 700 à 800 000 postes de radios DAB+ par an. Malgré cela, l’année du switch-off, « seulement » 72 % de la population était équipée d’un récepteur compatible. Mais la proportion est passée à 88 % en 2019.
Le taux de pénétration des radios DAB, et en particulier la proportion de voitures équipées DAB, a considérablement augmenté. Quasiment toutes les voitures neuves sont vendues avec DAB, et le parc équipé approchera 80 % d’ici fin 2021.
La période de transition et en particulier l’année suivant la fin de la diffusion FM (2018) a été néanmoins difficile pour le média Radio. Mais dès 2019, l’écoute globale est revenue à des niveaux similaires à ceux de 2016. 67 % des Norvégiens écoutent la radio quotidiennement (146 minutes / jour) et 88 % chaque semaine en 2019, des proportions similaires à celles constatées avant l’extinction de la FM. Aujourd’hui 86 % des auditeurs quotidiens utilisent le DAB.
Les effets économiques de l’extinction de la FM
Grâce à la radio numérique terrestre, le service radiophonique national est passé de 5 à 32 canaux (dont 15 canaux pour le service public NRK et 17 canaux commerciaux – 8 pour P4, 9 pour l’allemand Bauer Media Group). Le DAB+ a donc permis le lancement de 25 nouvelles stations en plus des cinq radios nationales historiques qui diffusaient en FM. La plupart des stations de radio locales diffusent en revanche toujours en FM. Les licences analogiques sont valables jusqu’en 2022.
Un des premiers effets de la transition, a été l’éparpillement de l’audience. Du fait de l’arrivée progressive des nouvelles stations DAB+, les audiences des réseaux historiques ont chuté.
Eparpillement des audiences
Dès janvier 2017, 34 % des auditeurs avaient écouté les nouvelles chaînes soit, chaque semaine, 2,7 millions de Norvégiens. Dès lors, les radios du service public, NRK, ont logiquement enregistré une baisse du nombre d’auditeurs avec, comme facteur aggravant, le fait que la loi imposait à la NRK d’éteindre ses émetteurs FM plus tôt que ses concurrents dans de nombreuses régions.
Malgré des prévisions initialement optimistes, l’extinction de la FM s’est finalement accompagnée d’un net ralentissement des investissements publicitaires pour le média radio. Après une année 2017 (année de l’extinction progressive) marquée par une stabilité du marché, l’atterrissage à fin 2018 est plus douloureux. Selon le Département des statistiques de la publicité et des médias (IRM), le marché de la publicité radio s’est replié de 8,7 % en 2018 (65,7 M€). Et, malgré une reprise des audiences et des usages, l’année 2019 est encore pire avec seulement 52 M€ de recettes. Cette contre-performance s’inscrit néanmoins dans un contexte plus large de recul du marché publicitaire pour l’ensemble des médias traditionnels.
Coûts de diffusion en baisse
Concernant les coûts de diffusion, des contrats de location d’une durée de 20 ans ont été conclus pour les deux réseaux DAB/DAB+, le réseau national de la NRK et le réseau commercial. Le coût annuel de la location s’élève à 150 millions de couronnes norvégiennes (MNOK) pour la NRK, soit 15,5 M€ par an. Le coût de location pour le réseau commercial est de 65 MNOK soit 6,75 M€ par an. Ce dernier est équivalent à l’ancien coût de location pour les réseaux FM. En revanche, les coûts de location de la NRK pour le réseau DAB sont un peu plus élevés que pour les anciens réseaux FM, mais la radio publique diffuse désormais 15 stations contre 3 auparavant.
Les rapports financiers annuels de la NRK permettent de comprendre les économies réalisées grâce au DAB+. Les coûts techniques de diffusion y sont en effet détaillés. En 2014, première année de simulcast FM/DAB+ pour la NRK, les coûts associés à la radio analogique sont de 121 MNOK (12,5 M€) et ceux de la diffusion numérique de 162,6 MNOK (16,8 M€), soit un total de 29,3 M€. En 2018, après l’extinction de la FM, les coûts de diffusion s’élèvent à 191,8 MNOK soit 19,9 M€. Le groupe économise donc presque dix millions d’euros annuellement en coûts de diffusion.