Le rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) sur l’évaluation de l’impact environnemental du numérique en France de janvier 2022 indique que les terminaux (téléviseurs, ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.) sont à l’origine de 64% à 92% de l’empreinte environnementale du numérique en France, ce qui en fait le plus grand polluant du secteur. En cause, notamment, les changements fréquents d’appareils, en raison d’une utilisation trop intensive et/ou de phénomène d’obsolescence programmée. Les équipements sont suivis par les centres de données (data center) et autres équipements des systèmes d’information qui représentent 4 à 20% de l’empreinte environnementale, et finalement par les réseaux (de 4 à 13%). Ces constats ont poussé gouvernement et Union européenne à adopter de nombreuses législations au cours des dernières années, afin de faire baisser l’empreinte numérique des équipements numériques et des télécoms.
Les équipements numériques sont à l’origine de la majorité de l’empreinte numérique, ce qui justifie que ceux-ci soient le domaine le plus encadré par la législation nationale et européenne. S’agissant de l’empreinte générée par les transferts de données – de streaming en particulier – la loi se limite à ce stade à un pouvoir de recommandation de la part des régulateurs.
L’empreinte carbone des équipements
Le rapport de l’Ademe et de l’Arcep confirme, après étude des différentes phases du cycle de vie des appareils (fabrication, distribution, utilisation et fin de vie), que la fabrication des équipements est « la principale source » d’impact pour l’environnement, en raison « de la quantité importante de ressources et d’énergie pour extraire les matériaux nécessaires ». C’est pourquoi le reconditionnement figure comme l’une des pistes principales en vue de réduire l’empreinte écologique du numérique.
« En moyenne, faire l’acquisition d’un téléphone mobile reconditionné permet une réduction d’impact environnemental annuel de 55 % à 91 % (selon les catégories d’impacts) par rapport à l’utilisation d’un smartphone neuf ». Néanmoins, la favorisation de l’usage des téléphones reconditionnés s’est toutefois accompagnée d’un assujettissement des smartphones reconditionnés à la redevance copie privée dans le cadre de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (REEN), ce qui peut apparaître comme contre-productif par rapport à la volonté d’encourager l’achat d’appareils reconditionnés, et contradictoire par rapport aux objectifs poursuivis. (Voir Insight : Sénat : Réduire l’empreinte environnementale du numérique, vers l’adoption conforme d’un texte novateur, malgré un recul de l’ambition à l’Assemblée nationale).
Dès 2003, l’Union européenne s’était intéressée à l’empreinte écologique des équipements en adoptant la directive 2002/96/CE Déchets d’équipements électroniques et électriques (DEEE) du 27 janvier 2003 demandant aux Etats membres de s’assurer que les producteurs « fournissent les informations relatives aux traitements et recyclage de chaque produit qu’ils mettent sur le marché. » La directive DEEE responsabilise les producteurs et importateurs d’équipements électriques et électroniques en les nommant principaux responsables de « la collecte, du traitement des déchets résultants de ces produits et des financements qui s’y rattache. »
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit depuis 2021 que certains équipements électriques et électroniques doivent comporter un indice de réparabilité (une note sur 10). Un indice de durabilité (fiabilité, robustesse du produit…) sera également mis en place en 2024. Cette disposition a été mise en place par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. L’information sur la disponibilité ou la non-disponibilité des pièces détachées permettant de réparer des équipements électriques et électroniques (téléphones mobiles, télévision …) et des meubles est également devenue obligatoire en 2021. Le réparateur doit pouvoir proposer des pièces de rechange d’occasion.
Dans le secteur informatique, depuis 2021, les acheteurs d’ordinateurs ou de téléphones mobiles doivent être informés de la durée pendant laquelle leurs appareils supportent les mises à jour logicielles successives. Ces mises à jour pouvant ralentir ou rendre obsolètes les appareils après une certaine durée.
La loi REEN établit également une récupération du « stock dormant » des matériels inutilisés (recyclage, réemploi et réparation) pour certains biens numériques et la mise en place d’opérations de collecte nationale d’équipements numériques.
L’empreinte carbone des télécoms
La loi Grenelle II, entrée en vigueur le 13 juillet 2010, a donné à l’Arcep la mission de veiller « à un niveau élevé de protection de l’environnement » et lui donne la possibilité de publier des rapports sur l’engagement écologique des télécoms. Elle impose également aux opérateurs une obligation d’affichage de l’utilisation de leurs émissions de gaz à effets de serre sur les factures des clients et de reconditionnement des box internet.
Si les opérateurs représentent 4 à 13% de l’empreinte environnementale, c’est notamment selon eux à cause des volumes de données que nécessite le streaming de programmes. Les opérateurs y voient une motivation supplémentaire à l’instauration d’une taxe sur les acteurs du numérique, dans le cadre du fair share (Voir Insight : Télécom : le « fair share » bientôt sur la table de la Commission européenne).
La loi résilience et climat donne compétence à l’Arcom pour adopter des recommandations obligeant les plateformes de streaming à être transparentes sur ces volumes de données transférés. Netflix, Disney+, Amazon Prime Video, et consorts devront ainsi, après recommandations de l’Arcom, être plus transparents sur la « consommation d’énergie et d’équivalents d’émissions de gaz à effet de serre de la consommation de données liée » au visionnage des contenus sur leurs plateformes. L’Arcom a lancé une consultation publique sur la question le 1er décembre 2022.
La loi REEN prévoit plus largement la création d’un référentiel général d’écoconception des services numériques, fixant des critères de conception durable des sites web à horizon 2024. Par ailleurs, une recommandation doit être publiée l’Arcom, sur l’information des consommateurs sur l’empreinte environnementale de la vidéo en ligne. Cette recommandation n’a toutefois pas encore été adoptée.