Canal+ indique dans un courrier à ses abonnés que « les autorités fiscales (l’ont nt informé) que le taux de TVA applicable à certaines de nos offres était désormais […] de 20 % et non plus […] de 10 %, (et que) cette augmentation (le contraignait) à augmenter le tarif de votre abonnement », selon le journal Les Echos. Outre Canal+, le passage à la TVA à 20 % devrait concerner Cine+, OCS, mais aussi, potentiellement, l’ensemble du secteur de la TV payante. Dégradation de leur marge commerciale et/ou répercussion sur les tarifs d’abonnement apparaissent comme les deux réponses envisageables de la part des éditeurs. La production pourrait également subir les conséquences de cette modification du dispositif fiscal, puisque la contribution des chaînes est calculée sur le chiffre d’affaires hors taxe.
L’ESSENTIEL – Une partie des abonnés à Canal+ a reçu une lettre du groupe, l’informant d’une augmentation du prix de leur abonnement, du au passage du taux de TVA à 20 %, contre 10 % aujourd’hui. – La décision de l’administration fait suite à un amendement adopté dans le cadre du PLF 2021, et à la conclusion des services fiscaux selon laquelle les usages à la demande hors replay l’emportent sur la consommation à J+7 (l’audience en linéaire ne semble pas prise en compte). – Consommateurs (via l’effet prix), producteurs (au travers de l’impact sur le chiffre d’affaires HT soumis à contribution), mais aussi l’ensemble de la TV payante pourraient subir l’impact de cette décision. – Canal+ et OCS peuvent demander un deuxième examen, devant une instance collégiale. La décision de cette dernière sera rendue sous trois mois. |
Géométrie variable pour la protection du pouvoir d’achat. C’est au nom de cette dernière que le gouvernement a annoncé la prolongation du « bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie » et qu’il s’apprête à supprimer la redevance audiovisuelle. Mais la préoccupation ne semble pas s’étendre aux abonnements à des services audiovisuels, Canal+, Cine+ et OCS notamment, dont le taux de TVA s’apprête à doubler, pour passer de 10 % à 20 %. Certes, cette évolution était prévisible depuis un amendement adopté lors de la discussion de la loi de Finances pour 2021.
Au-delà des éditeurs eux-mêmes, ménages et producteurs ont toutes les chances d’en être les victimes collatérales : les premiers à travers la répercussion au moins partielle de cette hausse sur les prix des abonnements ; les seconds via la réduction de l’assiette de la contribution à la création, si la chaîne supporte une partie du surcoût, et voit donc sa marge et son chiffre d’affaires HT amputés.
Une mesure qui prend sa source dans le PLF 2021
C’est dans un amendement déposé par le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin au cours de la discussion du PLF 2021 que la décision de l’administration trouve sa source. Il prévoit que les éléments accessoires d’une offre composite doivent se voir appliquer le même régime de TVA que sa composante principale, dès lors évidemment que les taux applicables à chaque composante diffèrent.
Tel est le cas pour les services audiovisuels : 10 % pour les chaînes de télévision ; 20 % pour la SVoD. Depuis bientôt 18 mois, éditeurs et services du ministères des Finances ferraillent donc pour savoir si la valeur principale d’un abonnement à Canal+, à Cine+ ou à OCS, notamment, réside dans le signal linéaire des chaînes auxquelles il donne accès ou à la plateforme de consommation à la demande qui y est attachée.
Analyses des études d’usage, argumentation marketing déployée par les éditeurs, démonstrations et contre démonstrations se sont succédées, jusqu’à un rescrit (courrier) de l’administration – envoyé entre les deux tours de l’élection présidentielle d’après les informations de NPA Conseil – concluant à l’importance de la part des visionnages réalisée hors fenêtre de replay à J+7 (saisons précédentes d’une série remises en ligne avant l’arrivée d’une nouvelle saison, fond de catalogue mis à disposition en permanence…) et confirmant la « plateformisation » de la TV payante payantes. Lee taux de 20 % doit donc l’emporter.
Canal+ (s’agissant en particulier des forfaits intégrant l’accès à Netflix et Disney+) et OCS (pour tenir compte, notamment, de la partie de SVoD pure qui s’est ajoutée au replay des programmes diffusés sur ses chaînes après le renouvellement de son accord avec HBO en 2017) l’ont déjà partiellement intégré à leur tarification.
Il n’empêche. En cas d’application à l’ensemble de leurs recettes, les éditeurs devraient sans doute répercuter une partie du surcoût dans leur tarif – le courrier de Canal+ à ses abonnés va dans ce sens – avec le risque que certains se désabonnent, dans une période de remontée de l’inflation et d’inquiétude sur l’évolution de la situation économique particulièrement.
Possibilité ouverte à Canal+ de dénoncer son accord cinéma
Dans tous les cas de figure, les éditeurs risquent donc de subir une baisse de leurs recettes nettes… Celle-ci se répercutera à due proportion sur le montant de leur contribution à la production audiovisuelle (calculée sur le chiffre d’affaires HT)… et l’enveloppe forfaitaire prévue par l’accord de décembre 2021 ne protège pas les producteurs cinéma de conséquences similaires : l’article 22 prévoit que celui-ci pourra être « résilié de plein droit (par le groupe Canal+) après concertation de 30 jours entre les Parties (en cas de) modification(s) des dispositions législative(s) ou réglementaire(s) de toute nature ayant pour effet d’alourdir les charges et/ ou les coûts supportés par CANAL+ et/ou CINE+ ou par la télévision payante ou encore leurs conditions de commercialisation auprès des abonnés (en ce comprise notamment une modification du régime de TVA applicable à la télévision payante) ».
Un risque pour l’ensemble du secteur de la Pay TV ?
Et l’argumentation développée par les services fiscaux donne à craindre que l’effet de souffle s’étende à l’ensemble du secteur de la TV payante, puisqu’elle semble prendre pour quantité négligeable l’audience en linéaire pour se concentrer sur les seuls visionnages à la demande (et parmi eux ceux réalisés au-delà du J+7 après diffusion). C’est donc l’ensemble du secteur de la TV payante – ou presque – qui pourrait se voir appliquer la TVA à 20 %.
Deux mois pour contester la décision de l’administration
Dans l’immédiat, Canal+, Cine+ et/ou Orange peuvent contester la vision de l’administration (en faisant a minima observer que la fenêtre de replay en matière de TV payante est de 30 jours, et pas de 7) et lui demander un deuxième examen de sa décision. Ils disposent pour cela de deux mois à compter de la réception du courrier. L’échéance est donc très proche.
Dans le cadre d’une telle procédure dite de second examen (décrite à l’article L.80 CB du Livre des procédures fiscales), l’administration dispose d’un délai de réponse de trois mois. Le réexamen est confié à une instance collégiale, par laquelle le demandeur peut demander à être entendu.
Resterait en cas de confirmation de la première décision, la voie du recours contentieux devant le juge de l’impôt (le tribunal administratif).