L'édito de Philippe Bailly

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Les enjeux de la rentrée média sur les réseaux sociaux

Pour maintenir leur notoriété, leurs audiences et leurs revenus, les médias vont devoir cette saison encore investir le terrain du numérique. Si l’enjeu n’est plus exploratoire, il reste néanmoins périlleux : pour obtenir de la puissance en ligne, les médias doivent s’associer avec les géants du web, tout en inventant de nouvelles formes éditoriales.

Générer une audience vidéo en ligne significative

Jamais l’audience vidéo en ligne n’a eu une telle puissance : dans le domaine de la télévision de rattrapage, la consommation de programmes TV délinéarisée a progressé de 36% entre mai 2014 et mai 2015 (baromètre de la TV-R Gfk/NPA) ; sur YouTube le nombre d’heures de visionnage/mois augmente de 50% chaque année (source Google) ; sur Facebook le nombre de vidéos vues a été multiplié par 3 entre septembre 2014 et janvier 2015 (source SocialBakers).

Dans ce contexte favorable, les vidéos produites par les médias gagnent en valeur, mais la puissance de Google et de Facebook sur le secteur obligent de plus en plus ceux-ci à partager leurs revenus. L’objectif des médias est donc d’utiliser au mieux les réseaux sociaux pour profiter de leur trafic, tout en élaborant des stratégies de rebond pour rediriger les internautes vers les offres les mieux monétisées par les groupes (applis, offre TV-R des éditeurs, offres payantes VOD et S-VOD).

YouTube, longtemps ignoré des grands groupes audiovisuels français, est en train de s’imposer comme un réseau incontournable pour exposer les programmes. Après Arte, France Télévisions, M6 et Canal+, le groupe TF1 vient de lancer une quinzaine de chaînes autour de ses antennes (TF1, TMC, NT1, HD1), de ses marques fortes (info, téléréalité, magazine) et d’un contenu original (Le Chris Marques). Au lieu de proposer une seule chaîne comme par le passé, les groupes audiovisuels développent désormais des stratégies multichaînes (MCN) qui permettent de multiplier les points d’accès pour mieux référencer les programmes.

Les contenus originaux et humoristiques (Studio Bagel, Rose Carpet, Studio Bagel, Cover Garden) sont actuellement ceux ayant le plus de succès, générant de véritables revenus pour les éditeurs. Les autres chaînes éditent généralement les programmes sous forme d’extraits (incluant des publicités), faisant ressortir les moments forts des émissions, les bandes annonces et parfois l’intégralité des programmes (service public).

Les chaînes YouTube de la TV les plus regardées la semaine du 24 au 30 août 2015
f Source : NPA Conseil sur données Google

 A noter que si Dailymotion et Wat n’ont pas le succès de YouTube, les groupes qui en sont détenteurs (Vivendi pour le premier et TF1 pour le deuxième) cherchent aussi à renforcer l’attractivité de leurs plateformes. Pour valoriser Dailymotion, Canal+ proposera dès le mois de septembre Les Guignols de l’Info sur la plateforme dès la fin de leur diffusion de manière gratuite (la première diffusion TV sera réservée aux abonnés). TF1, de son côté, a diffusé cet été sur Wat la websérie originale Mortus Corporatus.

Sur Facebook, TF1 fait figure de pionnière en proposant depuis le 1er septembre un mini-JT baptisé « Focus », présentant en 1mn30 les 4 sujets d’actualité les plus discutés sur les réseaux sociaux. Pour donner de la puissance à cette opération, ce sont les présentateurs des JT traditionnels de TF1 qui sont chargés de cette nouvelle rubrique.

A l’image des développements sur les réseaux, les médias devraient renforcer tout au long de la saison la quantité de production de contenus webnatifs afin d’alimenter des plateformes et des marques de plus en plus nombreuses (Studio 4, Arte Creative, TF1 Xtra, Canal Factory…). L’enjeu sera autant de séduire que de faire face à la conccurence vidéo et OTT de plus en plus sérieuse des acteurs américains de Google à Netflix en passant par Facebook, Amazon, Apple, Vice, Amazon ou encore HBO, CBS ou Showtime.

Toutefois, si les médias ne peuvent éviter d’être présents sur les plateformes vidéo pour nourrir leur notoriété, et toucher des cible jeunes, très consommatrices de vidéos en ligne, les gains en terme de revenus restent encore faibles. En effet, si la vidéo est l’un des segments publicitaires les plus dynamiques, elle ne représente encore que 126 millions d’euros sur le 1er semestre 2015 (+38%). Et, outre les problématiques de partage de revenus, les questions de visibilité, de fraudes et de brand safety concernent également ce format, en plus du display classique. Les plateformes gérées par les éditeurs TV, et en particulier sur leurs offres de TVR sur IPTV, garantissent aux marques un environnement protégé, encadré

Rationaliser pour capitaliser sur les réseaux sociaux

Au fil des ans, les médias ont peu à peu construit des écosystèmes numériques de plus en plus complexes, articulant des centaines de marques réparties sur des sites, applis et réseaux sociaux. Pour donner de la cohérence à des offres construites de manière opportuniste tout en créant des modes de consommation durable des contenus, les groupes médias résonnent désormais en stratégie de plateformes incluant tout autant des déclinaisons des marques antennes (FTV Sport, Arte Cinema, MyTF1 News…) que des marques web originales (Arte Concert, CultureBox, Canal Factory, Golden Moustache).

Dans ce contexte, la saison 2015-2016 ne présente plus tant un enjeu de construction ou de compréhension, qu’un enjeu de rationalisation et de clarification de l’offre existante : il s’agit de créer de nouveaux contenus pour alimenter des canaux numériques sur lesquels l’audience digitale est de plus en plus importante et fidèle. Les producteurs de contenus qui souhaitent proposer des webprogrammes doivent aussi se plier aux exigences de la diffusion sur le web en répondant à un cahier des charges de plus en plus normé : formats courts, cibles jeunes, technologies innovantes, rebonds avec l’actualité, ton détendu, promotions décalées, images spectaculaires, accès personnalisables, déclinaisons multisupports, etc.

Les abonnements aux réseaux sociaux de la TV représentent désormais un canal de promotion important, puisqu’on dénombre plus de 29 millions d’abonnements aux comptes principaux des 25 chaînes de la TNT sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube (hors comptes programmes et comptes personnalités – source NPA Conseil).

fPour exploiter la nouvelle force numérique de la TV, les médias vont devoir miser cette saison sur des dispositifs exploitant l’existant, à l’image de ce que propose Europe 1 avec la « Social Room » créée en partenariat avec Twitter. Ce dispositif permet aux personnalités présentes dans les locaux d’Europe 1 de se rendre dans une salle connectée à Twitter et équipée de caméras pour répondre en direct aux questions des internautes depuis son propre compte. La radio et l’écosystème numérique d’Europe 1 se chargent ensuite de faire la promotion de ce dispositif.

Intégrer les nouveaux ressorts techniques & formats sur Facebook

Facebook, nouveau levier d’audience 

Google a souvent concentré l’intérêt des acteurs médias car son moteur de recherches comme sa puissante plateforme Google Actualités étaient un fort pourvoyeur de trafic. La donne change et pour la première fois en juin 2015, une étude a montré que Facebook était devenue la source n°1 de trafic pour 400 médias web – principalement anglo-saxons.
fMaîtriser les ressorts organiques 

Travailler la visibilité de ses contenus sur Facebook est donc au centre des enjeux des médias. On observe que le poids des liens d’actualité dans l’algorithme du NewsFeed restent très favorables aux éditeurs. Toutefois, la vidéo aujourd’hui prend plus de poids sur Facebook et peut représenter un nouveau ressort de performances.

La publicité bientôt nécessaire ?

Si la performance peut-être organique, il ne faut pas exclure de doper sa visibilité par la publicité. Buzzfeed, roi des articles viraux sur les réseaux sociaux est un bon exemple. Des documents internes à la société ont récemment révélé que l’éditeur était aussi champion des investissements sur Facebook. En 2013, il avait investi 9,9M de dollars en publicité contre un budget « éditorial » de 11,7 millions de dollars. La promotion des contenus est presque aussi importante que leur production.

Le Monde utilise aussi la publicité pour doper son audience sur Facebook
fSource : Facebook.com

De plus, certains portails de contenus ont mis en place des stratégies de monétisation de leurs audiences reposant sur le native advertising, c’est-à-dire de la publicité insérée directement et de façon naturelle dans un contenu. Ainsi, 90% des revenus de Minutebuzz, Topito et Buzzfeed sont issus des contenus sponsorisés par des marques.

Conquérir les nouveaux réseaux et les nouveaux supports connectés

Facebook et Twitter sont fortement investis par les médias. En revanche, Instagram et Snapchat sont beaucoup moins investis alors qu’il s’agit de 2 réseaux-clés montants. Signe de l’attractivité que connait Instagram, le nombre d’abonnés aux comptes de la TV française a progressé de +32% entre le 30 juin et le 30 août 2015, contre +9% pour les comptes Twitter et +3% pour les pages Facebook (source NPA Conseil).

Le nombre d’utilisateurs d’Instagram dans le monde (300 millions en décembre 2014) talonne désormais celui de Twitter (316 millions en juillet 2015) et il est donc désormais dans l’intérêt des services web et communication des médias d’y entreprendre des opérations.

L’accélération des ventes d’objets connectés devra également attirer l’attention des médias, puisqu’il s’agit de nouveaux débouchés pour proposer synergies entre objets, données et contenus.

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