L'édito de Philippe Bailly

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Ovum estime que le modèle économique de Netflix n’est pas tenable à long terme

Ovum, division études du groupe britannique Informa a publié le 22 novembre un rapport très négatif sur l’avenir du modèle économique de Netflix. L’analyse n’est pas nouvelle et repose sur un constat simple : l’inflation des sommes dépensées par Netflix pour acquérir et produire des contenus menace la rentabilité de son activité. Mais surtout, au-delà de ce constat connu de longue date, Ovum pointe une dynamique extrêmement inquiétante.

Netflix a en effet décidé d’augmenter son enveloppe dédiée aux contenus d’un milliard de dollars supplémentaire cette année. Les dépenses annuelles en contenus sont ainsi estimées à 6 milliards $ US en 2016. Dans le même temps, Ovum reconnaît la croissance de la base d’abonnés à l’international même s’il l’a juge décevante par rapport aux ambitions initiales. Mais surtout, Ovum constate que si l’on descend à une échelle par abonné, le chiffre d’ affaires par utilisateur a certes augmenté mais pas la rentabilité qui ne cesse de diminuer au fil des ans, au point d’être aujourd’hui à peine tenable. Ainsi, en 2011, Netflix a généré 0,81 $ de bénéfice net mensuel par client et 0,67 $ en flux de trésorerie disponible. Mais au cours des neuf premiers mois de 2016, le bénéfice net mensuel par client s’est effondré à 0,16 $, tandis que le cash flow libre est lui négatif puisqu’il est tombé à -1,33 $.

Dans ces conditions, les dépenses semblent hors de contrôle et Netflix brûlent énormément de cash, sacrifiant sa rentabilité et augmentant sa dette. Plus de 1 milliard $ de trésorerie ont été consommés depuis janvier 2016. Netflix est donc obligé d’emprunter pour financer ses activités, avec une dernière injection de dette de 1 milliard $ en octobre 2016 (pour une dette financière de long terme globale de +3Mrd$).

Ovum enfonce le clou en estimant que Netflix n’est pas totalement honnête avec le marché puisqu’il utilise des hypothèses comptables qui masquent en partie la détérioration de l’économie de l’entreprise et de sa rentabilité en sous-estimant le poids de ses dépenses de programmation à court terme pour les repousser dans l’avenir. Le fait d’étirer les périodes d’amortissement jusqu’à 5 ans pour les actifs disponibles en streaming n’est pas justifé selon Ovum qui rappelle que pour les droits DVD les périodes sont limitées à un an pour les nouveautés et trois ans pour les catalogues. De la même manière, Ovum conteste le choix de Netflix d’une base linéaire pour l’amortissement, ce qui implique que les dépenses soient uniformément réparties sur la période de cinq ans. Ovum estime au contraire que les dépenses sont plus élevées dans les premières années en raison d’une popularité plus importante des programmes dans les premiers mois qui suivent leur mise en ligne.

Les techniques comptables de Netflix expliqueraient donc le soutien massif des investisseurs, comme en témoigne son cours de bourse, qui représente 325 fois les bénéfices annuels de l’entreprise alors que la moyenne de l’industrie est de 25 fois seulement.

Ovum laisse peu de portes ouvertes pour l’avenir de Netflix à long terme. Les trois leviers qu’il pourrait utiliser, l’augmentation des prix, la réduction des dépenses en contenus, le développement de la vente de licences sur ses contenus originaux, auraient tous comme effet annexe de ralentir la croissance du nombre d’abonnés alors que le rythme de recrutement est l’unique indicateur retenu par les marchés pour justifier la valorisation de l’entreprise. L’analyse globale est donc très sévère.

Il est possible de la compléter par deux élements. D’abord, que beaucoup d’entreprises d’Internet, à commencer par Amazon ont choisi de sacrifier la rentabilité pour la croissance et s’en félicitent aujourd’hui. Ensuite, que si le modèle économique est en effet compliqué pour devenir rentable à long terme tout en restant autonome, le choix stratégique de la croissance d’abonnés au détriement de la dette peut être pertinent dans l’optique d’un rapprochement ou d’une vente à l’un des géants du divertissement ou du numérique, Disney, Apple, Google…

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