Bouleversements en vue dans le paysage audiovisuel européen. A la fin 2023, RTL Group pourrait avoir perdu son titre de premier groupe audiovisuel continental, et Banijay celui de premier producteur indépendant mondial.
S’agissant de la filiale de Bertelsmann, l’alerte est venue le 31 août de Bruxelles. La Commission européenne indiquait alors avoir reçu de Media For Europe (famille Berlusconi) une « notification préalable de concentration » en vue de la « prise de contrôle exclusif » de ProSiebenSat1. L’opération prolongerait quatre années de montée progressive du groupe italien dans le capital du n°2 allemand, jusqu’à en détenir près de 30 % et en être devenu le principal actionnaire. Le feu vert de la Commission pourrait être rapidement acquis, puisque celle-ci évoquait fin août un examen par la procédure simplifiée. La consultation publique qu’elle a alors ouverte s’est achevée le 10 septembre, et la confirmation pourrait donc intervenir avant la fin octobre, laissant à MFE le champ libre pour conforter son emprise sur le nouvel attelage. Sur la base des résultats pour 2022, l’ensemble MFE / ProSiebenSat1 pèserait plus de 7 Mds€ de chiffre d’affaires – et un résultat opérationnel supérieur à 1,3 Md€ – et dépasserait d’une courte tête RTL Group. Avec ProSiebenSat1, Media For Europe (MFE) veut détrôner RTL Group comme premier groupe audiovisuel européen).
C’est aussi courant octobre que Warner Bros. Discovery et Liberty Media devraient recevoir les offres des candidats au rachat de leur filiale commune All3 Media. Banijay, qui figure d’après la presse économique parmi la dizaine de groupes intéressés, pourrait au bénéfice de l’opération conforter sa position de premier producteur indépendant mondial : ajouter les 1,2 Md€ de chiffre d’affaires de All3 Media aux 3,2 Mds€ qu’il a générés en 2022 lui permettrait de creuser l’écart avec ses suivants Fremantle et ITV Studios (entre 2,3 et 2,4 Mds€ pour l’un comme pour l’autre l’an dernier). Mais inversement, un deal Fremantle / All3 Media formerait un ensemble pesant plus de 3,5 Mds€, qui devancerait le groupe de Stéphane Courbit.
Qu’il s’agisse de MFE/ProSiebenSat1 ou d’All3 Media et de ses multiples prétendants, avocats et banquiers d’affaires risquent donc d’avoir un automne studieux.
Mais au-delà.
Pour Media For Europe, absorber ProSiebenSat1. ne jouera guère sur le terrain publicitaire, puisque leurs chaînes et services opèrent sur des marchés différents – Espagne et Italie pour le premier ; zone DACH pour le second – et que les termes de négociations avec les marques et leurs agences – principalement conduites sur des bases nationales – n’en seront donc pas modifiés.
Il n’en va pas de même s’agissant des contenus. Négocier pour un périmètre intégrant trois des principaux marchés européens jouera évidemment pour l’achat de droits, le montage de certaines productions, ou l’accès aux formats de flux les plus prometteurs.
Et c’est sur ce dernier point que le rachat d’All3 Media pourrait valoir, symétriquement, pour celui des groupes de productions qui en fera l’acquisition.
Avec le risque pour les acteurs qui ne seront pas partie à cette double consolidation de voir leurs positions fragilisées.