L'édito de Philippe Bailly

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Un souffle printanier sur la publicité digitale

Au fil des années, les professionnels de la publicité ont appris à accommoder la plaisanterie des fans de sport, selon laquelle le football est un jeu qui se joue à onze, et dans lequel c’est l’Allemagne qui gagne à la fin, avec le constat presque invariable, trimestre après trimestre, d’un marché de la publicité digitale dynamique, mais d’une croissance qui profitait avant tout aux grandes plateformes numériques.

Du point de vue systémique, d’abord, le procès en cours aux Etats-Unis pourrait aboutir au démantèlement de Google, et l’Europe, avec le DMA et le DSA, a posé de premières règles de transparence et de rétablissement d’une concurrence équitable susceptibles d’aider les acteurs nationaux à rééquilibrer le rapport des forces.

Le 12 septembre, les Etats Généraux de l’Information ont invité à aller plus loin, en « ouvrant à la concurrence la publicité numérique en ajoutant les services d’adtechs à la liste des services prévue par le DMA pour lesquels l’auto-préférence est interdite », et en en « rendant l’interopérabilité obligatoire afin d’encourager le développement de services concurrents ».

En proposant d’instaurer une « responsabilité démocratique »au terme de laquelle les annonceurs devraient rendre publique la répartition de leurs investissements publicitaires, entre médias d’information et autres supports, Bruno Patino et le Comité de pilotage des EGI ont prolongé une proposition du groupe de travail consacré au modèle économique des médias (Groupe 3) que dirigeait Christopher Baldelli, visant à « affirmer une volonté partagée de l’État, des Médias, des Annonceurs et des Agences à renforcer le modèle économique des médias d’information », par « un engagement du SIG à maintenir sa part des dépenses à au moins 50 % des montants investis en faveur des médias contribuant à une information fiable et de qualité », la « mise en place d’une charte tripartite entre médias, annonceurs et agences pour améliorer les pratiques professionnelles permettant de lever les freins à l’investissement publicitaire dans les médias d’information (mise à jour des blocklists, garantie de qualité d’insertion des publicités, suivi de la performance par l’adhésion à une mesure partagée, valorisation du ciblage contextuel) » et la « formalisation d’un engagement des annonceurs à soutenir à travers leurs dépenses publicitaires les médias d’information ».

« Les agences médias ont pris conscience de leur responsabilité dans le financement des médias français, déclarait ces derniers jours la directrice générale de l’Udecam Magali Florens, comme en écho. De nombreuses agences ou groupes d’agences ont construit des produits centrés sur les éditeurs français, signe de confiance et d’engagement vis-à-vis d’eux ».

Participant à une même mise en mouvement des professionnels, indépendante de toute initiative réglementaire ou législative, l’Udecam, l’Apig et l’Union des marques ont poursuivi pendant l’été leurs travaux sur les blocklists : éviter par une « sédimentation » de ces dernières que la volonté de garantir un environnement brand safe aux marques se traduise par des contresens (éliminer un article qui évoque le film La guerre des boutons à cause du mot guerre, ou aboutisse plus généralement à l’éviction des médias d’information. Le premier « guide à destination des annonceurs sur la gouvernance des blocklists » dont l’Union des Marques a annoncé la publication prochaine devrait concrétiser les fruits de cette réflexion.

A leur façon, les résultats du Baromètre cookieless publiés le 9 octobre par NPA Conseil, Media Square et Reason Why traduisent une même dynamique de sortie de la Google dépendance et de meilleure valorisation des éditeurs nationaux investis dans l’information et la création : parmi les 25 régies interrogées, 92 % ont adopté au moins une solution d’ID destinée à tracker ses inventaires sans recourir aux cookies, et en pouvant jouer sur une variété de solutions permettant de les valoriser (comportemental, contextuel…).

Et de la même façon, le partenariat qu’Emmanuel Grenier (Carrefour) et François Pellissier (TF1 Pub) ont annoncé le mardi 8, lors du Rendez-vous TV Connectée et Retail Media organisé par NPA Conseil, Maestis et Philippe Goetzmann&, permet de positionner les écrans de TF1+, en toute fin de funnel. Et dépasse le branding pour aller chasser sur un terrain de la conversion sur lequel les grandes plateformes digitales régnaient en maîtresses. Sans en dévoiler les détails, le CEO de Veepee Ads Thomas Kouck a indiqué lors du même évènement que l’accord que devraient bientôt dévoiler M6 et l’ancien Vente Privée s’inspirait d’une philosophie proche.

Au final, une hirondelle ne fait pas le printemps, mais une salve d‘initiative peut certainement modifier la dynamique des marchés. De quoi, espérons-le, faire mentir les sombres perspectives que traçaient en début d’année l’étude du cabinet PMP Strategy pour l’Arcom et la DGMIC.