L'édito de Philippe Bailly

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DAZN, L’intruse et TPMP : cas d’école pour la mesure hybride !

Le premier impact tangible de la convergence de la mesure d’audience pourrait être mobilier, avec la nécessité pour Médiamétrie de (sensiblement) agrandir la table de sa salle du Conseil… Ce sont plus d’une vingtaine d’acteurs en effet qui étaient réunis ce 6 mars pour porter sur les fonts baptismaux le nouveau comité cross média. Acteurs historiques de l’audiovisuel (d’ARTE à TF1 en passant par Canal+ et RMC BFM), agences médias (Dentsu, GroupM, Havas, IPG Mediabrands, OMG et Publicis Media) et annonceurs (Union des Marques), déjà impliqués dans la mesure d’audience TV et/ou radio, mais aussi services de SVoD (Disney+, Netflix, Prime Video), plateformes de partage de vidéo (YouTube), éditeurs de presse (Le Figaro) … Médiamétrie avait encore indiqué mi-janvier que Max et TikTok réfléchissaient à se joindre aux discussions. Et le tour de table pourrait encore s’élargir à d’autres parties prenantes.

Comme un symbole de la place croissante que le sujet occupe dans les agendas, l’ensemble des professionnels italiens – éditeurs, publicitaires, annonceurs et instituts de mesure – étaient réunis lundi 3 mars sur le même sujet à Milan. L’évolution de « la mesure de l’audience est nécessaire pour préserver l’équilibre et la transparence du marché publicitaire mais aussi, par voie de conséquence, pour garantir le pluralisme, compte tenu de son impact sur la situation économique des différents médias », y a affirmé le président de l’Agcom, l’équivalent transalpin de l’Arcom, Giacomo Lasorella.

Ces dernières semaines, l’Italie a illustré – à son corps défendant – les impasses très concrètes auxquelles peut conduire l’absence de mesure convergente. En vertu de la réglementation nationale, et parce qu’une partie significative des droits est partagée entre les clubs en fonction des performances des différentes rencontres, l’audience TV de la Serie A de football masculin doit être mesurée par un JIC(Joint Industry Committees). DAZN, l’un des deux diffuseurs du championnat (avec Sky) avait signé un accord de distribution par Amazon, via les Prime Video Channels. Mais Amazon a refusé d’accepter que son audience soit mesurée par Auditel, campant à ce stade sur l’usage de ses propres outils. Après plusieurs semaines d’échanges infructueux, l’Agcom a finalement enjoint à DAZN de cesser au 28 février la diffusion via la plateforme d’Amazon.

Au-delà, et s’agissant cette fois d’un exemple français, L’intruse a illustré ce mercredi les dimensions multiples que doit intégrer la réforme de la mesure. Et d’abord celle de l’horizon de temps pris en compte. Si le commentaire médiatique reste centré sur l’audience instantanée d’un programme, les professionnels se sont progressivement habitués à prolonger le regard jusqu’à J+7, J+28… et potentiellement au-delà.

La montée en puissance du Preview pourrait imposer demain une forme de « strabisme temporel divergent », englobant d’observer aussi le programme bien avant son arrivée à l’antenne : disponible sur france.tv depuis le 11 février, L’Intruse (4 x 52′ ; Tetra Media Fiction / ITV Studios) avait cumulé « 2,4 millions de vidéos vues » au 5 mars… soit presque autant que l’épisode diffusé le même jour à 21 heures (2,85 millions) … La possibilité de visionner en amont des programmes de stock est déjà une réalité quotidienne pour France télévisions et Arte ; elle pourrait devenir également la norme pour les chaînes privées, dès lors que la monétisation publicitaire de la BVoD sera devenue aussi efficace que celle de l’antenne linéaire. La mesure de demain devra donc savoir s’étirer dans le temps…

Quant à la capacité à agréger des données issues de multiples réseaux (broadcast et OTT), plateformes (FAI, Canal+, YouTube, Dailymotion, Molotov TV) et écrans (TV, smartphone, ordinateur et tablette), le « cas TPMP » apporte depuis le 3 mars des réponses rassurantes. Alors même que le dispositif de relance de l’émission s’est inventé, en temps réel ou presque, au lendemain de l’arrêt de C8, il aura fallu moins de 48 heures à Médiamétrie pour publier des données agrégeant l’ensemble des environnements et ne se limitant pas à comptabiliser le nombre de flux servis mais poussant jusqu’à la mesure individus, des résultats sur cible, et intégrant donc le coviewing. A défaut d’être « portable » à grande échelle, ce POC TPMP nourrira certainement les premiers échanges du Comité Cross Média.

Manière, pour le programme, de se mettre avant son arrêt à la fin du printemps au service de l’intérêt général !