L'édito de Philippe Bailly

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Dispositif SIG : Bouygues Telecom, Canal+, Free, Orange et SFR seront les premiers assujettis

L’Arcom a publié ce jeudi 26 septembre les deux délibérations destinées à garantir une « visibilité appropriée (aux) services d’intérêt général » dans les interfaces des smart TV, des « passerelles multimédia » (clés HDMI ou box OTT), consoles de jeux, distributeurs de services audiovisuels et, s’agissant des radios et services d’audio digital, enceintes connectées.

Le périmètre retenu pour les SIG – chaînes de la TNT nationales en clair et leurs plateformes à la demande accessibles gratuitement – n’a pas varié par rapport aux projets rendus publics en février, et l’objectif reste qu’une application rassemblant l’ensemble de ces SIG soit proposée en premier niveau de visibilité dans les interfaces des industriels ou distributeurs assujettis (lire sur la plateforme Insight NPA SIG : dès 2025, la TNT fera application commune dans les smart TV et autres équipements OTT).

En revanche, les échanges intervenus avec les services de la Commission européenne, après que les projets de l’Arcom leur ont été notifiés, a conduit à une évolution significative : seuls les industriels ou distributeurs juridiquement établis en France ou dans un Etat extérieur à l’Union européenne seront immédiatement soumis aux prescriptions de l’Autorité. Le cas de ceux qui sont installés dans un autre Etat-membre fera l’objet d’une procédure au cas par cas, supposant l’information préalable de l’Etat d’établissement et de la Commission avant toute décision du régulateur.

Le cas des SIG représente une nouvelle illustration des contraintes qui découlent du principe du pays d’origine pour la mise en place de cadres juridiques nationaux touchant à l’audiovisuel et au digital. Celui-ci, sur lequel se fondait l’arrêt de la CJUE de novembre 2023 Google Ireland vs Komm Austria, a récemment contraint la France à écarter les acteurs établis dans d’autres Etats-membres des champs d’application de la loi SREN et de la loi sur les influenceurs (lire par ailleurs dans l’Insight NPA du 26 septembre La régulation au défi de la jurisprudence Komm Austria et du principe du pays d’origine).

Rappelant que « les téléspectateurs regardent aujourd’hui très majoritairement les contenus audiovisuels sur des téléviseurs et des écrans connectés (dont) les interfaces sont gérées par des acteurs variés », l’Arcom constate que « les téléspectateurs rencontrent une difficulté croissante à accéder de façon simple et rapide aux services et aux programmes audiovisuels qui leur sont familiers ». Les deux délibérations qu’elle a adoptées visent à répondre « aux enjeux de pluralisme et de diversité culturelle » qui en découle en organisant une « visibilité appropriée des services d’intérêt général (SIG) » définis par la Directive SMA, par l’article 20-7 de la loi de septembre 1986, et du décret du 7 décembre 2022.

L’ensemble des chaînes de la TNT nationale en claire, et leurs plateformes, confirmées comme « SIG »

S’agissant du périmètre de ces SIG, l’Autorité rappelle que les chaînes de la TNT nationale en clair « sont autorisées (…) en tenant compte des engagements particuliers souscrits par les candidats — notamment en matière de pluralisme, de programmation et de contribution à la diffusion et au financement des œuvres audiovisuelles et cinématographiques », et que « leur diffusion satisfait à l’objectif d’une offre facilement accessible à l’ensemble de la population », puisqu’elles sont soumises « à des obligations de diffusion et de distribution qui portent sur 100 % de la population ».

L’Arcom confirme donc que l’ensemble des chaînes de la TNT nationale en clair, ainsi que TV5 Monde compte tenu de ses missions de service public, doivent être considérés comme des SIG.

Prenant acte de « l’évolution des usages et de la place croissante occupée par les contenus délinéarisés », l’Arcom juge que ce périmètre doit être étendu aux « services non linéaires mis gratuitement à disposition des utilisateurs et qui sont intrinsèquement liés aux services de télévision d’intérêt général ».

L’application SIG devra être positionnée sur l’écran d’accueil

Afin de « faciliter l’expérience de l’utilisateur afin qu’il puisse accéder aux services d’intérêt général et à leurs contenus de façon intuitive et rapide, de garantir une exposition satisfaisante (…) des éditeurs de SIG sur les interfaces utilisateurs (et d’) assurer des modalités de mise en œuvre simples et proportionnées », l’Autorité confirme l’orientation définie au mois de février : la création d’une « application, mise en place conjointement par les éditeurs, qui donne accès à l’ensemble des SIG », linéaires et à la demande, et dont le point d’accès devra être « positionnée sur l’écran d’accueil de l’interface, dans des conditions équivalentes à celles permettant d’accéder aux services les mieux positionnés ».

L’Autorité précise que « la page d’accueil de l’application comprend au moins deux sections », l’une permettant l’accès aux signaux linéaires des chaînes, et appliquant « la numérotation logique de la TNT » et l’autre regroupant leurs plateformes à la demande.

En février, le régulateur avait fixé comme horizon le premier trimestre 2025 pour le lancement effectif de l’application.

24 environnements assujettis (Smart TV, passerelles multimédias, consoles, enceintes connectées, distributeurs)

S’agissant enfin des industriels ou des distributeurs assujettis au dispositif SIG, l’Arcom en a publié ce 26 septembre une liste actualisée, tenant compte des seuils fixés par le décret de décembre 2022[1] : cinq fabricants de smart TV, trois d’enceintes connectées, quatre de passerelles multimédias, trois de consoles de jeux, et neuf distributeurs (voir plus bas). Les magasins d’application, qui figuraient dans la version précédente de la liste, en ont été retirées à la demande de la Commission, et tenant compte de ce que leur activité est déjà encadrée par le DSA.

Reste la capacité à leur faire appliquer le dispositif défini par le régulateur.

Celui-ci distingue, dans les délibérations qu’il a publiées, le cas des « opérateurs établis sur le territoire français » (les quatre FAI et Canal+, principalement) « ou en dehors de I ‘Union européenne », pour lesquels les textes sont d’application directe et immédiate, et celui des acteurs « établis dans un autre Etat membre de l’Union ».

Dans leur cas, « l’Autorité [pourra] se rapprocher de l’Etat membre dans lequel est établi l’opérateur concerné » si son interface ne remplit pas les « exigences de défense du pluralisme et de promotion de la diversité culturelle » définies par le régulateur, et ne garantit donc pas aux SIG la visibilité appropriée. Après cette première étape, « l’Autorité informe le cas échéant [cet Etat membre] et la Commission européenne des mesures, à titre individuel, qu’elle entend mettre en œuvre à l’égard de l’opérateur d’interface concerné ».

Un traitement spécifique pour les acteurs établis dans un autre Etat membre

La différence est purement procédurale, insiste l’Autorité, et n’affecte pas sa capacité à imposer finalement à l’ensemble des acteurs le respect de son dispositif SIG.

Il n’empêche. Si l’on considère la diversité des pays d’établissement des sièges européens des acteurs concernés (Irlande pour Apple, Google, Luxembourg pour Amazon, Allemagne pour Xiaomi et LG, Pays-Bas pour Philips, Slovénie pour Hisense, Royaume-Uni pour Samsung et Sony, France pour Microsoft et TCL Electronics), l’Arcom pourrait d’abord tabler sur une démarche de conviction, et espérer que l’application SIG s’impose comme un « must have » que tous adopteront volontairement, plutôt que de chercher à en obtenir l’intégration par la contrainte.

Liste actualisée des interfaces assujetties au dispositif SIG.


Téléviseurs (et leurs télécommandes)

  • SAMSUNG équipés de TIZEN
  • LG équipés de LG Web OS
  • TCL équipés d’Android TV ou de Google TV
  • SONY équipés d’Android TV ou de Google TV (retiré fin mars 2024)
  • HISENSE équipés de HISENSE VIDAA U
  • PHILIPS équipés d’Android TV ou de Google TV

Enceintes connectées

  • Google (Google Assistant)
  • Amazon (Alexa)
  • Apple (SIRI)

Passerelles multimédias

  • Passerelle Chromecast Google TV 4K (logiciels CHROME OS et Android)
  • Passerelle AMAZON Fire TV Stick (logiciel ANDROID)
  • Passerelles XIAOMI avec TV Stick et MI TV Box (logiciel ANDROID)
  • Passerelle APPLE TV+

Télécommandes non fournies avec un téléviseur

  • Télécommande universelle ONE FOR ALL (retiré fin mars 2024)
  • Télécommande universelle MELICONI (retiré fin mars 2024)

Consoles de jeux

  • NINTENDO (Switch)
  • SONY (PS5)
  • MICROSOFT (Xbox Series, Xbox One)

Distributeurs de services

  • Amazon Prime
  • Molotov (retiré fin mars 2024)
  • Canal+ / myCanal
  • Google TV (au 26 septembre)
  • Orange
  • Free
  • Bouygues Telecom
  • SFR
  • Deezer
  • Apple Music

Magasins d’applications

  • Google Play (retiré en septembre 2024)
  • Samsung Galaxy Apps (retiré en septembre 2024)
  • Apple Store (retiré en septembre 2024)

[1] 150 000 interfaces utilisateurs commercialisées, mises à disposition dans le cadre d’un contrat d’abonnement ou louées lors de la dernière année civile sur le territoire français, pour les téléviseurs, les passerelles multimédia et les enceintes connectées ; 3 millions de visiteurs uniques par mois pour chaque interface de distributeur ou de magasin d’application.