L'édito de Philippe Bailly

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CES 2015 : les géants des semi-conducteurs à la conquête de l’Internet des objets

L’édition 2015 du CES a fait la part belle aux objets connectés, devenus les véritables stars du salon, éclipsant même smartphones et tablettes. Un nombre colossal d’objets et de services liés à l’Internet des Objets (IoT) ont été présentés la semaine dernière à Las Vegas. Pourtant, un des évènements marquants de la semaine aura été le fait d’acteurs moins grand public. Les constructeurs de puces électroniques ont en effet dans leur majorité présentée leurs produits et solutions à destination de l’IoT, fruits de plusieurs années de recherche. Ces quelques acteurs ont un poids formidable sur le marché et ils fournissent en puces électroniques diverses, l’ensemble de la filière des objets connectés. Leurs stratégies et leurs choix sont capables de façonner et de transformer durablement l’écosystème de l’IoT.

Intel : offrir une plus grande liberté de création grâce à la miniaturisation des composants électroniques

Le leader mondial des semi-conducteurs investit lourdement dans le secteur de l’Internet des Objets et a présenté de nombreux produits au CES alors même que le groupe avait déjà présenté en décembre une plateforme de services très complète, l’Intel IoT Platform .  Au CES, Intel a poursuivi son offensive dans le domaine de l’IOT et en particuliers des wearables. Le groupe a ainsi dévoilé un nouveau processeur nommé Broadwell caractérisé par sa très petite taille et optimisé pour les objets connectés. La star de la conférence Intel a néanmoins été l’ordinateur Curie de la taille d’un bouton de manchette. Il s’agit du plus petit système sur puce jamais conçu par Intel qui comprend un processeur Quark, un dispositif Bluetooth, une batterie rechargeable et un hub capable de gérer plusieurs capteurs. Le Curie devrait être commercialisé dans la deuxième moitié de l’année 2015 et vise le marché des petits objets connectés.

Micro-Ordinateur Intel Curie tel que présenté au CES 2015
f

Brian Krzanich, PDG, a insisté sur le fait que le Curie par sa taille « changeait la donne du marché des wearables ». Selon lui, ce marché des objets connectés portés sur soi pourra désormais travailler sur l’élégance et l’intelligence sans sacrifier l’un au profit de l’autre. Pour Intel, cette miniaturisation permet de laisser plus de liberté pour la conception esthétique et fonctionnelle de l’objet.
Intel n’a donc pas l’intention de s’arrêter à la conception d’un portail pour l’Internet des objets mais souhaite également assurer sa présence dans les millions d’objets connectés en circulation. Cette stratégie est cependant risquée pour le géant californien dont le modèle économique historique repose sur des processeurs haut de gamme et des marges élevées. En s’insérant dans le domaine des puces pour objets, Intel va devoir s’adapter à un marché de faibles marges et donc produire de très importants volumes, ce qui nécessite un investissement lourd.

Qualcomm : concevoir une plateforme IoT centré sur le smartphone

Qualcomm est un des leaders mondiaux de la conception et la commercialisation de processeurs pour téléphones portables. Pour le CES 2015, le groupe américain a dévoilé une large gamme de technologies dans de nombreux domaines de l’Internet des Objets, dépassant ainsi de loin l’univers des seuls smartphones qui constituaient jusqu’à présent le cœur de son activité. Les annonces de Qualcomm au CES ont concernés des champs particulièrement variés : wearables, voitures connectées, maison connectée ou encore robotique.
Le groupe a également affirmé sa volonté de ne pas se cantonner à la seule conception de puces pour les objets mais au contraire a fait part de sa volonté d’élaborer des standards pour l’IoT et de fournir une plate-forme complète de services : des connexions les plus simples, au Big Data et traitements de données les plus complexes, en passant par les applications. Steve Mollenkopf, directeur général de Qualcomm, a déclaré que sa  société avait vocation à devenir un « facilitateur » de l’Internet des Objets plutôt qu’un simple vendeur.  Cette activité de facilitateur devrait s’exercer en particulier dans le domaine de l’IoT grand public où le groupe investi lourdement depuis plusieurs années dans l’e-santé, la voitures intelligente ou encore la sécurité. Le groupe a également des ambitions dans le domaine de l’Internet industriel mais il y est bien moins implanté que certains de ces concurrents comme Intel.
Une des priorités pour Qualcomm dans cette stratégie de facilitation est de favoriser l’interopérabilité qui demeure une des déficiences majeures du secteur. Dans ce but Qualcomm a conçu un système complexe de partenariats et d’alliances. Dans le domaine de la santé connectée, Qualcomm a par exemple annoncé avoir signé des accords avec plus de 500 partenaires, dans le but de fournir l’épine dorsale de la connectivité tout en contribuant à créer des API pour les plates-formes cloud qui géreront les objets et les données.

Néanmoins, Qualcomm continue d’accorder une place primordiale aux Smartphones, ses terminaux de prédilection et souhaite les voir jouer un rôle pivot dans le développement de l’Internet des Objets. Pour le groupe, les smartphones resteront indispensables pour la majorité des applications de l’IoT et font partie intégrante des projets de Qualcomm pour le secteur tant pour les wearables, la santé connecté que la voiture connectée.
Cette association du smartphone à l’IoT est un moyen pour le groupe américain de consolider son principal marché qui pourrait pâtir de l’arrivée d’objets autonomes. En outre, Derek Aberle, Président de Qualcomm, a insisté sur le fait que les smartphones, les wearables et une large part de l’IoT partagent de nombreuses problématiques et enjeux communs. Par conséquent, selon lui, Qualcomm dispose d’une sérieuse avance sur ces concurrents étant donné son expertise dans le domaine de la téléphonie mobile. Pour soutenir son argument Derek Aberle a affirmé que des processeurs et des modems Qualcomm étaient déjà présents dans 15 wearables commercialisés dans 30 pays.

Représentation de l’Internet des Objets par Qualcomm
qui place le smartphone au centre de l’écosystème
fSource : Qualcomm

A l’instar d’Intel, Qualcomm a donc pour objectif de créer une plateforme complète qui permette à l’écosystème de l’IoT de croître pour compléter son activité de conception de processeurs. Néanmoins, à la différence d’Intel, son approche est centrée sur les smartphones qui contrôleront l’ensemble des wearables et des capteurs embarqués.

Nvidia : favoriser l’autonomisation pour créer la voiture connectée de demain

Nvidia, le spécialiste des processeurs pour cartes graphiques, a tenu sa conférence à la veille de l’ouverture du CES, au cours de laquelle le groupe a démontré sa volonté de se diversifier toujours plus en direction de l’internet des objets. Le groupe a dévoilé une nouvelle puce la Tegra X1 destinée à la mobilité et qui remplace la Tegra K1 avec des capacités doublées en termes de bande passante mémoire et d’économie d’énergie. C’est évidemment dans le domaine de l’image que Nvidia espère faire la différence puisque sa nouvelle puce supporte désormais l’affichage 4K à 60 image par seconde
Contrairement à ses principaux concurrents, Nvidia n’a pas pour ambition de concevoir une plateforme globale dédié aux objets connectés, le groupe préfère se concentrer pour l’instant dans un seul secteur, celui de la voiture connectée.
En effet, Nvidia a présenté au cours de sa conférence deux modèles, basés sur la puce Tegra X1, d’ordinateurs embarqués dans les véhicules: le Drive PX et le Drive CX. Le Drive PX est capable de gérer jusqu’à 12 caméras embarquées permettant une vision à 360° pour améliorer l’automatisation du pilotage notamment le stationnement assistée. Le PX permet aussi de gérer jusqu’à 4 affichage en 4K simultanée. Le Drive CX a pour rôle de gérer l’électronique embarquée, notamment le système de navigation et les écrans, afin de permettre la création de systèmes de bord innovants. Nvidia a annoncé un partenariat avec Audi pour ce dernier modèle et annonce sa mise en production au prochain trimestre.
Nvidia veut s’affirmer comme un acteur majeur des véhicules intelligents et a déclaré s’appuyer sur des technologies d’apprentissage automatique qui permettent à ses systèmes d’interpréter des situations et de prendre des décisions grâce à la gestion des caméras.
Le groupe n’exclut pas de s’étendre après la voiture aux drones et à la robotique. Pour Jen-Hsun Huang, directeur général du groupe, « Nous prévoyons un futur de voitures autonomes, de robots et de drones qui seront capables de voir et d’apprendre, avec une intelligence apparente qui est difficile à imaginer aujourd’hui ».
Ce virage vers les objets connectés est primordial pour Nvidia car le groupe n’a pas réussi à s’insérer sur le marché de la mobilité face à la concurrence de géants comme Qualcomm. Alors que le marché des PC semble déclinant, et que celui des supercalculateurs est limité, Nvidia avait besoin d’un relais de croissance. Néanmoins, le groupe n’avait pas les moyens de créer un système global et transverse comme Qualcomm ou Intel, et s’est concentré sur l’automobile où son expertise dans le domaine de la gestion graphique était la plus valorisante. Pourtant, le défi s’annonce complexe alors que ses principaux concurrents sont également présents sur le marché de la voiture connectée.

AMD : un acteur en retrait d’un marché jugé peu profitable

AMD a adopté une position à contre-courant de ces concurrents puisqu’en marge du CES son directeur général John Byrne a déclaré que sa société ne prévoyait pas pour l’instant de se positionner sur le marché  de la production de puces pour le marché de l’Internet des Objets. Dans une interview accordée à Venture Beat la semaine dernière, John Byrne a déclaré que si le marché de l’Internet des Objets était important, les opportunités de bénéfices lui apparaissaient faibles et qu’AMD n’était « pas là pour perdre de l’argent ».Pour l’instant, AMD préfère se concentrer sur son marché historique des PC, qui bien qu’en apparence déclinant représente toujours 300 millions d’unités et 90 millions de cartes graphiques pour une valeur de 40 milliards de dollars. Sur ce marché AMD continue à réaliser des marges importantes qu’elle ne pourrait réaliser sur le marché de l’IOT. Cette déclaration est à contre-courant de la position d’AMD jusqu’alors qui prévoyait encore en juin 2014 de réaliser 10% de son chiffre d’affaire dans le domaine des objets connectés en 2015.
Pour autant John Byrne reconnaît le potentiel du marché de l’IoT mais selon lui il n’y a que deux stratégies possibles : la conception de puces électronique ou le développement de services de connectivité et de traitement de données. Il considère l’activité conception de puces pour les wearabales comme un marché à moins de 10 dollars pièce, ce qui est beaucoup trop faible étant donné les investissements colossaux nécessaires. Pour AMD, la conception de puces pour les wearables serait un moyen de développer des parts de marché et le chiffre d’affaire ce qui est évidemment positif mais qui s’effectuerait au détriment de la rentabilité qui constitue la priorité pour le groupe. Pour lui la seule opportunité pour AMD dans le domaine de l’IoT réside donc dans la conception de solutions de connectivité et de traitement des données. C’est cette stratégie qui sera poursuivi à moyen terme, bien que le groupe n’ait rien dévoilé dans ce domaine à l’occasion du CES.

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